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J'ai publié cette petite monographie d'une modeste commune de Rivière-Basse en 2000. Il manque encore beaucoup de thèmes à traiter, en particulier pour la période moderne et contemporaine, mais ce n'est que partie remise... | |
9-
Le XXe siècle
De
ce XXe siècle que nous terminons à peine, il est
encore trop tôt pour tirer des bilans définitifs. On peut
cependant formuler quelques remarques sur l'évolution de la population
ces cent dernières années.
9-1
La démographie et le poids des guerres
La
population de Soublecause, en 1911, s'élevait à 330 individus.
La guerre de 1914-1918 préleva encore un lourd tribut: tous les
hommes valides furent envoyés au front, les femmes, les enfants
et les vieillards devant seuls pourvoir à l'entretien des fermes.
Douze hommes ne revinrent pas au village en 1919:
BERAT Germain (décédé en) 1914 LATAPIE Maurice 1914 BAZET Lutger 1915 LUSSAN Raoul 1915 DOUX Joseph 1915 CARBOUES Robert 1915 CASSOU Urbain 1916 LALANNE Paul 1916 BARRERE Joseph 1917 GARCIES Léopold 1917 LATERRADE Jean-Marie 1917 LAMARQUE
Jean 1918
Douze
hommes partis, cela représentait aussi douze familles désunies,
douze fermes sans bras, des souffrances immenses que les mots ne peuvent
décrire...
Un
monument aux morts, très simple, fut érigé en 1921
près de l' école, pour rappeler à tous, et notamment
aux élèves, le sacrifice de tous ces jeunes morts pour la
France. Les travaux furent réceptionnés le premier février
1921 par le maire Joseph Cazaban des mains du maçon Jean Bérat,
et cette construction donna lieu à une subvention publique de 100
francs.
La
vie reprit pourtant dans le village, vaille que vaille. En témoigne
un curieux document conservé dans la sacristie de l'église
d'Héchac.
Déclaration Avec l'assentiment de Monsieur l'abbé Cazenavette desservant des églises de Soublecause et de Héchac, et d'accord en même temps avec Mr Jules Bérat Monicouat, qui l'utilisera, connaissant déjà la musique, Je soussigné Jacques Cazenave, ancien instituteur à Soublecause de 1872 à 1889, devenu ensuite juge de paix, fonction qu'il a exercées pendant vingt-quatre ans, de 1889 à 1913, propriétaire à Héchac de la maison dite à Trénas, qu'il habite, et de l'ancienne tuilerie située à Soublecause, déclare donner à l'église de Héchac, un harmonium qu'il possède, ayant les caractéristiques suivantes: un jeu et demi, cinq octaves, transpositeur et quatre registres. La famille Bérat Monicouat, qui s'occupe depuis longtemps pour ne pas dire de temps immémorial, des soins de ladite église, veillera de même à la conservation et aux soins dudit harmonium. A Héchac
le 8 juillet 1929
Signé: J. Cazenavette curé, Jules Bérat. La
crise économique des années 30 continua cependant à
dépeupler le village: il ne reste plus que 230 habitants en 1939.
La deuxième guerre mondiale faucha encore son lot d'hommes, égrené
par le monument aux morts:
SERRES Ernest 1940 PASQUIER Henri 1942 PETUS Charles 1944 DUPONT
André 1945
On
peut ajouter à cette liste le nom d'André RICAU, mort pour
la France en 1958 pendant la Guerre d'Algérie, cette guerre civile
qui refuse encore de dire son nom.
De grands travaux furent entrepris après-guerre, notamment la construction de l'actuelle voie d'accès au sommet du village. Le monument aux morts fut reconstruit en 1952 à son emplacement actuel, intégrant l'ensemble des noms des soldats morts dans le siècle. L'école fut également entièrement reconstruite en 1952: elle menaçait de s'effondrer du fait des glissements de terrain. La mairie fut déplacée dans l'ancien presbytère, où elle se trouve encore. Après les saignées des deux guerres mondiales et après un siècle de dépopulation, il ne restait en 1975 que 160 habitants. La population a pratiquement été divisée par trois en un siècle. La
population de Soublecause au XXe siècle
9-2
Les signes d'un renouveau?
Depuis
un quart de siècle cependant, on constate une stabilisation et même
une légère reprise du chiffre de la population villageoise,
qui compte aujourd'hui 180 âmes, pour une soixantaine de maisons.
Cette évolution a priori étonnante mérite une analyse. En
2000, les agriculteurs ne constituent plus qu'une minorité, parfois
âgée (moins d'une dizaine d'exploitants: Latapi, Lacabanne,
Larroque, Massé, Bruzon, Desbarats, Bournazel). Si on excepte les
domaines viticoles («Domaine Pichard» de Bernard Tachouères,
et «Domaine d'Héchac» et «des Aspalières»
du GAEC Rémon), qui brillent par leur dynamisme, le problème
risque de se poser pour la transmission des propriétés traditionnelles,
souvent de taille trop réduite et donc peu rentables. Le coût
considérable des matériels, le faible nombre de jeunes susceptibles
d'apprendre le métier va sans doute entraîner des regoupements
d'exploitations dans les années à venir, avec leur corollaire:
monoculture, remembrement... Seules diversifications d'appoint, deux jeunes
femmes se sont lancées dans les «niches» que constituent
la fabrication du miel (Nathalie Hourcadet) et l'élevage des canards
(Laure Bournazel, de Labatut).
Les
artisans sont en nombre relativement important par-rapport à la
population: on trouve un cuisiniériste (Yves Castellanos), un installateur
de cuisines (Jacques Lalanne), un menuisier-ébéniste (Patrick
Pédemanaud), quatre peintres (Christian Lanot,Guy Bonnet, Jean-Charles
et José Bignotti, ces derniers travaillant hors-canton), un plâtrier
(Raymond Vinazza), un serrurier (Jean-Paul Bonnet, travaillant sur Tarbes),
un chauffeur-livreur (Jean-Michel Latapi).
Les ouvriers du secteur secondaire sont en nombre très limité, du fait de la quasi-absence d'industries locales. On peut citer un ouvrier de la champignonnière de Madiran (Gérard Desbarats), un technicien de maintenance de stations-service (Pascal Chatellier), un élagueur (Eric Boulanger), . A
l'exception des artisans du bâtiment trouvant du travail localement,
la plupart sont obligés de travailler parfois à des dizaines
de kilomètres, souvent autour de Tarbes.
Le
secteur tertiaire reste limité: à l'exception de l'instituteur,
non résident, et de la secrétaire de mairie à temps
partiel, tous les actifs du secteur des services travaillent dans les villes
voisines, jusque dans la région de Tarbes et Lannemezan, ce qui
nécessite de fréquents trajets professionnels.
En
fait, l'évolution démographique ne trouve pas son origine
dans le village lui-même: on constate en effet qu'un certain nombre
d'anciennes fermes ont été rachetées par des expatriés,
ou bien par des couples ou des familles originaires d'un autre Etat de
l'Union Européenne (Royaume-Uni, Hollande, Allemagne, Belgique)
selon des modalités bien connues en Gascogne gersoise et en Dordogne,
et liées à l'héliotropisme et aux écarts de
niveau de vie et de pression foncière.
Par
ailleurs on peut noter que, depuis 25 ans, les installations se font majoritairement
par construction de pavillons près de la Route Départementale,
c'est-à-dire près de la voie d'accès principale. Ce
n'est que plus récemment qu'un certain nombre d'anciens bâtiments
ont été et sont restaurés pour servir de résidences
principales ou secondaires.
Il
faut surtout remarquer que la majorité des actifs travaillent hors
de la commune, parfois à des dizaines de kilomètres. Cela
est rendu possible par l'emploi systématique de l'automobile individuelle,
qui permet ces migrations pendulaires. Mais cela montre aussi la fragilité
relative de cette situation: la commune n'a pas la maîtrise réelle
de l'installation ou du départ des familles, car elle n'a pas la
maîtrise de l'emploi qui est en fait lié à la conjoncture
des petites villes voisines (Maubourguet, Castelnau...) et à la
politique de l'emploi de l'administration nationale, territoriale et locale.
L'évolution de la population de Soublecause peut en définitive être attachée à quatre phénomènes principaux: le
(faible) renouvellement de la population locale
l'installation
définitive de retraités
l'arrivée
de familles d'origine étrangère
l'installation,
au moins temporaire, de jeunes actifs ne trouvant pas ailleurs de parc
locatif
Je
distingue ici les installations « réelles » des aménagements
de résidences secondaires, nombreuses dans la région, qui
posent d'autres problèmes (non-occupation la plus grande partie
de l'année...).
Il
est évident que ces transformations modifieront à terme profondément
la relation des villageois à l'espace rural: les nouveaux campagnards
ont une utilisation de l'espace villageois qui est d'abord liée
à la « nature », au calme, au décalage avec l'espace
urbain... en particulier pour ceux qui ont une habitation secondaire. Mais
ceux-ci n'entretiennent pas l'espace, contrairement aux agriculteurs de
moins en moins nombreux, et de plus en plus poussés à produire
« industriellement » au prix de la destruction partielle des
paysages (arrachage des haies, élevages intensifs...).
En
conséquence, il se produit et se produira forcément des frictions
entre le monde rural traditionnel et les nouveaux arrivants, aux intérêts
divergents, qui peuvent se traduire par des conflits de voisinage, d'intérêts
politiques et économiques...
D'une certaine façon, on peut dire qu'en moins de 50 ans le monde rural traditionnel, tel qu'on l'a connu à Soublecause, s'est complètement disloqué et pratiquement transformé en une simple « coquille » de paysages et d'habitats dans laquelle de nouveaux individus et de nouveaux modes de vie se sont introduits et tentent, tant bien que mal, de s'adapter.
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