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J'ai publié cette petite monographie d'une modeste commune de Rivière-Basse en 2000. Il manque encore beaucoup de thèmes à traiter, en particulier pour la période moderne et contemporaine, mais ce n'est que partie remise... | |
8-
L’essor et la crise du XIXe siècle
Le
XIXe siècle est suffisamment proche de nous pour être bien
documenté. Les Archives Départementales conservent un grand
nombre de documents, et notamment un très intéressant témoignage
de l'instituteur du village en 1887 (ADHP T380 n°351). Celui-ci, en
réponse à une demande du Ministère de l'Instruction
Publique, rédigea une très complète monographie de
la commune, qui vaut en particulier pour le tableau qu'il brosse des années
1880. Nous en avons emprunté de larges extraits pour le chapitre
qui suit.
8-1
Les débuts difficiles de la commune
L'union
forcée des quatre seigneuries en 1791 fut manifestement mal acceptée
par les habitants de Héchac, qui ne supportaient pas d'être
sous le contrôle administratif de Soublecause: ceux-ci demandèrent
à deux reprises leur séparation de Soublecause et leur érection
en commune indépendante, en 1833-1838 et 1869 (ADHP 1M198). Deux
enquêtes furent diligentées, et chaque fois la séparation
en deux petites communes fut refusée, notamment à cause de
la taille trop réduite et du manque de ressources des deux communautés.
En 1887 Soublecause comptait 254 habitants et 67 feux (ou maisons), Héchac
comptait 163 habitants et 49 feux.
En
1856, L'indicateur des Hautes-Pyrénées
signale comme personnes « notables » à Soublecause les
sieurs Dangaïx, Soubiran, Macherot, Nabonne, Dabast-Goujon, Mieussens,
Castaing, Lasbats, Bruzon-Berdoulet, Lalanne, Maudron, Castang-Jouet, Dabat-Pichar,
Brondes, Chapeau, qui étaient les principaux agriculteurs et artisans
de la commune. C'est eux que l'on retrouve tout au long du siècle
aux postes de maires et conseillers municipaux.
A partir de 1875, avec la naissance de la IIIe République, Soublecause devint une commune administrée par un maire et des conseillers élus de la population, alors qu'auparavant les maires étaient désignés pratiquement d'office en fonction de leur qualité et de leur fortune. Ce
qui est certain, c'est qu'à la fin du siècle l'esprit républicain
était solidement ancré dans l'esprit des instituteurs, et
sans doute de leurs élèves. Celui-ci note en effet à
propos du marquis de Franclieu, un siècle plus tôt, qu' «
il paraît que dans le temps, il avait des droits sur deux forêts
et autre immeubles appartenant au château de Lascazères et
dont les propriétaires de ces immeubles auraient dépouillé
les habitants de Soublecause par une de ces supercheries inqualifiables
dont le passé nous offre bien des exemples. Cette spoliation remonte
d'ailleurs à une époque antérieure à la Révolution.
Quoi qu'il en soit, Soublecause n'a pour toute ressource que l'imposition
volontaire».
Avec
de tels « hussards noirs », les prêtres perdirent rapidement
leur influence: la croix de mission implantée en 1880 à un
carrefour près de l'école (!) prouve qu'à Soublecause
comme ailleurs la déchristianisation commençait à
vider les églises.
8-2
Un artisanat important, une petite industrie de la terre et de la pierre
Du point de vue technique, plusieurs points sont à noter: Un premier cadastre dessiné, en couleur, fut réalisé en 1813, par ordre de l'empereur Napoléon Ier, permettant de visualiser pour la première fois l'ensemble des terres communales. Il est conservé avec sa matrice aux Archives Départementales à Tarbes, et est l'ancêtre de l'actuel cadastre.
Les
transports routiers s'améliorèrent considérablement
au cours du siècle: La Route Nationale fut créée en
1830, la Route Départementale en 1820 si on en croit toujours l'instituteur,
mais il s'agit certainement du classement de ces voies et de réfections
(sablage, empierrage, bornage), car ces chemins existaient déjà
au siècle précédent (la caussade est d'origine
antique, et l'actuelle R.D. 935 fut réalisée vers 1758 sur
ordre de l'intendant d'Etigny). En 1856, selon Abadie de Sarrancolin, le
courrier arrivait à cheval chaque jour depuis la poste de Castelnau.
Vers 1858-1859, la voie de chemin de fer fut construite par ordre de Napoléon III, qui désirait mettre en valeur les Landes de Gascogne, notamment par le boisement et le drainage. Les chemins de fer étaient les «axes vitaux » de cette ambitieuse politique d'aménagement. Le tronçon qui passe à Soublecause permettait d'acheminer le grain, le bois et le vin. La ligne fut inaugurée en 1859 par l’empereur lui-même et son épouse, qui désiraient se rendre aux bains à Barèges. Il ne s'arrêtèrent pas cependant à Soublecause, lieu trop modeste pour être doté d'une gare. Les gares les plus proches se trouvaient à Castelnau, Caussade et Maubourguet. Cette
voie, qui était en gestation depuis 1846 au moins (d'après
les délibérations de la municipalité de Maubourguet),
fut ensuite utilisée par les bigourdans pour leurs déplacements
personnels.
Deux
tuileries en partie mécanisées furent implantées à
Soublecause: on trouve trace d'une tuilerie Baleix en 1818, et d'une tuilerie
Ducasse en 1829 (ADHP 5M174). Un four à chaux fut installé
illégalement par le sieur Dangais en 1825; il fut rapidement mis
en procès (5M135). Peut-être est-ce l'ancêtre de l'exploitation
dont les vestiges sont visibles à la limite de la commune de Hagedet.
En 1856, L'indicateur des Hautes-Pyrénées atteste la présence de deux moulins, une scierie, un forgeron, trois maçons, deux charpentiers, deux charrons, trois tailleurs, un cordonnier, un menuisier, un boucher, et un aubergiste-épicier-bureau de tabac (chez Bruzon-Gabilat) Sur
le Louet étaient installés deux moulins (moulin de Hagedet
et moulin de Lagrace) et une scierie hydraulique en fonctionnement, non
localisée mais qui était peut-être voisine du moulin
de Lagrace.
En
1887 l'instituteur signale qu'il existait alors une carrière de
pierre à bâtir et quatre carrières de pierres à
chaux. Détail intéressant, il signale que pour mesurer la
pierre on employait encore des mesures prérévolutionnaires
comme la toise (8 m3) ou la canne (3m16), et pour les mesures
de grain la pugnère (1/7 de mesure, ou ¼ d'hectolitre, correspondant
également à une surface).
8-3
Une agriculture en péril
Dans
les années 1870, l'agriculture était restée très
traditionnelle à Soublecause. Il est vrai que la vigne et la polyculture
permettaient de vivre nombreux et très correctement sans progrès
techniques notables.
Les cultures étaient alors réalisées dans de petites exploitations dépassant rarement dix hectares, souvent beaucoup moins, dispersées sur le territoire communal. Les terres étaient partagées entre les labours, la vigne et des taillis de chênes et de châtaigners (en particulier au Havet, déjà en grande partie boisé), dont la coupe était réalisée tous les 12 à 15 ans. L'instituteur,
en 1887, note que les cultures s'effectuaient encore par assolement triennal
(sans apport notable d'engrais), avec des charrues en fer à un versoir
et avant-train. Le drainage des terres était alors réalisé
par des tranchées à ciel ouvert. On trouvait dans la commune
des boeufs et des chevaux (pour le labour et le transport), et dans les
basse-cours des porcs, dindons, oies, canards, poules, ainsi que trois
troupeaux de moutons de 100 à 120 têtes, cantonnés
principalement sur les pentes des coteaux et les terrains inondables.
L'alimentation
en eau était assurée par « de nombreuses sources, surtout
à la côte. En outre, un tiers des maisons possédait
des puits, l'eau était généralement bonne »
mais terreuse à la mauvaise saison quand il pleuvait trop.Le canal
du moulin servait d'appoint pour l'irrigation, mais «ce cours d'eau
était
sujet, surtout en hiver, à des débordements très préjudiciables
».
S'ils
étaient largement cultivés, le blé et le maïs
suffisaient cependant à peine aux besoins des habitants (blé:
1500 hectolitres, maïs: 1000 hectolitres en 1887), et les prairies
«permettaient
à peine également de nourrir les bestiaux nécessaires
aux travaux, aussi l'élevage était presque méconnu
à Soublecause». Seule la vigne, par ses forts revenus, permettait
d'acheter le surplus de nourriture et le superflu.
La situation, jusqu'à la fin du siècle, était donc celle d'une petite société rurale prospère. La situation changea brusquement dans les années 1880, avec l'arrivée de maladies nouvelles qui décimèrent la vigne et firent fondre les revenus agricoles. Le témoignage de l'instituteur, contemporain du désastre, est ici capital. Il note à ce sujet: Partout
on pouvait constater un bien-être sérieux. Cela tenait à
ce que tous les habitants possédant plus ou moins de vignobles et
vendant leur vin à un bon prix, réalisaient de beaux bénéfices.
C'était et cela est encore leur culture principale. La récolte
pouvait être évaluée il y a quatre ou cinq ans à
environ 3000 hectolitres pour le moins. En 1885 et 1886 elle a été
tout au plus de 600 hectolitres, en même temps de qualité
très médiocre en 1885. La grêle, le mildiou, et le
ver appelé cochilis, et aussi le phylloxéra, tels sont les
fléaux qui paraissent devoir être la ruine de la commune si
l'on ne parvient à pouvoir les combattre efficacement. A l'égard
du mildiou, ajoutons toutefois que le sulfate de cuivre est regardé
comme devant en avoir raison. L'échaudage pour le cochilis, le sulfure
de carbone pour le phylloxera n'inspirent pas la même confiance.
[...] Quoi qu'il en soit le phylloxera a été constaté
dans trois vignobles assez rapprochés en 1884.
Dans
un contexte de «monde plein », ne pouvant nourrir plus de population,
cette brusque catastrophe écologique que l'on ne savait alors combattre
efficacement contribua à une vertigineuse chute démographique:
les enfants, ne pouvant rester à la ferme, partirent chercher fortune
en ville ou à l'étranger.
8-4
La déprise et l'exode rural
La population villageoise augmenta régulièrement au XIXe siècle: 495 habitants en 1806, 516 habitants en 1861, 507 habitants en 1867 (ADHP série M). Cette date marque un maximum: dans les années 1850-1860 les campagnes sont pleines, la population y est trop nombreuse pour les capacités agricoles. En 1866, à côté des nombreux agriculteurs, on compte quatre maçons, trois tisserands, des tuiliers, des chaufourniers –fabriquant de la chaux etc. Rapidement, les cadets de famille sans le sou et les plus pauvres partirent vers la ville, pour être ouvriers dans les premières usines, ou artisans. D’autres tentèrent l’aventure aux Amériques: on estime à près de 20000 les basques et les gascons partis faire fortune de l’autre côté de l’Atlantique. Cet
exode était d'autant plus nécessaire que la Révolution
et l'explosion démographiques avaient mis fin aux partages inégalitaires
qui permettaient le maintien des famille-souches encore en fonctionnement
en 1740.
A Soublecause comme dans le reste du Madiranais, la dépopulation ne fut pas très sensible avant les années 1880: l'entretien de la vigne, non mécanisable, nécessitait de nombreux bras. Ce n'est qu'avec la crise viticole et la reconversion de nombreuses terres à vignes en labour (à Héchac en particulier) que les hommes commencèrent à fuir la campagne. A Soublecause même cet exode tardif se fit lourdement sentir: il n'y a plus que 408 habitants en 1887, et en 1911 on ne compte que 330 habitants, près des deux-tiers de la population de 1867. La
population de Soublecause au XIXe
siècle
L'instituteur, en 1887, a noté cette diminution sensible de la population. Il fait à ce sujet une série de remarques pleines d'acuité: On
fuit généralement les travaux pénibles des champs,
espérant trouver à la ville une existence plus facile et
une rémunération plus avantageuse; les mauvaises récoltes
qui ont lieu depuis quelques années poussent les gens à cette
émigration. En outre des familles très peu nombreuses. Le
désir, ou plutôt l'orgueil des parents, de pouvoir doner de
belles dots à leurs enfants pourrait aussi ne pas être étranger
à la question dont il s'agit.
Les
chiffres de population qu'il donne ensuite prouvent que les familles étaient
effectivement très réduites: 3 à 4 personnes par foyer
en moyenne (116 feux pour 408 habitants), c'est-à-dire au maximum
deux enfants par couple, ce qui montre également que certaines formes
de contraception étaient déjà répandues dans
cette période.
8-5
La naissance d'une école publique
Nous
avons vu plus haut qu'il n'existait pas d'école à Soublecause
et Héchac à la fin du XVIIIe siècle. Une
école publique fut implantée à Soublecause vers 1833,
dans un local qui n'est pas connu, et elle resta mixte jusqu'en 1854, ce
qui montre la faiblesse des moyens employés. A partir de 1855 une
institutrice fut payée par la commune pour assurer l'école
aux filles, et en 1876 l'école pour les filles devint école
communale, au même titre que celle des garçons.
Un
nouveau bâtiment scolaire, ancêtre de l'école actuelle
et sur le même emplacement, fut construit entre 1881 et 1884 pour
un coût global de 19 926,75 francs, subventionné à
moitié par l'Etat. Cette école comportait un corps central
destiné au logement des deux instituteurs et de la mairie, et deux
ailes, pour la classe des garçons et celle des filles. En 1887 l'aménagement
n'était pas complet: il manquait encore des préaux pour abriter
une partie de la cour, et des jardins pour l'usage des instituteurs. En
ces temps où la parité n'existait pas, pas plus que le vote
des femmes, l'instituteur touchait 1250 francs par an, et l'institutrice
900 francs pour le même travail.
Nul
doute que cette école, tout au long du XIXe siècle,
contribua à améliorer le niveau culturel de l'ensemble de
la population, et aida peut-être par là à l'exode rural.
C'est exactement le contraire de la situation actuelle, où l'école
doit être conservée à tout prix pour aider à
l'installation de quelques familles.
Plan
de l'école construite en 1881-1884, réalisé par l'instituteur.
Plan du rez-de-Chaussée
Les
salles de classe, symétriques, étaient constituées
d'un vestibule, un vestiaire, et la salle de classe proprement dite. Les
appartements des enseignants, sur deux niveaux, étaient constitués
de deux chambres, d'une cuisine et d'une remise. L'appartement de l'institutrice
était plus petit, et une pièce à l'étage était
réservée à la mairie: les instituteurs faisaient souvent
office de secrétaire de mairie.
Les
travaux furent réceptionnés en 1884, ce qui causa de nombreux
tracas: divers documents des années 1890-1891 conservés à
Tarbes montrent qu'une partie des travaux n'avaient pas encore été
payés, car la municipalité prétendait que de nombreuses
malfaçons compromettaient la construction.
Des
préaux en bois furent envisagés en 1902: un beau plan en
couleur est conservé dans les fonds d'archives de Tarbes (2O 2177),
mais je ne sais s'ils furent effectivement construits.
Evolution
d'un « quartier »: le quartier de l'école.
Implanté
à un carrefour de voies, ce quartier est actuellement le «centre»
de la comune, car il comprend la mairie, l'école, le monument aux
morts, ainsi qu'une maison et une croix de mission de 1880. Le presbytère
était implanté là depuis le XVIIIe siècle
au moins, comme l'atteste l'enquête de 1783. En 1852 la mairie envisagea
de «mettre en ferme» le presbytère, et de construire
sur cet emplacement l'école communale. Un plan fut dressé
à cette occasion. L'ensemble était dégradé
en 1860, comme le prouvent les registres municipaux: il fallait réparer
la toiture, les latrines et la volière. Un procès opposa
néanmoins la commune et le curé à partir de 1867,
tant pour les travaux que pour le déménagement du presbytère.
L'école fut finalement construite quinze ans plus tard à
cet emplacement, et l'ancien presbytère finit par devenir l'actuelle
mairie.
Plan réalisé par le Géomètre Dufaur de Lamazère en juillet 1852. On distingue le presbytère et sa grange disparue (A et B), la basse-cour et le jardin (C et D), une vigne E. Le petit bâtiment isolé H représente une volière ou des latrines.
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