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J'ai publié cette petite monographie d'une modeste commune de Rivière-Basse en 2000. Il manque encore beaucoup de thèmes à traiter, en particulier pour la période moderne et contemporaine, mais ce n'est que partie remise... | |
7-
La Révolution Française
7-1
Les cahiers de doléances
Le
7 mars 1789, comme partout en France, Jean-Paul, marquis d'Angosse et baron
de Corbères, grand sénéchal de Lectoure, fit parvenir
à l'ensemble des représentants de la noblesse, du clergé
et du Tiers-Etat de Rivière-Basse une ordonnance portant obligation
de préparer des cahiers de doléances pour les Etats-Généraux
du royaume, qui devaient se tenir quelques mois plus tard à Versailles.
Dans
chaque seigneurie, les habitants se réunirent pour mettre par écrit
l'ensemble de leurs « remontrances » au roi. A Soublecause,
Héchac, Lagrace et Barbazan des cahiers durent être rédigés
et envoyés au siège de la sénéchaussée.
Malheureusement, de ces cahiers nous ne connaissons rien, puisqu'ils ne
sont apparemment pas conservés dans les dépôts d'archives,
ni à Tarbes ni à Auch. Seul subsiste le cahier « de
synthèse » qui fut réalisé par l'ensemble des
délégués du Tiers-Etat, et qui n'intéresse
donc pas directement l'histoire locale (ADG B497, qui contient l'ensemble
des pièces conservées).
Dans les archives d'Auch, par contre, sont conservés les «brouillons» des cahiers qui furent rédigés par le noblesse et le Tiers-Etat. Le
clergé fut réuni en bon ordre: dans l'inventaire des présents
et des excusés de cet ordre, on trouve la majeure partie des clercs
de Rivière-Basse. Curieusement, dans cet inventaire on ne trouve
pas le curé de Soublecause ni celui de Héchac. Peut-être
ceux-ci étaient-ils représentés, et leurs procurations
furent-elles oubliées?
Extraits
de l'inventaire des prêtres présents à la réunion
de désignation des commissaires du clergé pour la sénéchaussée
de Lectoure (ADG B497; ces noms sont en fait dispersés dans la liste).
Ce document donne un panorama assez complet, bien que lacunaire, de la
« géographie religieuse » de la vicomté en 1789:
[...]Mr Cazeaux archiprêtre de La Devèze, procureur fondé de Mr Bourdette curé de Saint André et de Bertrand de Cantan de Hournët curé de Goueitte, et de Barrère curé de Causade. Mr de Sieux curé de Viella et procureur fondé de Mr le curé Daurenzan et de Mr le curé de Saint Lanne. Mr de Vergès curé de Madiran, procureur de Mr le curé de Plaisance. Mr Saint Arnoul, archiprêtre de Castelnau Rivière basse, procureur de Mr le curé de Goux, et de Mr le curé de Sombrun. Mr Bedouret, curé de Sauveterre, procureur de Mr Maignon curé d'Armentieu. L'abbé de Labarthe-Thermes, abbé et seigneur de l'abbaye royale de Tasque, et procureur de Mr Gratien Castagnet, curé d'Isauge. Le curé de saint-Laurens, procureur de Mr le curé de Galiax et de Mr le curé de Préchac. Mr Baqué, curé de Vidouze, procureur de Mr Artigalos, curé de Lahite-Toupière et de Mr Toujas, curé de Saint Aunis. Mr Lalanne, procureur de Mr le curé de Terme et de Mr le curé de Cahusac. Mr Toulan, curé de campagne, procureur de Mr le curé de Reans et de Mr le curé de Canet. Mr
Roussille, chapelain de Saint Augustin, procureur de Mr le curé
de Mobourguet. [...]
L'archiprêtre
de Rivière-Basse, Saint-Arnoul, fut nommé commissaire pour
ses collègues: on trouve son nom en fin du Cahier de doléances
et de remontrances du clergé de la sénéchaussée
de Lectoure pour les Etats-Généraux de 1789.
La
noblesse fut plus difficile à réunir. Beaucoup de nobles
de la sénéchaussée se firent représenter par
un châtelain voisin ou un parent. On trouve cependant dans la liste
des présents plusieurs représentants de la Rivière-Basse:
le vicomte de Labatut, Pierre de Fondeville; le marquis Jean-Marie de Médrano,
seigneur de Beaulat et autres lieux; Mr de Tauzia de Mondégourat,
seigneur de Villefranque; Mr de Saint Julien, seigneur de Cahuzac; Mr de
Perron, seigneur de Saint-Lannes; et le marquis de Franclieu, pour son
marquisat, qui fut également commissaire et participa à la
rédaction du cahier commun de la noblesse.
Ces
cahiers communs, qui ne concernent pas directement l'histoire communale,
n'ont pas été reproduits ici. Le lecteur intéressé
pourra en trouver une édition dans l'ouvrage publié par le
vicomte de Bastard d'Estang en 1865.
7-2
La métairie de Héchac
Sur la Révolution elle-même, nous ne savons que peu de choses. En 1790, aucun bien national ne fut «soumissionné» (proposé à l'achat) dans le village: l'église ne possédait qu'un lopin de terre. Par contre en 1791, un des fils du marquis de Franclieu émigra. Immédiatement, cette famille étant devenue suspecte, on posa le séquestre sur ses biens. A
Soublecause, le Marquis possédait une propriété qualifiée
de « Métairie », couvrant près de 400 journaux
de terres (environ 100 hectares, soit près de la moitié de
la seigeurie), dont 115 journaux de vignes, et correspondant aux biens
cités dans le livre-terrier de 1740, plus des terres acquises dans
l'intervalle.
Le six ventôse an II (24 février 1794), quatre citoyens habitant la commune furent chargés de surveiller le séquestre (Jean Dabat, Bernard Nabonne, Jean Brondes et Forgues Gendarmat). Le
18 ventôse an II (8 mars 1794), ces habitants envoyèrent à
Tarbes une lettre pour signaler la difficulté d'entretien de ces
biens, car la métairie était gardée par un domestique
du marquis qui refusait de laisser prendre les outils nécessaires:
[...]
Pour faire tailler le vignoble dans un temps aussi avancé, il faut
des bras qu'il est impossible de se procurer qu'à chers deniers,
il faut achepter des liens et des échalats, puisque le commissaire
a eu la ridicule et sale prétention (sic) de tout saisir et mettre
sous la main d'un gardien autre que les exposants, qui devraient avoir
le tout en mains, pour l'entretien des hautins, et la culture des biens.
Cependant ils n'ont rien, puisque le gardien, placé sans doutte
par exubérance de droit très inutille (sic), a sous sa garde
les boeufs, le foin, les outils aratoires, les liens pour les hautins,
les échalats, et enfin tous les autres objets nécessaires
aux exposants qu'ils ne peuvent point se procurer [...] Il leur est impossible
de travailler ».
Les
responsables demandent ainsi la remise du matériel, et « au
citoyen Franclieu de rendre le grain qu'il en a oté et fait transporter
dans sa maison de Lascazère, et au receveur de leur fournir et avancer
une somme de mil livres pour les travaux les plus urgents [...]»
(ADHP 1Q415 N°14159 et 14161)
Un autre document envoyé quelques jours plus tard donne quelques renseignements supplémentaires (N°14162): La métairie de Soublecause était jusqu'en 1789 exploitée par « des domestiques laboureurs et journaliers ». Le vin produit à Hagedet était transporté dans ses caves, ainsi qu'une partie du grain récolté à Lascazères, car il n'y avait pas assez de greniers dans ces villages. Il restait dans cette exploitation en permanence du grain pour dix domestiques. A la suite de cet exposé, les responsables du séquestre demandent de nouveau des mesures urgentes: utilisation des outils malgré les scellés, demande d'échalats et de verges pour la vigne, réquisition d'ouvriers, de grain et d'argent. On
apprend également que des bois ont été pillés
par des habitants avant le séquestre (vol de bois), et que depuis
des landes et taillis appartenant au marquis ont été incendiés
(pour cultiver? Par malveillance?).
Il faut ici s'interroger sur le sens de tous ces évènements. Le dernier document permet seul de savoir que des habitants profitèrent du désordre pour piller une partie des biens du marquis de Franclieu entre le printemps et l'automne 1790. La métairie, qui formait la plus grande partie de la fortune du seigneur dans ce village, fut par contre soigneusement gardée par un ou plusieurs domestiques fidèles, qui empêchaient la venue des séquestreurs, par peur de vol du matériel. Une
mention du bureau des commissaires de Vic semble indiquer que le matériel
fut délivré aux habitants, et que les vignes purent être
sauvées cette année là. Les biens du marquis lui furent
rendus plus tard et ne furent pas vendus comme biens nationaux. On peut
supposer par ailleurs que l'empressement mis par les séquestreurs
n'était pas dénué d'arrière-pensées:
l'un d'eux, Jean Nabonne, avait soumissionné peu avant pour acheter
les terres relevant de l'église, et aurait certainement été
intéressé par l'achat d'une partie de cette riche propriété
des Franclieu.
Le
28 prairial an IV (16 juin 1796), le presbytère et les terres relevant
de l'église furent vendus comme biens nationaux. Le sieur Nabonne
Audine fut acquéreur de l'ensemble: « maison presbitérale,
grange, basse-cour, vollières, jardin, pré » pour 1217
livres 19 sous 8 deniers, et une mesure de terre inculte pour 66 livres
(ADHP 1Q415).
7-3
La Terreur et les réclusions
En octobre 1793, en pleine Terreur, des listes de « suspects » furent établies sur ordre du commissaire de la République Dartigoeyte. Rapidement, les personnes que l'on accusait de « tiédeur » envers la Révolution furent enfermées ou recluses dans leurs maisons. La plupart des nobles et notables de Rivière-Basse furent ainsi inquiétés, et emprisonnés à Vic-en-Bigorre (d'après les travaux de Louis Ricaud, op. cit.). On
trouve ainsi dans une liste de suspects du 2 octobre 1793 les noms de Louis
de Monet de Sombrun, Jean-François et Charles de Pujo-Labatut, Antoine
de Pujo-Labatut baron de Lengros, Jean-Pierre de Crotte du Perron, Charles
Pujo seigneur de Jû, ainsi que le marquis Jean-Baptiste-Madeleine-Isidore-Charles-Laurent
Pasquier de Franclieu et sa fille Françoise-Louise-Marie-Denise
Pasquier de Franclieu épouse Journet. Tous furent reclus dans leurs
demeures ou emmenés à Vic.
Le marquis de Franclieu, alors âgé de 70 ans et reclus dans sa demeure, prit en charge ses cinq petites-filles et son petit-fils, en l'absence de leur mère arrêtée (Françoise de Journet, qui fut envoyée à Tarbes puis à Pau) et de leur père également emprisonné. Logeant
à Vic, le marquis écrivait régulièrement à
son frère le comte de Franclieu, qui résidait au château
de Lascazères, pour lui demander quelques vivres. Les lettres qu'il
envoya, conservées dans les archives du fonds de Franclieu et relevées
par Louis Ricaud, témoignent des difficultés quotidiennes
dans cette période troublée: « Je n'ai de pain, mon
cher frère, que jusques à dimanche pour moi, et jusques à
lundi pour ceux que je nourris [...] Vous nous avez envoyé, mon
cher frère, de quoi vivre, j'étais un peu peiné de
n'avoir qu'un quartier de dindon pour toute viande pour nourrir cinq enfants
». « Madame de Palaminy a envoyé, comme je vous l'ai
mandé, seigle et milloc pour les enfants ». « On va
rassembler 100.000 hommes sur Perpignan, me dit hier un gendarme qui est
de cette armée, qui a logé ici et qui fort honnêtement,
voyant que nous n'avions pas de viande, m'offrit de la sienne, ce que j'acceptai
pour Hortense, aussi je lui donnai de mon vin ». « Les enfants
sont pieds nus; je n'ai pas trouvé de la toile d'étoupe pour
faire des souliers [...] Je voudrais que Marion fit en tricot des talons
[...] Elle peut faire deux morceaux de talons de bas que je coudrai ensuite
au bas des chaussettes [...] ». « [Mon cuisinier] Garigues
nous a quittés aujourd'hui [...] Notre fortune, d'ailleurs, ne nous
permettait pas de garder un cuisinier pour faire des bouillies et des grillades
».
Le 15 novembre on mit en réclusion le sieur Saint-Jean, homme d'affaires de Mr de Perron, et l'ensemble de la famille Priellé, qui possédait Lagrace et résidait alors à Madiran. Marie-Elisabeth
Crotte du Perron, ancienne ursuline de Tarbes, fut également déclarée
suspecte « pour n'avoir jamais manifesté son attachement à
la Révolution », ainsi que les dames de Pujo-Labatut (femme
et fille du seigneur de Jû). Victoire Monlor, épouse de Jean-Baptiste
Priellé, fut recluse chez elle, et Madame de Perron fut emmenée
à Vic, suivant de peu son époux.
On trouve également, parmi les derniers suspects mis en réclusion, le nom du comte Louis-François-Catherine Pasquier de Franclieu, à la date du 24 juin 1794.
La Terreur finit par s'apaiser. Par la loi du 18 vendémiaire an III (9 octobre 1794), Monestier de la Lozère fit rapidement libérer l'immense majorité des accusés, dont le seul tort était d'être noble et parfois parent d'un émigré. L'ensemble
des nobles de Rivière-Basse, dont tous les membres de la famille
de Franclieu, purent ainsi rentrer et retrouver ce qui restait de leurs
propriétés.
7-4
La création de la commune de Soublecause
Le 16 avril 1791, par décret de la Première République, les communautés de Héchac, Soublecause, Lagrace et Barbazan furent réunis en une seule entité, formant l’actuelle commune de Soublecause. Cet acte marque la naissance de la commune moderne. Les
seigneuries de Barbazan et de Lagrace étaient peu peuplées
(une centaine d'habitants?), essentiellement des laboureurs qui cultivaient
leurs terres sur les seigneuries voisines. Seules Héchac et Soublecause
étaient encore assez peuplées et actives (plus de 300 habitants
a elles deux). La nouvelle commune, assez grande et administrativement
plus simple à gérer que quatre communes minuscules, fut un
succès: plus de 400 habitants la peuplaient alors, avec deux églises
en usage à Soublecause et Héchac.
La Révolution se limita ainsi dans le cadre de la commune à ces rares évènements: séquestre et pillage partiel des biens des Franclieu, vente du presbytère et création d'une nouvelle commune à partir des quatre seigneuries.
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