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J'ai publié cette petite monographie d'une modeste commune de Rivière-Basse en 2000. Il manque encore beaucoup de thèmes à traiter, en particulier pour la période moderne et contemporaine, mais ce n'est que partie remise... | |
5-
Les temps modernes
Les
« temps modernes » correspondent à la période
qui s'étend de 1492 environ à la Révolution Française
de 1789. La documentation devient ici assez riche, et on peut suivre la
généalogie des seigneurs de Soublecause et Héchac,
ainsi que quelques anecdotes concernant les habitants. Nous avons conservé
la distinction entre les quatre seigneuries, car elle reste valable pour
cette période. Nous avons également consacré un chapitre
particulier au XVIIIe siècle, puisque c'est au cours de ce siècle
que furent réalisés les premiers documents cadastraux conservés.
Le
XVIe siècle est marqué par le poids des réformes
religieuses: le protestantisme toucha très tôt les Pyrénées,
en particulier le Béarn et une partie de la Bigorre. A partir des
années 1560, cette religion se développa considérablement,
et toucha certaines villes de Bigorre, comme Tarbes ou Rabastens. La Bigorre
et la Rivière-Basse, « espace-tampon » entre la Gascogne
catholique et le Béarn protestant, furent le théâtre
de nombreuses atrocités, tant du côté catholique (Blaise
de Montluc) que du côté huguenot (le Comte de Montgomery,
ou encore le baron de Castelnau-Chalosse qui avait pris Castelnau-Rivière-Basse
pour point de départ de ses équipées).
En
1569, le comte de Montgomery, protestant, effectua plusieurs « raids
», brûlant et détruisant tout signe du catholicisme
en Bigorre et Rivière-Basse. Six ans plus tard, en 1575, le clergé
fit réaliser plusieurs inventaires des très nombreuses églises
brûlées par les soldats béarnais: on trouve parmi elles
les églises de « Sauveterre, Auriébat, Maubourguet,
Estirac, Villefranque, Plaisance, Galiax, Ju, Baulat, Labatut, Montus,
Castelnau, Orieux, Soublecause, Gouts, Cahuzac, Canet, Caussade, Saint-Lannes
» (SB II, p.236, III p.33-230).
Les églises brûlées, les villages dévastés, il fallut des dizaines d'années pour que la région redevienne florissante: on perçoit encore à la fin du XVIIe siècle des signes d'incompréhension entre catholiques et protestants voisins... Du
moins ces évènements permettent d'expliquer en partie la
maigreur des vestiges médiévaux dans cette zone, et l'absence
totale de vestiges d'habitat antérieurs au XVIIe siècle.
5-1 SOUBLECAUSE
5-1-1
L'habitat moderne
Avouons ici notre ignorance presque totale de cet habitat ancien. La
maison la plus ancienne actuellement en élévation à
Soublecause est un bâtiment qui sert de grange à une maison
du XVIIIe siècle, implantée perpendiculairement à
la caussade. Construite en galets, elle conserve de vastes ouvertures
en briques: un portail central encadré de deux hautes fenêtres.
On remarque la taille étrangement élevée de ces fenêtres,
qui ne trouvent pas leur justification dans une grange, et la forme en
«anse de panier» de l’arcade en briques du portail (on parle
aussi d'arc surbaissé). Nous pensons que ce bâtiment, qui
utilise des techniques de construction des XVIe et XVIIe
siècle, pourrait remonter au XVIIe siècle, et
formait initialement un bâtiment autonome. Il fut complété
au siècle suivant par d’autres bâtiments, dont un corps de
logis de plus grande taille. Le bâtiment ancien fut en partie muré,
légèrement rehaussé pour s’adapter au reste du corps
de ferme, et remployé en grange.
Détail
de la grange de la ferme Bonnemaison: remarquer le portail (actuellement
muré) et les hautes fenêtres repercées pour former
des portes secondaires.
A
Soublecause, on peut supposer que l'habitat de cette période était
dispersé, comme à Héchac: aucun site ne semble avoir
concentré l'habitat. A Barbazan par contre, les tessons modernes
sont extrêmement nombreux au bord de la route de « fond de
vallée» où se concentre l'habitat actuel. Il est vraisemblable
que depuis le XVIe ou XVIIe siècle l'habitat
paysan se concentre dans cette zone. A Lagrace de même, les rares
tessons modernes ont été trouvés mélangés
aux tessons antiques et médiévaux, sur l'emplacement de la
villa.
Profil
d'un tesson de céramique (4x3cm)
trouvé dans l'ancien cimetière entourant l'église
Saint-André. Il s'agit d'un fragment de plat tourné en céramique
rouge-orangée, bien cuit, à dégraissant fin. On peut
rapprocher ce type de céramique des plats à quêtes
des XVIIe et XVIIIe siècle étudiés
dans le Vic-Bilh par l'Inventaire Monumental. Détail curieux, le
tesson est percé d'un trou de section biconique qui a pu servir
à passer un lien: ce plat a-t-il servi suspendu au plafond de l'église
pour assurer l'éclairage par des bougies ou de l'huile?
5-1-2
Histoires de seigneurs
Au
cours du XVIe siècle les seigneuries de Soublecause et
Héchac changèrent souvent de mains, en restant cependant
dans la même famille jusqu'en 1590.
En 1501 Jean de Saint-Lanne devint par héritage coseigneur de Soublecause. Il le resta jusqu’en 1548. En 1538 il obtint l’autre moitié de la seigneurie par son frère. En 1547, ayant contracté des dettes auprès du chapitre cathédral de Tarbes, il ne put rembourser, et fut détenu dans les geôles de l’évêché. Son cousin germain Bernard de Saint-Lanne, curé de Pontiac et de Soublecause, partit à cheval à Tarbes et paya les dettes de son cousin. Celui-ci, libéré mais gravement malade, ne survécut pas longtemps à cette épreuve. Bernard de Saint-Lanne racheta les droits sur Soublecause à la veuve de Jean, sa cousine par alliance, et devint ainsi seigneur «entier» de la communauté. Il agit ainsi probablement pour éviter une saisie par le chapitre de Tarbes. En
1511, le frère de Jean, Arnaud-Guilhem, coseigneur de Héchac,
était également abbé laïc de Soublecause. Il
nomma curé de Soublecause un moine de Madiran.
Le
frère aîné de Jean et Arnaud-Guilhem, Bertrand, est
aussi mentionné à plusieurs reprises comme seigneur de la
moitié de Soublecause. Il donna à son frère Jean cette
moitié en 1538, jusqu’à la somme de 140 écus, correspondant
sans doute à des dettes. Il mourut vers 1544. De sa femme Catherine
d’Asté il eut une fille, Barthélémie, qui possédait
notamment la moitié de Soublecause (de l'abbadie?) et le moulin
du village. Les problèmes de succession qui s’ensuivirent nous font
connaître en 1560 la présence d’un notaire à Soublecause,
Maître Anthoine Fabas.
Les guerres de Religion, ajoutées aux nombreuses dettes contractées par la famille seigneuriale, et sans doute la ruine partielle des églises et seigneuries vers 1569, après le passage des huguenots, firent que les seigneuries furent toutes vendues à la fin du siècle. Jourdain de Lalanne racheta l'ensemble des terres et droits avant 1590. A cette date il nomma à la cure de Soublecause Pierre de Pomian, prêtre du diocèse de Lescar. Ce noble possédait de nombreuses autres seigneuries dans la région de Lembeye, et il ne semble pas avoir résidé à Soublecause. Ses fils Jean et Simon-Roger lui succédèrent. Le premier décéda en 1635 après deux mariages malheureux. Le second fut seigneur de Soublecause, il épousa Paule de Cardaillac, et eut trois enfants. Seule sa fille Suzanne se maria, à Paul de Busca qui hérita de tout en 1652. Un épisode intéressant daté de 1649 est rapporté par A. Duffourc. Le seigneur de Soublecause, endetté, avait négligé de payer le receveur des dîmes pour l’abbadie Saint-André. En 1648 celui-ci saisit une pièce de terre à la côte. L’année suivante, comme la dîme n'avait toujours pas été payée, il fit envoyer des gardes de Madiran pour mettre le séquestre sur les récoltes du village. Les
habitants de Soublecause n’apprécièrent guère cette
précaution :
Seroient
survenus et arrivés là les nommés Saint-Bonnet, Sarrouilha,
Pécostau, Lafitau, et beaucoup d’autres incoignus, armés
d’espées, fusilhs, bastons et fourches, envoyés et mandés
là, suyvant qu’ils ont déclaré, par ledit Sieur de
Saint-Jean, pour empescher et repousser lesdits sequestres et n’emporter
lesdits fruits et gerbes; Et arrivés là, auroient tout d’un
coup de colère et malice, ayant leurs espées nues à
la main, sautté sur lesdits Pondic, Nabonne, Dartigues et consorts,
lesquels ils auroient battus et frappés sur leurs reins et espaules
et sur leurs bras à grands coups de bastons et fourches et notamment
du plat de leurs espées, que aussi de la poincte de leurs fusilhs
; en telle sorte que lesdits Nabonne et Terrade auroient été
blessés aux mains et aux bras; tellement que les séquestres,
se voyant ainsi maltraités et menacés encore d’estre tués
et estropiés, auroient esté contraincts de se retirer.
Pierre de Busca succéda à Simon, qui vendit en 1681 la seigneurie à son frère Jean-Antoine pour 500 livres de rente. Nous apprenons à cette occasion qu’il existait une tuilerie dont le seigneur retirait un bénéfice, et des métairies à Héchac et au Havet. Jean-Antoine céda, lui, Héchac à son frère, contre une autre rente annuelle. Jean
de Busca leur succéda, et décéda sans enfant. Les
terres passèrent à son beau-frère, le comte de Pasquier
de Franclieu, par mariage avec Louise de Busca. Les Franclieu conservèrent
ainsi Soublecause jusqu’à la Révolution.
5-2 HECHAC
Arnaud-Guilhem
de Saint-Lanne était coseigneur de Héchac avec Jeanne de
Leberon vers 1510, dont il épousa la sœur. Ils se partagèrent
équitablement la seigneurie et les bois de Héchac. Sa fille
Catherine épousa en 1512 Bernard du Moret, seigneur de Montus. Les
seigneurie et abbadie de Héchac passèrent ensuite aux seigneurs
de Soublecause, les Lalanne, puis les Busca et les Franclieu, à
une date indéterminée (avant 1681, probablement à
la fin du XVIe siècle).
Héchac fut intégrée au marquisat de Franclieu en 1767.
En 1564, le prieur de Madiran était le patron de la paroisse Saint-Martin de Héchac, il nommait à la cure, alors même qu'il existait toujours une abbadie, qui ne servait plus qu'à recevoir une partie des dîmes. Vers
1569, l'église Saint-Martin de Héchac fut certainement incendiée:
de nombreux travaux de restauration et de reconstruction furent entrepris
par la suite, qui ne s'achevèrent que vers 1680 (voir la monographie
de cette église supra).
5-3 BARBAZAN
La documentation est pratiquement nulle pour cette seigneurie. Elle relevait des sires de Soublecause et Héchac, les Lalanne, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. Ceux-ci possédaient alors des métairies sur ce territoire. Cette seigneurie resta dans la famille, puisqu'en 1767, le marquis de Franclieu possédait toujours la terre de Barbazan, qu'il intégra dans un marquisat créé pour lui, avec Lascazères, Hagedet, Soublecause, Héchac, Caussade et Estirac. Barbazan
était assez peuplé, probablement au fond de la «vallée»
minuscule qui coupe cette seigneurie: ce sont vingt propriétaires-exploitants
au moins qui résidaient à Barbazan en 1740, correspondant
à autant de maisons.
5-4 LAGRACE
En
1756, dans le livre-terrier de la seigneurie, huit exploitants agricoles
vivent encore à Lagrace et cultivent des terres voisines à
Soublecause. Il n'existait pas (ou plus) de vrai village; la carte de Cassini
ne signale même pas de hameau, pratiquement que des bois, et la maison
la plus ancienne du quartier, la maison Ritondo, de 1799, était
une bergerie, ce qui implique alors la présence de vastes prairies
(et autant de terres non cultivées).
En 1639, dans l'arrière-ban du comté d'Armagnac, on trouve un François de Rivière, seigneur de Lagrace, qui contribuait pour un sixième de chevau-léger et partit lui-même au combat (d'après Branet, Ban et arrière-ban de la sénéchaussée de Lectoure en 1639, cité par C. Dieuzeide, p.46). En 1666, noble Pierre de Priallé, sieur de Sault, intenta un procès contre les consuls de Soublecause (ADG C365); il était peut-être déjà seigneur de Lagrace. Presque un siècle plus tard, en 1740-1756, Monsieur de Priellé, son descendant, était seigneur de Héchac, et tenait là une importante métairie et de nombreuses terres. De fait Lagrace ne fut pas intégrée au marquisat de Fanclieu, et ne dut son association avec Soublecause qu'à sa taille minuscule et aux évènements révolutionnaires.
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