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J'ai publié cette petite monographie d'une modeste commune de Rivière-Basse en 2000. Il manque encore beaucoup de thèmes à traiter, en particulier pour la période moderne et contemporaine, mais ce n'est que partie remise... | |
4-
Le moyen-âge
Le
moyen âge, c’est-à-dire la période qui va de l’an mille
à l’an 1500 environ, est un peu mieux connu que les époques
précédentes, car sont conservés les premiers actes
écrits (en latin surtout), et des vestiges archéologiques
conséquents.
4-1
Eléments d'histoire générale de la vicomté
de Rivière-Basse
Pour comprendre l'évolution de Soublecause, il convient d'abord de faire quelques remarques sur l'histoire générale de la région et de la Rivière-Basse. Autour de l'an mil, à une date mal précisée, la partie nord du comté carolingien de Bigorre est séparée pour former une vicomté indépendante: la vicomté de Rivière-Basse. Jusqu'en 1256, cependant, ce territoire reste sous le contrôle nominal du comte de Bigorre, qui conserve encore en propre une partie des villages et seigneuries de la vicomté. A cette date, une intervention militaire du vicomte de Béarn suivie d'une transaction entraîne la Rivière-Basse dans l'orbite béarnaise. Elle n'en sort qu'en 1329 pour passer et rester sous le contrôle des comtes d'Armagnac. Du
point de vue démographique, après la crise de 1256, la deuxième
moitié du XIVe
siècle est marquée par la guerre et par la peste noire à
partir de 1348. Les fortifications de pierre et de terre sont nombreuses
en Rivière-Basse, et sont généralement dotées
d'un double fossé (particularité signalée par Fabrice
Chambon, qui atteste une longue période d'utilisation). Certains
villages, par contre, ont complètement disparu et ne subsistent
que sous la forme de lieux-dits.
Détaillons par quelques documents originaux ces données générales: Le
Censier
de Bigorre de l'an 1300, publié voilà un siècle
par Gaston Balencie, fait l'inventaire de l'ensemble des terres et revenus
du comte de Bigorre, au profit du roi de France qui a auparavant posé
le séquestre sur le comté. Les envoyés du roi, ne
sachant si la Rivière-Basse faisait ou non partie de l'ensemble
bigourdan, puisque le comte de Bigorre y tenait encore des villages et
l'avait dans ses possessions quelques décennies plus tôt,
prirent la peine de noter l'ensemble des seigneurs et seigneuries de Rivière-Basse.
C'est, à notre connaissance, la première «description»
de la Rivière-Basse féodale. Le document comporte deux listes:
la première fait l'inventaire des seigneuries relevant directement
du comte de Bigorre, et rapportant de l'argent aux caisses comtales; la
deuxième liste est un inventaire lacunaire des autres seigneurs
possessionnés en Rivière-Basse.
1-
Inventaire des droits et lieux du comte de Bigorre en Rivière-basse
en 1300:
Sequntur redditus infrascripti et loca infrascripta: Burgum
de Maloburgeto, Castrum novum de Riparia, castrum de Devezia, Salvam terram,
Auriabatum, Mazerias, Medietas burgui de Tasca, quartam partem de Geyta,
locum de May, Villam francham; ducentas libras morlanas. Sunt loca ista
in terra Riparie et pertinent seu pertinere ad Dominam nostram Reginam
pro comitatu Bigorre. Et venduntur seu arendantur redditus
et proventus dictorum locorum, annis singulis, et emolimenta jurisdictionis,
trescentas libras morlanas.
(Proposition de traduction: Suivent les revenus et lieux ci-dessous: Le
bourg de Maubourguet, le Castelnau de Rivière(-Basse), le Castrum
de Ladevèze, Sauveterre, Auriébat, Mazères, la moitié
du bourg de Tasque, la quatrième partie de Goueyte, le lieu de May,
Villefranque; deux cents livres morlanes. Ces lieux sont en terre de Rivière
et appartiennent ou relèvent de notre Seigneuresse la Reine pour
son comté de Bigorre. Et sont vendus ou arrentés les revenus
de ces lieux, chaque année, et les émoluments de la justice,
pour trois cents livres morlanes.)
2-
Inventaire des seigneurs et seigneuries de Rivière-Basse en 1300:
Omnes isti infrascripti sunt nobiles dicte terre de Riparia et tenent loca infrascripta in dicta terra de Riparia: Dominus Centullus de Tronsenciis, miles, dominus Destaraco et de Sombrun; Vicecomes Ripariae,dominus de Labatut; Augerius de Riparia, dominus de Tiesta; Guillermus Arnaldi de Baulato, dominus de Baulato; Garsias Arnaldi de Antino, dominus de Juno; Guillermus Arnaldi de Baulato, dominus de Galiax et de Preysaco et de Juno; Prior de Madirano, dominus de Madirano et Heras; Dominus Petrus de Sentlana, dominus de Sancto Lana, de Causaco et de Caneto et Disoges; Dominus abbas de Tasqua, dominus de Gayta et medietatis de Tasca; Dominus Jordanus de Caneto, dominus de Sancto Auzinio; Arnaldus de Beo, dominus Darmentius; Arnaldus de Bidossa, dominus de Bidossa; Guillermus Garsias de Tusagueto, dominus de Fita Topiera; Geraldus Desparos, dominus Dareu; Abbas de Reula, dominus de Montelongeto; Domus milicie Templi est Lanas Casseras; Johannes de Fagedeto, dominus de Fagedeto; Otho de Gavareto, dominus de Feyshaco; Augerius de Casanha, dominus de Causata. De
quibus locis, castris et villis tota jurisdiccio pertinet ad dictam dominan
reginam.
(Proposition de traduction: Tous ceux qui sont inscrits ci-dessous sont les nobles de ladite terre de Rivière, et possèdent les lieux inscrits ci-dessous dans ladite terre de Rivière: Sire Centulle de Troncens, chevalier, seigneur d'Estirac et de Sombrun; le Vicomte de Rivière, seigneur de Labatut; Auger de Rivière, seigneur de Tieste; Guillaume-Arnaud de Baulat, seigneur de Baulat; Garcie-Arnaud d'Antin, seigneur de Jû; Guillaume-Arnaud de Baulat, seigneur de Galiax, de Préchac et de Jû; le Prieur de Madiran, seigneur de Madiran et Hères; Sire Pierre de Saint-Lanne, seigneur de Saint-Lanne, de Cahuzac, de Canet et d'Izotges; le Sire Abbé de Tasque, seigneur de Goueyte et de la moitié de Tasque; Sire Jordan de Canet, seigneur de Saint-Aunis; Arnaud de Béon, seigneur d'Armentieux; Arnaud de Vidouze, seigneur de Vidouze; Guillem-Arnaud de Tuzaguet, seigneur de Lahitte-Toupière; Géraud d'Esparros, seigneur d'Areu; L'abbé de Larreule, seigneur de Monlonguet; la Maison de la Milice du Temple a Lascazères; Jean de Hagedet, seigneur de Hagedet; Othon de Gavarret, seigneur de Héchac; Auger de Lacassagne, seigneur de Caussade. De
ces lieux, forteresses et villages toute la juridiction appartient à
ladite Dame Reine.)
Il faut faire ici plusieurs remarques: plusieurs fiefs ont disparu aujourd'hui, comme Areu et Moulonguet qui ne sont plus que des quartiers de Vidouze. D'autres seigneuries sont absentes, comme Rombertas (Vidouze), Mazères (Castelnau), Soublecause, Barbazan ou Lagrace.
Il est curieux de noter que sur les quatre seigneuries qui forment Soublecause, trois sont absentes de cette liste. On ne peut envisager par ailleurs que ces seigneuries soient de formation plus tardive. Le lieu de Soublecause est cité au XIIIe siècle, celui de Héchac en 1030 par son église. Dans
une liste des membres de la cour majour
(grande Cour seigneuriale) de Rivière-Basse en 1412, représentant
l'ensemble de la noblesse de la vicomté, on trouve par contre les
seigneurs de Soublecause, Héchac et Lagrace (Larcher, Glanages,
VI, 75):
[...]
Bernat
de Seraut, capera et archipreste deu Castetnau d'Aribera;[...] dabant
los honorables senhors mossenher Ramon Bernat de Tusaguet, chevaler, senhor
de Sent Lane; mossenher Pey de Beo, senhor d'Armentiu; Auger, senhor de
Fagedet; Bernat, senhor de Lagrassa; e Bernaton deu Moret, donzelh, jutges
de la nobla cort major d'Aribera; e par dabant Guillem deu Moret, bayle
major d'Aribera, en la gleysa deu Castetnau d'Aribera [...]
( Proposition de traduction: [...]Bernat
de Seraut, curé et archiprêtre de Castelnau de Rivière[-Basse];
[...] devant les honorables messire Ramon-Bernat de Tuzaguet, chevalier,
seigneur de Saint-Lanne; messire Pey de Béon, seigneur d'Armentieux;
Auger, seigneur d'Hagedet; Bernat, seigneur de Lagrace; et Bernaton du
Moret, damoiseau, juges de la noble Grande Cour de Rivière; et par
devant Guillem du Moret, grand bayle de Rivière, dans l'église
de Castelnau de Rivière[-Basse] [...]).
A
l 'exception du problème irritant de la seigneurie de Barbazan,
il faut donc envisager que les seigneuries composant Soublecause sont bien
antérieures au XVe
siècle, et donc que la liste proposée par le censier de 1300
est lacunaire.
Notons
par ailleurs qu'à partir du XIIIe siècle, les
mariages aidant, ces seigneuries laïques et les abbadies, souvent
minuscules, se sont regroupées entre les mains de quelques seigneurs
plus puissants. C'est le cas ici des familles de Hagedet, Lascazères,
Saint-Lanne... qui s'allièrent entre elles et finirent par ne former
qu'une unique et puissante parentèle. Il faut remarquer également
qu'après 1256 une série de seigneurs béarnais vinrent
s'implanter dans la vicomté, et après 1329 des nobles gascons,
ce qui complique encore plus l'arbre généalogique et seigneurial.
4-2
Eléments d'analyse de l'habitat médiéval
Cette
histoire troublée de la Rivière-Basse, proie facile entre
trois puissants comtés, trouve des répercussions à
l'échelon local.
Le
morcellement des terres et des pouvoirs fut général dans
le sud de la France au XIe
siècle. Un peu partout apparurent de petits nobles locaux qui se
«taillèrent un fief» et bâtirent les premiers
châteaux, en général des mottes de terre et de bois.
Par la menace ou la persuasion, ils obligèrent les paysans des alentours
à leur payer des taxes en échange de leur protection: c'est
le début de la seigneurie.
La
Rivière-Basse n'échappe pas à ce schéma général:
l'actuelle commune de Soublecause était ainsi composée au
XVe siècle de quatre seigneuries distinctes, d'origine
certainement bien plus ancienne: Soublecause, Héchac, Barbazan et
Lagrace. Le minuscule fief de Lagrace, par exemple, ne représentait
guère plus de 100 hectares de terres. Cette étonnante fragmentation
du territoire se retrouve également dans les seigneuries voisines:
à Hères, Bernède formait un lieu distinct de Hères,
habité dès le début du XIe siècle:
deux hommes y furent donné à l'abbaye de Larreule vers 1030.
Un autre fief localisé à Hères par Louis-Antoine Lejosne,
du nom de Gasserens, fut donné à Madiran à
la fin du XIIe siècle par le seigneur local.
Cette
mainmise seigneuriale fut permise également, et accompagnée,
par une série de défrichements de zones incultes, landes,
barthes et talus, qui permirent d'augmenter la production agricole et d'installer
plus de familles: la période comprise entre le XIe siècle
et le début du XIVe siècle fut une période
de croissance économique et démographique dont tous profitèrent,
même les paysans. Sur le territoire de l'actuel Soublecause des terres
furent défrichées près du Louet, dans des zones humides,
peut-être marécageuses; les talus des collines de Héchac
furent également remis en valeur: les toponymes comme l'artigue
indiquent
que des landes ou des zones boisées furent défrichées
et brûlées pour permettre de planter la vigne ou labourer.
On
peut déduire de ces quelques indices que ces terres qui semblent
avoir été exploitées complètement pendant l'antiquité,
furent progressivement abandonnées pendant le haut moyen âge,
la surface cultivée se réduisant probablement aux meilleures
terres. Les défrichements médiévaux ne firent donc
(apparemment) que reconquérir des terres exploitées plusieurs
siècles auparavant, mais qui avaient été abandonnées
à la suite des crises, faute de bras et de moyens techniques et
financiers.
Dans
la même période le pouvoir de l'Eglise se renforce: avec la
réforme dite Grégorienne, au XIe siècle, les évêques
encouragent la reconstruction et la création de lieux de culte.
Souvent ces églises nouvelles, rendues nécessaires par l'accroissement
démographique, fixent la paysannerie qui s'établit auprès
d'elles, fréquemment dans les cimetières, formant alors de
petits villages. Pratiquement chaque église est liée à
une paroisse, c'est-à-dire un territoire sur lequel le prêtre
a le droit de lever l'impôt ecclésiastique (principalement
la dîme, correspondant au dixième des récoltes des
paysans de la paroisse), et dont tous les paysans résidents dépendent
pour les cérémonies religieuses.
Souvent
les seigneurs laïcs ont accaparé les impôts liés
à ces églises (la dîme), ainsi que le droit de nommer
le curé (droit de patronage); on nomme ces seigneurs des abbés
laïcs, ou abbadies. Ils étaient particulièrement
nombreux dans le piémont pyrénéen, et on les retrouve
notamment à Soublecause.
Les seuls documents médiévaux permettant de connaître les paroisses de cette zone sont deux pouillés, inventaires des églises et des revenus du diocèse de Bigorre, en 1342 et 1379. Le
Pouillé de 1342 donne le plus d'informations: La Rivière-Basse
religieuse était composée alors d'un archidiaconé
de Rivière, comportant deux archiprêtrés, à
Castelnau et La Devèze. L'archiprêtré de Castelnau
comprenait les paroisses de Madiran, Canet, Gouts, Héchac, Cahuzac,
Mazères, Montus, Caussade, Saint-Lanne, Hères, Soublecause
et Villefranque.
Deux
paroisses existaient donc à cette date à Soublecause, pour
quatre seigneuries laïques: Soublecause et Héchac. Une troisième
paroisse existait probablement à Lagrace, dont l'église est
signalée au XIIIe siècle, et on peut également
s'interroger sur la présence d'un abbé laïc à
Barbazan, qui marque à cet endroit la présence d'une église
disparue. On peut ainsi émettre l'hypothèse que Barbazan
et Lagrace étaient primitivement de minuscules paroisses, qui furent
«absorbées» avant le XIVe siècle par
les paroisses voisines.
Si l'église, le château et leurs corollaires, la seigneurie et la paroisse, forment l'armature principale de ce que nous savons du moyen âge gascon, il ne faut pas pas oublier que la majeure partie de l'habitat était celui des paysans. Habitat modeste, en matériaux périssables, il n'a souvent laissé aucune trace dans les rares archives, et son identification sur le terrain reste tout aussi problématique en l'absence de vestiges monumentaux. Quelques
mentions relevées par Louis-Antoine Lejosne dans le cartulaire du
prieuré de Madiran permettent cependant d'approcher ce que fut l'habitat
paysan dans la région de Soublecause: autour de l'an mille et jusqu'au
XIIe siècle,
la donation d'hommes par des seigneurs locaux permet de connaître
la présence de serfs, hommes non-libres, à Hères,
Estirac, Madiran... Mieux encore, en 1214, un casale de la forcata
localisé à Soublecause fut donné au prieur de Madiran.Cette
mention, la première connue du lieu de Soublecause, est très
suggestive: un casal, au XIIIe
siècle, est une exploitation agricole isolée sur ses terres,
qui implique une forme de société très particulière
(voir infra).
4-3
Histoire particulière des seigneuries composant Soublecause
La documentation antérieure à la Révolution donne ainsi pour Soublecause le nom de quatre seigneuries différentes et distinctes: Soublecause, Héchac, Barbazan et Lagrace, plus des poussières de petites terres nobles. La surface du territoire communal actuel, un peu plus de 600 hectares, donne le même type d'indices: la plupart des seigneuries médiévales du nord de la Bigorre et de la Rivière-Basse contrôlaient une surface comprise entre 100 et 250 hectares, héritage possible des domaines agricoles carolingiens. Une simple division –qui n’a rien de scientifique mais donne une approximation- permet de supposer qu’il existait donc trois ou quatre noyaux villageois au moyen âge à Soublecause. Ce calcul est facilement corroborée par la documentation: en 1791 les quatre villages de Soublecause, Héchac, Lagrace et Barbazan furent réunis pour ne former qu’une unique commune du nom de Soublecause, cette dernière étant alors le noyau le plus peuplé. Ce n’est donc pas un, mais quatre villages et seigneuries qu’il faut étudier en parallèle. Notons par ailleurs que la forme exacte de ces seigneuries reste hypothétique: les seuls indices que nous possédons, dans les livres-terriers du XVIIIe siècle, révèlent des limites seigneuriales particulièrement complexes, voire imbriquées. Les plans proposés ci-dessous ne constituent donc que des hypothèses de travail, et en rien des certitudes. 4-3-1 SOUBLECAUSE
Les
indices archéologiques
Un
unique site archéologique permet d'avoir une idée –bien modeste-
du village de Soublecause au cours d'une partie du moyen âge:
La
motte de l'abbadie Saint-André
L'actuelle église Saint-André est bâtie sur un promontoire, en partie accentué par la présence d'un cimetière surélevé. Si ce n'était l'emplacement de l'église, on pourrait supposer que ce site a abrité un château. En fait, un plan de 1870, avant les travaux de reconstruction, montre que l'ancien clocher roman avait la taille et la forme d'un petit donjon. On sait par ailleurs que cette église était une abbadie. On peut donc supposer, sans grand risque d'erreur, que le site de l'actuelle église était à la fois une église paroissiale fortifiée, et un logis seigneurial employant cette église comme fortification « en dur ». Notons
par ailleurs l'existence d'une inscription d'origine peut-être d'époque
romane dans un mur de l'actuelle sacristie.
Un
castrum au quartier du castet ?
Autre élément intéressant, le quartier situé immédiatement au nord de l'église (qui comprend la mairie, l'école et le monument aux morts) est qualifié sur les cadastres de quartier deu castet, «quartier du château». Ce «château» ne désigne pas l'église, qui porte un autre nom. Un œil attentif remarque, immédiatement au nord de l'école, un chemin qui dessine une large courbe en descendant vers la caussade, créant ainsi un vaste talus qui protège le sommet de cette zone. En reportant sur le cadastre ces données, on voit ainsi apparaître une sorte de fortification de terre, qui prend appui au nord sur la forme naturelle de la colline, et qui est protégée au sud par le site de l'église Saint-André. Sans préjuger de la datation de ce site, on peut supposer que nous avons là les traces d'une ancienne fortification villageoise, ou castrum (mot latin parent du nom gascon castet et du français château), placé sous la protection de l'abbadie Saint-André. Ce castrum a pu protéger au cours du moyen âge le village de Soublecause, ou du moins une partie de celui-ci, tant il est difficile d'avoir de certitudes au sujet de la localisation de l'habitat paysan médiéval. Toutes
proportions gardées, ce site fortifié sous la protection
d'une abbadie rappelle le modèle des castelnaux, villages fondés
entre le XIe et le XIIIe siècle sous la protection
d'un château, et dont l'exemple le plus proche est l'ancien chef-lieu
de la vicomté, Castelnau-Rivière-Basse.
Le
village médiéval de Soublecause
A l'exception des églises et des châteaux, relativement faciles à localiser, on ne sait presque rien de l'habitat paysan. L'unique habitat non-seigneurial identifié à Soublecause au XIIIe siècle, un casale de la forcata (« casal de la fourche ») donné au prieur de Madiran en 1214, donne cependant une série d'indications précieuses. Son nom, s'il n'est pas lié au nom de son propriétaire (Fourcade?) indique qu'il se trouvait à une fourche de chemins, c'est-à-dire vraisemblablement au croisement de la caussade avec une voie secondaire non identifiée. Le
nom donné à cette exploitation, casal, est très
caractéristique: il désigne une exploitation agricole centrée
sur une ferme-habitation (casa), comprenant des terres plus ou moins
dispersées, des installations annexes, et surtout un système
social très particulier où l'individu est fortement rattaché
à sa maison et à son lignage, qui lui donne divers droits
sociaux (comme l'accès à l'eau et le droit de pacage sur
les terres communes; système étudié par Benoît
Cursente dans sa thèse).
Une partie au moins de l'habitat paysan de Soublecause était donc formé par des exploitations isolées au début du XIIIe siècle, des casaux, qu'aucun habitat seigneurial n'a manifestement jamais réussi à concentrer dans un village groupé. Les
traces de l'exploitation agricole du terrain
Sur la partie de colline qui correspond aux champs implantés entre l’ancienne caussade et l’actuelle route départementale, on peut remarquer que les champs présentent de légères irrégularités, comme si le terrain était agité par de fines vaguelettes parallèles à la route. En coupe, cela correspond à un profil en sinusoïde. Ce phénomène est bien connu et expliqué : l’emploi, pendant des siècles, d’araires et/ou de charrues, labour après labour, a amassé la terre sur certains sillons, et creusé au contraire d’autres portions du terrain. Ces crêtes de labour sont caractéristiques de terres cultivées depuis des siècles. On peut supposer que ces champs, voisins de la voie antique, ont été exploités depuis fort longtemps (le moyen âge ? l’antiquité ?). Sur le territoire de la bastide de Rabastens-de-Bigorre, des crêtes de format équivalent sont visibles sur des terrains exploités depuis le début du XIVe siècle. On
peut noter aussi l'existence d'un quartier dit de l'artigue,
près du canal du moulin, cité en 1740, qui montre qu'il y
eut dans cette zone humide un défrichement médiéval
pour (re-)conquérir quelques terres.
La
seigneurie de Soublecause
La seigneurie de Soublecause peut être facilement délimitée grâce au livre-terrier de 1740, qui semble reprendre les limites médiévales. La seigneurie correspond approximativement à la partie sud-est de l'actuel territoire communal: les limites sud et est sont apparemment identiques (des cours d'eau), la limite nord se trouve aux quartiers du Havet et de Lagrace, la limite ouest était formée par le replat délimitant la partie supérieure de la colline. De fait, Soublecause était centrée sur la voie antique (la caussade), ce qui correspond bien à son nom, et sur les terres s'étendant au-delà en plaine. On
peut ainsi envisager que cette seigneurie minuscule, et de forme très
particulière, fut créée par un petit seigneur local
pour contrôler le passage sur cette route, en assurer la protection
et éventuellement lever un péage. Il est regrettable que
la documentation soit si limitée, car il aurait été
très intéressant de savoir si cette seigneurie était
contrôlée par les vicomtes de Rivière. Si Soublecause
était sous le contrôle direct du vicomte, le seigneur local
était un simple « fonctionnaire » chargé d'assurer
la sécurité des deux principales voies d'accès entre
Castelnau et la Bigorre. Dans le cas contraire, il s'est produit à
une date indéterminée un affaiblissement du pouvoir du comte
de Bigorre ou du vicomte de Rivière, qui n'a pu empêcher une
usurpation de ce territoire (cas fréquent, comme le signalent les
Fors
de Bigorre écrits vers 1110).
Seigneuries
et terres nobles
La
documentation médiévale et moderne révèle une
situation juridique complexe pour les terres de Soublecause. Je me suis
essentiellement appuyé sur le livre-terrier de 1740, qui correspond
-au mieux- à la situation du XVIIe siècle. Cependant
les noms et certains archaïsmes permettent de faire remonter l'analyse
jusqu'à la période médiévale.
Soublecause
La seigneurie de Soublecause devait englober la majeure partie de ce territoire. Cette seigneurie, là comme ailleurs, devait comprendre deux grandes catégories de terres: la réserve seigneuriale, qui était réservée à l'exploitation par le seigneur (terres labourables mais aussi bois, prairies, vignes...), et les terres mises à cens, c'est-à-dire les lopins de terres et les emplacements des maisons réservés aux paysans de la seigneurie, qui devaient en contrepartie une série de taxes, dont la taxe recognitive appelée cens (qui rappelait que chaque terre était la propriété éminente du seigneur local). En 1740 cette taxe est appelée allièvement. En
1740 encore, le seigneur de Soublecause, le Marquis de Pasquier de Franclieu,
possédait en propre dans cette seule seigneurie un peu plus de 134
journaux de terres (plus de 25 hectares, à la mesure de Vic), dont
une majorité de bois qui correspondaient peut-être aux vestiges
de la réserve seigneuriale médiévale.
L'abbadie
Saint-André
La
seigneurie laïque se doublait d'une seigneurie ecclésiastique,
liée à la présence de l'église Saint-André.
A une date indéterminée mais sans doute très précoce
(XIe ou XIIe siècle ?), l'église Saint-André
fut accaparée par un noble laïc (l'abbadie) qui s'appropria
tout ou partie des dîmes de la paroisse, et s'arrogea le droit de
nommer le prêtre desservant ce lieu de culte. Arnaud-Guilhm de Hagedet,
seigneur de Soublecause en 1400, usa ainsi de ce droit de patronage de
l'église Saint-André en nommant le prêtre desservant.
Cette seigneurie était sans doute très limitée du point de vue territorial: elle comprenait l'église fortifiée Saint-André, et quelques terres voisines de peu d'ampleur. Deux indices nous sont donnés par le terrier de 1740: en
1740 l'église et le presbytère voisin ne comptent que quelques
ares (à peu près l'emplacement du cimetière actuel
et du pré voisin, soit 1,5 journal et une mesure de terre)
plusieurs
terres voisines sont dites appartenir au quartier des Domengeres (quartier
au nord de l'église). Ce vieux mot gascon, que l'on trouve aussi
sous la forme Domenjadure, désigne une terre noble possédée
par un noble sans titre ou Domenger (dérivé du latin
dominus,
le maître. On trouve aussi la forme Domec). Au XVIIIe
siècle le sens du mot s'est perdu, mais nous avons manifestement
ici la trace de terres qui ne dépendaient pas de la seigneurie de
Soublecause, mais étaient indépendantes (c'est-à-dire
sans impôts) du fait du statut noble de son propriétaire.
On peut supposer que ces terres étaient liées à la
présence de l'abbadie Saint-André, ou bien qu'un petit noble
s'installa à proximité immédiate, créant ces
terres au statut particulier.
Le
moulin
Une dernière terre noble est signalée dans le terrier de 1740, en plaine: il s'agit du moulin de Soublecause et des terres immédiatement avoisinantes, qui sont dites nobles, et de doivent pas d'impôts. En
1740 ces terres nobles du moulin sont possédées pour partie
par Monsieur de Franclieu, seigneur de Soublecause, et par Monsieur Priellé,
seigneur de Lagrace. Par chance, pour ces dernières terres, nous
connaissons leur origine; en 1455, Bernard de Saint-Lanne, seigneur (laïc)
de Hagedet et de Soublecause, négocia avec Auger de Lacassagne,
seigneur de Caussade, le creusement d’un canal permettant d’alimenter en
eau le moulin de Soublecause (l'acte est connu par Antoine Duffourc, d'après
les archives du marquis de Franclieu). Le souvenir de l'acte s'est perpétué
dans la toponymie: le moulin se nomme encore moulin de Hagedet, et le quartier
voisin quartier de Lacaissagne. Vers 1560 ce moulin relevait de Bernard
de Saint-Lanne, coseigneur de Soublecause, puis de sa fille Barthélémie.
De ce premier moulin il ne reste aucun élément en élévation.
La
possession d'un tel moulin permettait au seigneur d'avoir de forts revenus,
car tous les paysans de la seigneurie et des alentours devaient venir là
et payer pour pouvoir moudre leur grain (droit de ban). Un autre
moulin existait à Lagrace, non documenté avant 1740.
A
noter également qu'à la frontière avec Hagedet il
devait exister sur le Louet un pont, non daté mais cité en
1740 sous la forme du quartier du bout du pont,
que l'on retrouve sur le cadastre.
Les
seigneurs de Soublecause
Les mentions sont très limitées pour le moyen âge. On ne possède malheureusement aucun nom avant le XVe siècle, date à laquelle les deux seigneuries, laïque et abbadie, dépendaient des sires de Hagedet. Le premier seigneur connu pour Soublecause, Arnaud-Guilhem de Hagedet, en 1400, nomma Maître Dominique de Pindre à la cure de cette paroisse. Il s'agissait donc d'un abbé laïc de Saint-André. En
1455, on trouve Bernard de Saint-Lanne, seigneur de Hagedet et de Soublecause,
qui négocia avec Auger de Lacaissagne, seigneur de Caussade, le
creusement du canal du moulin. En 1495 Bernard-Raymond de Saint-Lanne et
ses fils, Pierre et Arnaud-Guilhem, intentèrent un procès
à la veuve de Terso de Baulat, seigneur de Héchac (Larcher,
Glanages,
VI, 125).
4-3-2 HECHAC
Les
indices archéologiques
Les toponymes d'origine antique de Sarran et Héchac, la présence d'un gisement antique près de l'église Saint-Martin, la dédicace à saint Martin indiquent l'ancienneté de l'occupation humaine sur ce territoire. Les sites médiévaux repérés sont au nombre de deux: l'église
Saint-Martin
le «
château » ou tuco
L'église
Saint-Martin conserve un clocher-mur qui pourrait en partie remonter à
l'époque gothique, ainsi que des fondations de murs qui paraissent
très anciennes (partie ouest de l'édifice). A l'est du cimetière,
un fort talus délimite un espace de quelques ares. Ce champ, régulièrement
labouré, n'a livré que quelques fragments de briques informes,
qui ne permettent pas de préciser s'il s'agit d'un simple enclos
cultural abandonné, ou bien d'un ancien emplacement d'habitat.
L'église
de Héchac d'après le cadastre actuel. Les flèches
indiquent le sens de la pente.
Une
prospection menée en 1994 autour de l'église n'a livré
aucune trace d'habitat paysan: celui-ci était probablement dispersé
sur le territoire.
Le
tuco ou tucoo
(forme béarnaise du document original) est le nom, en 1740,
d'un petit quartier qui a abrité une ferme jusqu'au milieu de notre
siècle. Cette ferme était implantée sur une plateforme
castrale protégée par des fossés maçonnés
en galets, dont un subsiste au nord du site. Une motte et une forteresse
« en dur » existaient sur la plateforme, elles ont été
malheureusement détruites il y a quelques années, et on ne
connaît pas leur plan exact.
Cette forteresse était très certainement le logis des sires laïcs de Héchac. Vers 1740 elle faisait partie de la seigneurie de Héchac, relevant au titre de terre noble du Marquis de Franclieu. Le terrier de Héchac signale ainsi parmi les terres du marquis « une autre pièce apellée à la place et ancien chatau... ». L'instituteur
du village, en 1887, note au sujet de cette fortification que « comme
monument nous rappelerons qu'il existe encore les fossés d'une citadelle
construite sans doute pour la féodalité, à un point
d'où l'on pouvait observer facilement les environs à une
grande distance, surtout du côté du levant et du midi, mais
dont les derniers vestiges ont complètement disparu depuis longtemps
».
Une
curieuse peinture réalisée au début du siècle
par un artiste local, sur le fond de la Crucifixion de l'église
de Héchac, semble représenter des ruines au niveau de cette
forteresse disparue, ainsi que l'église Saint-André.
Les
traces de l'exploitation du sol
Le
livre-terrier de 1740 livre les toponymes courrège, couture,
artigue remat, qui désignent tous des terres défrichées
et/ou mises en valeur au cours du moyen âge. Dans les bois, la trace
d'anciennes carrières de terre ou de pierre à chaux, des
terrasses de culture fossiles indiquent que l'occupation du sol au moyen
âge et à l'époque moderne était sensiblement
différente de l'ocupation actuelle.
Les terres qui entouraient l'église Saint-Martin étaient cultivées (on trouve ponctuellement des tessons isolés de céramique antique, médiévale et moderne, correspondant peut-être à des déchets jetés avec la fumure) mais le terrain est extrêmement caillouteux. Dans cette partie de la seigneurie c'est donc peut-être de la vigne qui était cultivée, seule culture a priori compatible avec ce type de terrain non épierré. Par contre, plus au nord, le long de la poutge, d'autres terres ont été soigneusement nettoyées de leurs gros galets à une époque indeterminée, ce qui indique là une culture différente (blé ou autres céréales, et maïs actuellement). La
seigneurie de Héchac
Cette
seigneurie englobait la majeure partie du plateau du même nom: largement
ouverte grâce à la présence de la poutge, et
d'autres voies menant à la caussade en contrebas, la seigneurie
de Héchac était avant tout un vaste terroir agricole, limité
à l'est et à l'ouest par des ruisseaux et les limites de
la colline, au sud par des cours d'eau formant frontière avec Hagedet,
au nord par la seigneurie de Barbazan.
Villenavette
A l'ouest du territoire communal, au croisement de la poutge et de la route qui relie Maubourguet à Madiran (voie créée ou remise en état au XVIIIe siècle, et mentionnée sur la carte de Cassini), se trouve un petit hameau de fermes modernes (XVIIIe et XIXe siècle). Le cadastre livre à cet endroit deux toponymes très intéressants: le quartier se nomme Vilenavete, et le ruisseau qui passe en contrebas, le Sarran. Sarran,
nous l'avons déjà dit, est un nom de propriété
antique, peut-être local.
Vilenavete
désigne par contre un petit village fondé au moyen âge:
ce mot gascon est en effet formé de Villanave (latin villanova,
le village neuf) et d'un diminutif –ette.
Il
existe dans la région de Vic-en-Bigorre quelques villages existants
ou disparus nommés Villenave: Villenave-près-Marsac conserve
une église à chevet roman du XIe siècle;
Villenave-près-Béarn est peut-être une refondation
du XIIIe siècle; le hameau disparu de Villenave, au nord
de Caixon, est daté du XIIIe siècle par Robert
Vié (GAPO 1995).
On
peut donc supposer, sans toutefois avoir de preuve archéologique
actuellement, qu'au cours du moyen âge (vers le XIIIe
siècle ?) un petit hameau fut installé au bord de la poutge
dans cette zone, hameau de Héchac suffisamment important pour être
qualifié de « petit village neuf », Villenavette.
L'église
et l'abbadie Saint-Martin
L'église
Saint-Martin de Héchac, connue par son abbadie dès 1039,
était église paroissiale en 1342.
Cette église était au XVe siècle encore une abbadie, ou abbaye laïque, comme l'église Saint-André de Soublecause. Les seigneurs du lieu cependant ne nommaient pas le prêtre desservant (droit réservé depuis 1039 au prieur de Madiran), mais levaient tout ou partie des revenus de l'église. Cette
présence systématique d'une double seigneurie laïque
et ecclésiastique est d'autant plus curieuse qu'elle concernait
au XVe siècle les membres d'une même famille seigneuriale,
les Hagedet-Saint-Lanne: on peut supposer ici que la seigneurie du village
revenait à l'aîné, les revenus de l'abbadie, voire
le poste de desservant, étant distribués à un puîné
pour le chaser tout en le gardant sur les terres familiales sans risquer
de dilapider le patrimoine commun. Ce fait est avéré pour
la fin du moyen âge.
Les
seigneurs de Héchac
La
documentation est laconique jusqu’au XVe siècle. Heureusement,
les documents sont plus nombreux dans ce siècle, et permettent de
connaître les noms des maîtres du village. Les seigneurs étaient
alors les sires de Saint-Lanne, originaires du village du même nom,
qui possédaient aussi le village et le château de Hagedet.
A Héchac ils étaient abbadies: ils recevaient en revenu
la majeure partie des dîmes de l’église.
En 1300 Othon de Gavarret était seigneur de Héchac; on ne peut qu'être intrigué par ce seigneur originaire de la région de Fleurance, dans le Gers, qui a du trouver là une héritière. On ne peut malheureusement en savoir plus, et seulement supposer que la seigneurie était alors tombée en quenouille. Il est certain par contre qu'au siècle suivant Héchac faisait partie du patrimoine de familles locales: En 1462 Ramon-Bernat de Saint-Lanne, seigneur de Héchac, fit nommer par l’évêque de Tarbes le prêtre Auger de Saint-Lanne à la cure de l’église (il s’agissait peut-être de son frère. Exemple curieux, car ce droit était en principe réservé au prieur de Madiran, comme nous l'avons dit plus haut. Il s'agit probablement d'une usurpation, comme pour les exemples suivants). En 1467 un certain Barthelemi Casa est nommé desservant de cette paroisse (Larcher, Pouillé). En 1483 il fit nommer à ce poste Raymond de Fourcade (Ramundus de Furcata) (Glanages, XI, 124-125). En
1495 un procès éclata entre les seigneurs de Soublecause
et ceux de Héchac. Larcher (Glanages,XI,
125) relève dans le registre d'un notaire Argelos, à la date
du 23 avril 1495, l'acte suivant: « Procuration de noble Bernard
de Baulat, prêtre, frère de feu Terso de Baulat, seigneur
de Fixac, pour noble Blanque de Canet, veuve dudit Terso, et mère
de noble Jeanne d'Aberon, dame de Fixac, pour procès contre noble
Raimond-Bernard de Senlane, seigneur de Fagedet, Pierre et Arnaud-Guilhem
de Senlane, ses fils. Présent noble Bernard de Burosse, seigneur
de La Grasse. »
Ce problème de succession se régla par un mariage entre héritiers des deux familles. Ramon-Bernat
de Saint Lanne mourut en 1501. Il laissait dix héritiers potentiels
(Larcher, Glanages, XI, p.124).
4-3-3 BARBAZAN
Les
indices archéologiques
Le quartier de Barbazan correspond au quart nord-ouest du territoire communal actuel. La toponymie indique une occupation fort ancienne: le nom de Barbazan pourrait être celui d'une propriété antique. Le
réseau de chemins semble s'organiser à partir du chemin de
la poutge, qui devait alors former le principal point d'accès
à la seigneurie, avec la caussade au pied du coteau.
Le
mur protohistorique réaménagé
La forteresse protohistorique du Havet, dont nous avons évoqué les vestiges plus haut, a été aménagée à une époque inconnue: le mur a été éventré en son centre, et écrêté dans sa partie nord (ou bien surélevé dans sa partie sud). On peut ici émettre plusieurs hypothèses: la
forteresse a été démantelée dans l'antiquité
ou le haut moyen âge pour ne plus pouvoir servir de refuge
Le
mur de terre gênait le passage vers le Havet des hommes, du bétail
et des chariots, au moyen âge ou à l'époque moderne,
on l'a éventré pour créer un chemin plus praticable.
Cette hypothèse semble contredite par la présence de deux
chemins d'aspect ancien qui contournent la fortification.
Le
mur a été aménagé a l'époque médiévale
pour un nouvel usage défensif. Il ne s'agit bien sur que d'une hypothèse,
mais on peut supposer que la partie élevée du mur a pu être
remployée pour former une motte castrale qui ne nécessitait
guère d'aménagements. Un cas semblable est observable à
Sombrun. On peut dans le cadre de cette hypothèse penser que l'échancrure
dans le mur correspond a un fossé défensif supplémentaire
barrant l'accès à la « motte », l'autre partie
de l'éperon ayant pu servir de rampe d'accès, complétée
par un pont en bois.
Le
village médiéval de Barbazan
Le village (?) de Barbazan est le plus mystérieux des quatre. Aucun document médiéval ne vient actuellement nous éclairer sur cet habitat, qui était peut-être dispersé sur le territoire de la seigneurie. Lors
d’une prospection à pied, en 1994, nous avons retrouvé avec
Fabrice Chambon, à l'entrée du camp protohistorique du Havet,
un unique tesson médiéval bicolore (à cuisson oxydoréductrice:
XIIIe siècle ?) au pied de l'éperon. Une partie
de l'habitat médiéval se trouvait paut-être dans ces
parages. Nous ne pouvons en dire plus actuellement.
Il
est certain par contre que la majorité de l'habitat actuel, et ce
depuis plus de deux siècles, s'entasse dans la minuscule vallée
qui sert d'épine dorsale à cette seigeurie, et non sur le
plateau, comme l'attestent les nombreuses maisons et ruines qui encadrent
le chemin actuel.
Les
traces de l'exploitation du sol
Un
toponyme Lartigau, relevé
dans le livre-terrier de 1741 mais non localisé avec précision,
révèle la présence d'une terre défrichée
au moyen âge. Les nombreux toponymes marquant la présence
de tuileries, teulères,
et l'existence de nombreuses excavations sur les reliefs, indiquent que
l'activité de tuiliers et briquetiers est très ancienne.
La
seigneurie et les seigneurs de Barbazan
On
ne sait rien de certain de la seigneurie de Barbazan au moyen âge.
La présence possible d'une motte castrale indique qu'un petit noble
vivait là, auprès d'un village qui était encore un
hameau (ou plus vraisemblablement un habitat dispersé) assez important
au XVIIIe siècle, signalé par le livre-terrier
et sur la carte de Cassini.
Une hypothèse veut que cette seigneurie fit partie, au XIVe siècle, des terres de la famille de Barbazan (originaire de Barbazan-Debat, dans les Hautes-Pyrénées). En effet en 1321 Auger de Barbazan rendit hommage au comte Jean d'Armagnac pour les terres de Sombrun et Terranere (actuellement quartier dans Sombrun); au milieu du XVe siècle encore la famille de Barbazan tenait les terres de « Sombrun, Saint Lannes, Las Cazères et autres sises au pays de Rivière, Fezensac, Fezensaguet ...» (cité par Claude Dieuzeide, op. cit., p.16-17). La
terre a pu garder le nom de ces seigneurs, ce qui n'a rien d'exceptionnel
(le moulin de Sombrun garda par exemple jusqu'à l'époque
moderne le nom de Barbazan, celui
de Caussade portait le nom de Franclieu etc).
On
ne peut être affirmatif cependant en l'absence de preuve formelle.
On peut fort bien envisager également, en effet, que le nom de Barbazan
est le nom antique du lieu, qui s'est conservé jusqu'au moyen âge.
Au milieu du XVIIIe siècle, Barbazan était encore une seigneurie indépendante de Soublecause, et administrée séparément par la communauté de Lascazères. Détail très intéressant, si on suit Lejosne, Barbazan était également le nom d'un bénéfice ecclésiastique du chapitre cathédral de Tarbes en 1727, dont le possesseur prenait le titre d'Abbé de Barbazan. Pour être plus précis, un des chanoines de la cathédrale levait un revenu à Barbazan, ce qui lui donnait le titre d'abbé. Dans un cahier de partage des dîmes de 1771, le seigneur de Soublecause, Mr de Franclieu, est qualifié d'abbé de Barbazan et lève à ce titre une partie des dîmes, à côté du chapitre de Tarbes. Ces
mentions d'abbés pourraient signifier que la seigneurie de Barbazan
comprenait anciennement (au moyen âge?) une église et une
abbadie, dont une partie des revenus furent donnés à une
époque indéterminée au chapitre de Tarbes, et qui
survécut sous forme de rente sur des terres jusqu'à la Révolution
alors même que l'église de Barbazan avait disparu depuis fort
longtemps.
4-3-4 LAGRACE
Les
indices archéologiques
Nous
avons déjà évoqué la présence de vestiges
archéologiques d'une villa antique et ses annexes, dans des champs
de Lagrace. L'emplacement de ce site a également livré de
la céramique médiévale et des sarcophages du haut
moyen âge, indices de la présence d'un petit village ou hameau,
d'une église et peut-être d'un habitat seigneurial.
L'habitat
médiéval
L'habitat
médiéval de Lagrace est mal connu. L'emplacement de la partie
centrale de la villa gallo-romaine a livré par prospection en 1994
quelques tessons de céramique blanche (XIIe au XIVe
siècle) et de la céramique vernissée verte et jaune
du XVe siècle. Ces tessons indiquent qu'une partie au
moins des structures médiévales se trouvaient installées
dans les ruines de la villa antique, dont elles remployèrent peut-être
les murs et les matériaux.
Un
moulin ruiné est implanté à proximité, sur
un canal latéral du Louet. Il ne remonte pas au-delà du XVIIIe-XIXe
siècle, mais a sans doute pris la place d'un moulin plus ancien:
en 1740, sur le livre-terrier de Soublecause, le tailleur Jean Nabonne
exploite au bord du Louet une terre dite au mouly vieilh
(au vieux moulin).Il n'est pas possible de préciser par contre si
cet ancien moulin était implanté au même endroit.
L'église
Notre-dame de La Grâce
Les dictionnaires topographiques et toponymiques ( L.A. Lejosne, R. Aymard) signalent l'existence d'une église dédiée à Notre-Dame de La Grâce, qui aurait ainsi donné son nom à la seigneurie. La source en est le cartulaire de Madiran, qui livre une mention de cette église en 1278, date de la donation de cette église au prieur de Madiran, qui la conserva jusqu'à une période indéterminée. Sylvain Dousseau rapporte que le site archéologique de la villa a livré des sarcophages en pierre de Lourdes (marbre gris), qui marquent l'emplacement d'un cimetière (et donc d'une église) du haut moyen âge, ou bien d'un cimetière médiéval ayant remployé ces sarcophages antiques. En
1756, dans le livre-terrier de la seigneurie, un microtoponyme la crouts (la
croix) indiquait peut-être l'emplacement de cette église alors
disparue.
La
seigneurie de Lagrace
Le
cadastre de 1756 ne permet pas de délimiter précisément
cette minuscule seigneurie. On est réduit à les supposer
par défaut: les limites communales actuelles nord et ouest de Soublecause,
la colline du Havet (à Soublecause et Barbazan en 1740: la limite
était peut-être la voie antique de la caussade), et
les terres de Soublecause au sud, probablement délimitées
par un chemin.
L'habitat
seigneurial se localisait vraisemblablement à l'emplacement de la
villa antique, peut-être lié à d'autres habitats (un
petit hameau?). Ce fait est assuré par l'archéologie et par
le nom de la salle qui était
donné encore au XVIIIe siècle à cette partie de Lagrace,
terre noble. Cette expression la salle désigne l'emplacement
d'une aula disparue,
grande salle qui servait dans les demeures nobles de pièce principale
et de réception.
Les
seigneurs de Lagrace
A. Duffourc, dans sa Notice généalogique des seigneurs de Hagedet-Lascazères, livre les noms de deux seigneurs de Lagrace: Bernard, seigneur de Lagrace, faisait partie de la cour majour de Rivière-Basse en 1412 (Glanages, VI, 74). Cette mention unique est d'un grand intérêt, car elle signifie que le fief de Lagrace est déjà ancien en 1412, assez pour permettre de donner entrée à l'assemblée des nobles de la vicomté de Rivière. Bertrand
de Buros ou Burosse était seigneur de Lagrace en 1495, et témoin
d’une procuration du seigneur de Héchac (Glanages, XI, 11).
Le village de Buros se trouve en Béarn, près de Morlaas,
mais je ne sais comment ce Bernard devint seigneur en Rivière-Basse
(par mariage ?).
Deux
siècles plus tard, dans des conditions obscures, la seigneurie est
tombée dans l'escarcelle des vicomtes de Rivière, qui s'en
servent pour titrer un enfant puîné: en 1639, dans l'arrière-ban
du comté d'Armagnac, on trouve un François de Rivière,
seigneur de Lagrace, qui part au combat.
Le nom de l'église donné à cette petite seigneurie, sa taille minuscule incitent à penser que nous sommes là encore en présence d'une ancienne paroisse et abbaye laïque qui aurait pris par la suite (à partir de 1278?) un statut laïc plus marqué. L'absence de véritable site castral semble aller dans ce sens. |
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