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J'ai publié cette petite monographie d'une modeste commune de Rivière-Basse en 2000. Il manque encore beaucoup de thèmes à traiter, en particulier pour la période moderne et contemporaine, mais ce n'est que partie remise... | |
III- ELEMENTS D'HISTOIRE DE SOUBLECAUSE
1-
Les origines protohistoriques
Les premiers indices archéologiques sont bien antérieurs au moyen âge. En effet ce territoire a livré au moins deux exemplaires de haches polies en pierre. La
première est répertoriée dans le Préinventaire
de la carte archéologique, sans dimensions. Il s’agit d’une
pièce de grande taille, au profil en V, en jadéite (une pierre
verte importée des Alpes). Elle a été trouvée
au quartier deu pey. Une photographie
de cette pièce est reproduite à la p.241 du Préinventaire.
Une hache semblable, trouvée à Siarrouy, est actuellement
conservée au musée Massey à Tarbes.
Hache
en pierre trouvée au Prat de Bruzon.
La
deuxième, inédite, est une grande hache de 26 cm de longueur
(260x90x35), en schiste dur, qui présente la particularité
d’avoir un piquetage sur toute sa longueur, signe qu’elle n’a pas été
terminée: son auteur a seulement entamé le polissage du tranchant
et d'un bord, puis a abandonné la pierre suite à une cassure
au niveau du tranchant. Elle a été trouvée au Prat
de Bruzon, dans un angle de champ, probablement posée là
par un agriculteur.
Ces deux pièces indiquent que la région de Soublecause fut mise en valeur dès la plus haute antiquité. Elément curieux, la taille très importante de la deuxième pièce la rend inutilisable, sauf dans des cas particuliers (mines…). Un préhistorien consulté a formulé deux hypothèses à ce sujet: il
peut s’agir de haches de prestige (de « chefs ») non destinées
à l’usage. C'est la fonction attribuée aux haches d'importation
en jadéite trouvée dans la région.
il
existait une activité d’extraction minière dans le voisinage.
Le seul matériau extractible ici est cependant la « pierre
à chaux », une molasse de qualité médiocre,
dont on ne perçoit guère l'usage pour cette époque
reculée (pour des monuments funéraires ou des fortifications?).
L'élément
protohistorique le plus important est cependant le «camp du Havet»,
ou castera, repéré
par Roland Coquerel et Sylvain Doussau dans les années 1970.
Au sommet de la colline du Havet, une énorme fortification de terre protège le sommet de la colline, qui présente ainsi un aspect en éperon barré: un gros mur de terre en accolade barre le sommet du coteau dans sa partie la plus étroite, et les trois autres côtés sont protégés par la pente naturelle. La fortification était complétée par de profonds fossés à l'est et à l'ouest, dont il reste quelques éléments, et vraisemblablement des palissades en bois disparues. Au bord du chemin d'accès (au sud du site), on note encore la présence de talus de terre qui pourrait avoir fait partie de ce système de protection. La surface ainsi délimitée couvre environ 300x175m, fossés compris, soit plus de cinq hectares. Roland
Coquerel a rapproché cette fortification énorme, qui a pu
contenir un petit village et des champs, des «fermes» protohistoriques
connue en Bretagne. Notons également qu'une simple visite de cette
structure montre la présence de chemins fort anciens, surcreusés,
de traces de terrasses de culture, et d'éléments d'aménagements
hydrauliques à l'est (des fossés artificiels d'écoulement
depuis le fossé de protection), malheureusement indatables.
On
peut également remarquer la position très favorable de cette
forteresse: sur le bord d'un petit plateau, en position dominante, entourée
d'un terroir propre à la culture (en surplomb de la villa de Lagrace),
et à proximité de voies de passage sans doute importantes
(la poutge et la caussade).
Ce
qui est certain, c'est qu'avant la conquête romaine (deuxième
âge du fer) la région était densément occupée
et exploitée, d'un point de vue « militaire », agricole
et peut-être minier.
2-
Des traces antiques nombreuses
L’occupation « gallo-romaine », c’est-à-dire celle qui commence vers –50 avant notre ère avec la conquête de la région par les troupes du romain Crassus, est plus riche en renseignements. Nous avons parlé à plusieurs reprises de la route qui passe au pied du coteau, que nous nommons la caussade, et qui a donné le nom Soublecause, Sub la caussa[da]. D’après plusieurs chercheurs, cette voie aurait été réalisée au début de l'occupation romaine. Sylvain Doussau l’intègre même à un vaste parcellaire qui aurait découpé toute la plaine pour une exploitation agricole rationnelle, ce qui est très possible. Il ne faut pas confondre cette voie avec une voie parallèle, plus à l'est, qui a également donné son nom au village voisin de Caussade. Il faut remarquer ici que la quasi-totalité des champs de la plaine sont carroyés selon l'orientation de cette voie, et que la RD935 créée au XVIIIe siècle n'a pas fondamentalement perturbé ce schéma. Je ne puis cependant affirmer avec certitude que toutes ces limites de champs sont antiques, l'occupation médiévale et moderne ayant pu modifier et compléter des orientations plus anciennes. Le premier indice fiable est donné par les noms de lieu. Les noms de Héchac, de Barbazan et peut-être Sarran rappellent probablement les noms des propriétaires gallo-romains de ces terres. Le nom se serait ainsi conservé pendant toute l’antiquité et le moyen âge, pour devenir le nom du village installé sur ces terres. Cette hypothèse est corroborée par la proximité de la voie antique d'origine protohistorique dite de la poutge, qui a pu servir de voie d’accès à ces terres et propriétés au sommet du coteau. Il
faut remarquer également, reliant la caussade et la poutge,
un curieux chemin en partie fossilisé qui passe par
les quartiers deu castet et deu pey: A ce niveau, ce chemin
qui reliait les deux voies antiques dépasse les six mètres
de large, et les talus peuvent dépasser quatre mètres de
hauteur. Cette taille inhabituelle fait fortement penser à un cheminement
antique, assez large pour laisser croiser deux chariots, mais il n'y a
pas de certitude archéologique à ce jour.
Le
deuxième indice est véritablement archéologique. A
l’est du quartier de Héchac, près d’une plateforme de château
médiéval, Roland Coquerel a retrouvé des traces d’un
habitat antique (malheureusement non localisé avec précision,
ni décrit).
Les
terres du modeste « plateau » correspondant au village de Héchac
et à une partie de Madiran devaient être largement exploitées
dans l’Antiquité, à partir de la poutge. Les exploitations
correspondant aux domaines de Héchac et Sarran (?) n’ont pas été
encore retrouvées, mais nous avons repéré un petit
habitat antique à proximité immédiate de Barbazan,
à la limite du territoire de Madiran: près d’une vigne du
chemin de Qulay, un tesson d’amphore (un fragment de lèvre) , et
quelques morceaux de tegulae et imbrices
(tuiles antiques, de la forme de tuiles canal mais très épaisses),
qui doivent correspondre à l’emplacement d’un petit habitat antique
(casa, habitat de colon?).
L'indice le plus probant est fourni par la présence d'une véritable villa antique sous quelques champs du quartier de Lagrace, qui a été prospectée et partiellement étudiée par Sylvain Doussau. La zone a livré de très nombreux vestiges d'habitat: briques, mortier, tuiles antiques (tegulae et imbrices), morceaux de marbres qui attestent la richesse du site. Plusieurs monnaies sont également conservées à Maubourguet, dans le petit musée communal. En
plein été, on remarque que ce site couvre environ 10 000
mètres carrés, jusqu'à la voie ferrée qui a
coupé une partie du site: on distingue une tache noirâtre
parsemée de débris de tuiles et de briques. Une cinquantaine
de mètres à l'est on distingue encore trois autres tâches
sombres alignées, de trois mètres de circonférence
environ, qui livrent également des tuiles antiques: on a là
sans doute une partie des installations annexes de la villa (cabanes au
sol surcreusé ?). Enfin on peut également repérer
une anomalie de terrain qui pourrait correspondre à la voie d'accès
de cette villa vers la caussade.
Résumons
l’ensemble de ces éléments; dès le premier siècle
de notre ère une population « romanisée », dans
ses méthodes agricoles du moins, a exploité l’ensemble du
territoire de la future commune, tant en plaine que sur les hauteurs. Des
domaines agricoles se sont installés, avec des propriétaires
fonciers importants, et d'origine autochtone, comme le révèlent
leurs noms: Barbatius, Fexus (?). Le principal domaine est marqué
par la villa de Lagrace, qui semble avoir fonctionné jusqu’au
IVe siècle au moins, avec des aménagements de luxe (marbre…)
qui indiquent une certaine aisance des propriétaires, et donc sans
doute que le domaine exploité était de taille importante.
Carte
générale des sites antiques, médiévaux et miniers
de la commune de Soublecause. Etat des découvertes au début
de l'année 2000.
3-
Le haut moyen âge
Le haut moyen âge, c’est-à-dire la période qui s’étend du Ve siècle de notre ère jusqu’à l’an mille, est très mal connu dans notre région. Les documents écrits sont rarissimes, et les vestiges matériels rares, pauvres et difficiles à déceler. Sylvain Doussau a signalé la découverte à Lagrace de tombeaux de pierre (sans autre précision), qui pourraient être des sarcophages d’époque franque ou mérovingienne (du VIe au VIIIe siècle), dont on connaît des carrières d'extraction près de Lourdes. Notons cependant que ces sarcophages furent remployés pendant tout le moyen âge, on ne peut donc exclure un déplacement et un remploi pour le cimetière du village médiéval de Lagrace. Nous
avons pu également observer deux tessons de céramique trouvés
sur l’emplacement de la villa, de teinte noirâtre, à la pâte
bien cuite et à dégraissant grossier, qui pourraient appartenir
à cette période (s’il ne s’agit pas de tessons de céramiques
antiques de fabrication locale).
Signalons
enfin que la chapelle de Héchac est dédiée à
saint Martin, un des premiers saints honorés pendant le haut moyen
âge. On ne peut exclure a priori la présence d’une église
antérieure, de cette période, et qui aurait eu cette titulature.
On
ne peut en fait rien affirmer de certain. Tout au plus peut-on supposer
une continuité de site à Lagrace entre l’occupation antique
(la villa) et l’occupation du moyen âge (les sarcophages), qui ne
pourrait être confirmée que par la fouille.
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