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Mon DEA a été soutenu en 1998, sous la direction de Benoît Cursente. Il a obtenu seulement la mention bien, car les perspectives envisagées dans cette petite étude étaient en-deçà du niveau des travaux alors en cours de publication (en particulier les travaux de mon directeur de recherches). Ce DEA permet néanmoins, avec toutes ses lacunes, de faire un point bibliographique. | |
II-DELIMITATION
DU SUJET
1-LIMITES TERRITORIALES ET GEOGRAPHIQUES
a-Définition
générale de la Bigorre
La Bigorre trouve probablement son origine dans une civitas gallo-romaine, la Civitas Turba ubi Castrum Bigorra citée dans la Notice des Provinces vers la fin du IVe siècle1. Une savante étude de Raymond Lizop en a déterminé les limites pour l’antiquité tardive2. Le
diocèse médiéval, complètement décrit
lors de la création des archiprêtrés bigourdans par
l’évêque Pierre-Raymond de Montbrun en 13423
(Fig.1), semble fixé très tôt, si on se fie aux rares
mentions des vitae mérovingiennes et aux actes carolingiens
du Livre vert de Bénac4.
C’est du moins l’opinion d’Auguste Longnon et de son successeur Ernest
Rorschach, qui donnent au diocèse de Bigorre primitif une taille
identique à celle du bas moyen-âge5.
On peut supposer avec quelque vraisemblance que le diocèse du Xe siècle, assez proche sinon identique dans ses frontières à celui connu au XIVe siècle, servit de base à la construction du comté de Bigorre, dont les frontières en 1285 et 1300 sont presque superposables (Fig.1 et 2). Sans entrer dans des détails qui ne sont pas dans notre propos, on sait qu’un comté de Bigorre apparaît vers 9206, né de la parcellisation du pouvoir des ducs de Gascogne. Son domaine comprend alors la vallée de l’Adour jusqu’aux environs de l’actuel Castelnau-Rivière-Basse, la petite vallée du Montanérès, une partie de la vallée de l’Arros (le Rustaing) et la totalité des sept vallées du Lavedan (Fig.1). A
la fin du Xe siècle - début du XIe siècle apparaissent
une série de vicomtés sur les marge du comté primitif,
en Rivière-Basse, Montanérès et Lavedan.
On peut ainsi tracer une carte grossière du comté de Bigorre au XIe siècle. Au sud, les Pyrénées forment une frontière peu franchissable entre l’Aragon et le Lavedan, vicomté entièrement “ montagnarde ”. A l’ouest, le comté est limitée par le plateau de Ger et le Montanérès, qui est détaché de la Bigorre au profit du vicomte de Béarn dès 1097. Au nord, la Rivère-Basse est bordée par le Béarn et le comté d’Armagnac, qui se disputeront cette vicomté au XIIIe siècle. A l’est, la Bigorre est limitée par le comté de Pardiac, le comté d’Astarac et le comté de Magnoac, qui s’étend jusqu’au plateau de Lannemezan, par la vicomté de La Barthe, les vallées non bigourdanes de la Neste et d’Aure (comté d’Aure), et enfin par le Nébouzan commingeois. En 1429 encore ce schéma n’a pas été bouleversé, sauf quelques seigneuries mouvantes en Nébouzan (Fig.3). b-La
Bigorre “ centrale ”, délimitation précise du champ d’étude
Il
nous reste donc à définir le cadre précis de notre
investigation.
Notre étude ne prendra en compte que la Bigorre propre, c’est à dire la région de Tarbes, la vallée de l’Adour, et la vallée de l’Arros jusqu’à l’actuel Tournay et le Nébouzan, dans ses limites du XIVe siècle. Nous
excluons de notre étude le Montanérès, qui sort très
tôt de la Bigorre. Nous excluons également la Rivière-Basse,
qui est bigourdane jusqu’aux années 1250, et qui doit faire l’objet
d’une thèse par un confrère. Enfin nous excluons l’énorme
Lavedan, qui est toujours resté attaché à la Bigorre,
mais qui possède des caractéristiques propres bien mises
en valeur par Jean Bourdette7.
En quelque sorte, nous nous attacherons à l’étude du “ noyau
dur historique ” de la Bigorre, en excluant toutes les terres “ périphériques
” qui lui furent momentanément rattachées.
Au nord, la Bigorre “ historique ” est limitée par la petite ville de Maubourguet, qui sert de frontière avec la Rivière-Basse. A l’ouest la frontière est plus sinueuse, elle court le long de plusieurs entités féodales différentes. Une analyse complète d’après le censier de 1429 en a été faite récemment, nous nous y référons sauf pour les seigneuries d’appartenance “ incertaine ”8. Au niveau du Nébouzan la frontière est plus floue, et varie selon les censiers et les périodes. Nous n’incluons ainsi dans le comté que les communautés indiquées dans les censiers de Bigorre avant 1429. Au sud la limite est plus facile à délimiter avec le Lavedan, la Bigorre comprend la vallée de Campan, la région de Lourdes, et l’abbaye de Saint Pé de Bigorre (sur le gave de Pau) sert de borne sud-ouest. A l’ouest enfin la limite médiévale a été conservée dans l’actuel département, y compris Tarasteix, prétendue souveraineté au XVIIIe siècle, mais attestée dans le comté de Bigorre au moyen-âge. Les enclaves à l’ouest du Montanérès seront inclues également, car comptées en Bigorre avant 12149, enclaves élargies aux communes voisines qui doivent des redevances au comte de Bigorre en 1300 . La
Bigorre telle qu’elle sera étudiée dans notre travail est
celle qui en 1429 encore comprenait le plus de propriétés
comtales, c’est à dire la partie du comté qui fut la moins
touchée par les démembrements du XIe siècle (Fig.2).
C’est cette même Bigorre qui fut intégrée à
la vicomté de Béarn au XVIe siècle, puis au royaume
de France en 1620. Les limites en restèrent à peu près
stables jusqu’à la Révolution.
Nous
avons reporté sur une carte communale contemporaine l’ensemble de
ce territoire (Fig.4), les études archéologiques étant
à ce jour pour des raisons de commodité fractionnées
par communes et cantons.
c-Données
géographiques
La
Bigorre ainsi définie “ historiquement ” reste un ensemble géographique
et géomorphologique complexe.
La
Bigorre est un piémont pyrénéen, avec toutes les nuances
possibles, largement modelé par les cours d’eau qui dévalent
la montagne en apportant des quantités de sédiments depuis
l’ère tertiaire.
Les
principaux cours d’eau sont l’Adour, et son affluent l’Echez, qui partagent
une même vallée en aval et se rejoignent en Rivière-Basse,
et l’Arros, qui a creusé une vallée parallèle à
l’est. La Bigorre contient ces cours d’eau depuis leur source jusqu’à
leur jonction (du moins pour le diocèse et le comté primitifs),
qui forment – surtout l’Adour- la “ colonne vertébrale ” du comté,
une large bande de terre de la haute montagne jusqu’à la plaine
gasconne (Fig.5)
Le Haut-Adour (la région de Campan) qui comprend la source de l’Adour, est la partie la plus élevée du comté, puiqu’elle inclut le Pic du Midi de Bigorre, à 2865 mètres. Ce territoire, peu hospitalier, n’est habité que dans les fonds de vallée. Les roches, schistes, marbres et autres roches magmatiques et métamorphiques, ont pu être exploitées dès l’antiquité (marbre de Campan, calcaire à sarcophages de Lourdes), ainsi que quelques filons miniers (fer, cuivre…). L’altitude s’abaisse cependant rapidement à quelques centaines de mètres dans la région de Bagnères et Lourdes. C’est là le domaine des verrous glaciaires, des calcaires quaternaires, et des premières vraies terres labourables, bien que très caillouteuses. Le nombre de villages s’accroît rapidement. On
entre en aval de Bagnères dans la Bigorre propre, qui est la large
vallée de l’Adour. L’altitude s’abaisse insensiblement jusqu’à
200 mètres aux environs de Maubourguet. La vallée, encadrée
par deux séries de coteaux orientés nord-sud, est formée
entièrement de dépôts fluviatiles : terrasses quaternaires,
lourds terrains argilo-siliceux, argile grasse et riche en galets -mais
fertile et bien irriguée. Des dépôts molassiques affleurent
à flanc de coteau, ainsi que des poches de kaolin et d’argile à
tuile presque pure. Ici les villages sont nombreux, nous sommes au cœur
de la Bigorre peuplée. La même remarque vaut pour la vallée
de l’Arros, au profil géomorphologique identique, sauf en amont
où elle contourne le plateau détritique du Lannemezan dans
la région de Mauvezin (Fig . 6 et 7).
2-APERCU CHRONOLOGIQUE
Une rapide chronologie est nécessaire pour comprendre l’histoire du comté de Bigorre du XIe au XVe siècle. Le
comté primitif naît au début du Xe siècle, sur
les base du diocèse de l’antiquité tardive, qui conserve
encore peut-être une double capitale, Tarbes et Bigorre - Saint-Lézer,
un castrum du bas-empire qui a selon certaines sources (douteuses)
abrité l’évêché de Bigorre carolingien.
Les comtes de Bigorre, issus des ducs de Gascogne vers 920, voient leur comté rapidement fractionné sur les marges en vicomtés, comme nous l’avons dit. A l’exception de la vicomté de Lavedan, les autres vicomtés finissent par quitter l’orbite du comté de Bigorre. Au
XIe siècle la Bigorre passe sous la suzeraineté du roi d’Aragon.
Les troubles durent être nombreux, car des fors sont rédigés
dès la fin du siècle, expression possible du mouvement de
la Paix de Dieu10.
Des limites sont dès lors fixées aux enclos ecclésiaux,
et l’interdiction de reconstruire en pierre les vieilles forteresses indique
que l’érection des très nombreuses mottes castrales – et
donc la parcellisation du comté en minuscules seigneuries- a déjà
eu lieu11.
La généalogie des comtes aux XIe et XIIe siècle est particulièrement mouvementée. Il suffit de noter que le comté tomba à plusieurs reprises dans les mains d’une unique héritière, qui chercha alliance dans les comtés voisins, en Béarn, Marsan, Comminges… Dans
la deuxième moitié du XIIe siècle nous voyons apparaître
les “ villes de Bigorre ” : le castrum de Vic-Bigorre est doté
d’une charte dès 1152 ( ?) par Pierre de Marsan, Tarbes, Lourdes,
Ibos, Bagnères possèdent la leur vers 1170-1180 grâce
au comte Centulle III.
Ce
n’est qu’au XIIIe siècle que la documentation écrite éclaire
réellement le comté. Le cartulaire de Bigorre, Le cartulaire
des Vicomtes de Lavedan, la “ Montre ” de 1285 et le censier de 1300 nous
permettent de connaître avec plus de précision l’histoire
et l’occupation du sol du comté.
Les
comtes de Bigorre légitimes disparaissent en 1283, suite aux multiples
mariages de la comtesse Peyroune (ou Pétronille). Le roi d’Angleterre
en profite pour mettre le séquestre sur le comté. La “ Montre
” qu’il fait réaliser nous montre un pays de Bigorre déjà
“ plein ”, avec de très nombreux villages, et de petites villes
fortifiées comme Vic ou Bagnères. Le roi de France, qui pose
le séquestre à son tour en 1300, fait réaliser un
censier qui complète le précédent : le réseau
des communautés est presque en place –sauf quelques bastides- et
très dense.
Au
XIVe siècle et au début du XVe siècle, c’est l’administration
royale qui gère le comté. Plusieurs censiers, deux pouillés
et de nombreux actes permettent de détailler l’habitat bigourdan,
et notamment la création des dernières bastides. En 1425
la Bigorre est “ rendue ” aux comtes de Foix-Béarn, qui conservent
le comté rattaché au Béarn jusqu’en 1607. Cette donation
est l’occasion du censier de 1429, qui reste notre meilleure source pour
le moyen-âge bigourdan12.
L’histoire
du moyen-âge bigourdan est donc extrêmement troublée.
C’est cependant une étude fine de ce contexte, qui a entraîné
la création des meilleurs documents d’étude pour l’occupation
du sol, qui permettra peut-être d’éclairer la genèse
et l’évolution de l’habitat – les bastides royales fondées
au début du XIVe siècle en sont l’illustration la plus flagrante.
Le XVIe siècle est un siècle en “ dents de scie ” pour la Bigorre, en particulier dans la plaine de Tarbes. La première moitié du siècle semble prospère, à en juger par les archives et les rares vestiges archéologiques. A partir de 1569 une brutale rupture se produit : la Bigorre devient le champ de bataille des guerres que se livrent catholiques et protestants aux frontières du Béarn. De très nombreux villages sont pillés et brûlés, comme l’atteste la liste fournie par Blaise de Montluc après la fin des combats, qui cite presque tous les villages du comté au nord de Montgaillard. La
fin du siècle et le début du siècle suivant voient
un lent redressement, avec des troubles encore nombreux : par exemple les
Etats de Bigorre doivent faire démolir le château de Rabastens
en 1594 pour éviter qu’il serve de repaire de routiers, et on trouve
la trace de “ soldats ” irréguliers dans le monastères voisin
de Saint Lézer, déserté par les moines, jusque dans
les années 1620. La prospérité ne revient qu’à
partir du milieu de ce siècle, avec la sécurité. Les
villes et les villages se repeuplent, et progressivement les murailles
–sources d’impôts et de problèmes- sont abattues, les fossés
comblés : en bref, l’habitat commence à prendre sa physionomie
actuelle, celle qui servira de cadre de départ à notre étude
régressive.
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