DEA



Bibliographie * Documents (textes) * Documents (graphiques)
Mon DEA a été soutenu en 1998, sous la direction de Benoît Cursente. Il a obtenu seulement la mention bien, car les perspectives envisagées dans cette petite étude étaient en-deçà du niveau des travaux alors en cours de publication (en particulier les travaux de mon directeur de recherches). Ce DEA permet néanmoins, avec toutes ses lacunes, de faire un point bibliographique.

III-HISTORIOGRAPHIE DU SUJET





Nous ne traiterons pas de l’historiographie à l’échelle régionale, ce qui n’aurait guère de sens, tout en notant que les universités méridionales ont fourni un grand nombre de chercheurs en histoire du peuplement médiéval depuis une quarantaine d’années. Par contre nous consacrerons un petit chapitre à l’histoire des recherches médiévales en Bigorre, qui méritent une place à part du fait de leur caractère méconnu et de leur intérêt particulier pour notre sujet.
 
 

1-HISTORIOGRAPHIE GENERALE


Il n’existe pas à proprement parler de travaux portant exclusivement sur les dynamiques de l’habitat médiéval ou moderne. Faire une historiographie de ce sujet, c’est en fait rechercher les grandes étapes de la recherche qui ont progressivement permis la découverte des grands “ types ” d’habitat médiéval, des éléments de leur évolution et de leur environnement. Nous nous concentrerons principalement sur les recherches portant sur le moyen-âge, car les recherches sur l’habitat postérieur aux Guerres de Religion sont encore aujourd’hui à un stade embryonnaire, et il n’existe à notre connaissance aucun ouvrage de synthèse français traitant de notre sujet pour cette période.
 
 

Dans les années 1860-1880, Alcide Curie-Seimbres publia parmi les premiers une analyse générale sur les bastides, déterminant leurs traits généraux d’après leurs chartes de coutumes et de fondation, dans la grande tradition de l’école méthodique. Son travail reste un peu isolé, avec celui de quelques pionniers comme Pierre Imbart de la Tour qui publia en 1900 la première grande synthèse sur les origines de la paroisse en France.
 
 

C’est une génération plus tard que l’on voit apparaître, dans l’entre-deux-guerres, des travaux novateurs portant cette fois sur la géographie des paysages anciens : les ouvrages de René Dion, André Déléage, Marc Bloch surtout, posent les premiers jalons de l’étude des paysages médiévaux, en détaillant les grands types paysagers et en cherchant à comprendre leur genèse. Le lien n’est cependant pas encore fait entre la terre et l’habitat qu’il porte.
 
 

La Deuxième Guerre Mondiale annule momentanément toutes les recherches, sauf quelques travaux, isolés de nouveau, inspirés pour la plupart du livre de Bloch, dont le plus remarquable est un article de Daniel Faucher publié en 1942 à Toulouse, qui tente de faire une première typologie des formes de villages ainsi que quelques hypothèses sur leur formation.
 
 

Il faut attendre la fin des années 1950 pour que les recherches sur l’habitat médiéval fassent quelques progrès : c’est l’époque des grandes thèses d’Etat décortiquant la période médiévale pour des régions entières, grâce à l’emploi systématique des sources notariales, des cartulaires d’abbayes et des sources laïques. Citons pour mémoire la thèse de Robert Fossier sur la Picardie, en 1968, qui reste emblématique de cette période. Ces travaux apportent un regard neuf sur la terre, les seigneuries. Le maniement des statistiques permet d’envisager les premières études de cadastres, les premières recherches en microtoponymie. L’apport de l’archéologie reste minime cependant ; tout au plus note-t-on quand elles existent en élévation les ruines de quelques donjons et abbayes. La thèse de Gabriel Fournier sur le peuplement haut-médiéval de la Basse-Auvergne, soutenue en 1962, est cependant l’heureux exemple de l’apport simultané des textes, de la statistique, la toponymie, les textes et des premières données archéologiques, sur une période peu et mal documentée.
 
 

De fait, c’est de l’archéologie médiévale, en plein essor dans les années 1960-1970, que vont venir de nouvelles données susceptibles de renouveler des problématiques limitées par la seule documentation écrite.

Des pionniers comme Michel de Boüard en Normandie commencent à fouiller des mottes castrales, à les recenser, à les dater par les textes et l’emploi de méthodes physiques nouvelles comme le carbone 14. Une véritable mise en perspective des documents écrits est dès lors possible par confrontation avec les vestiges archéologiques. Quelques découvertes spectaculaires, comme la salle carolingienne emmotée sous un donjon du XIe siècle à Doué-la-Fontaine, assurent le développement de la discipline, des vocations… et des crédits. L’université de Caen est alors à la pointe des recherches. 
 
 

A la charnière des années 1970 et 1980 sont publiés les premiers travaux utilisant en même temps les sources archéologiques et archivistiques. Pierre Toubert, dans sa thèse sur le Latium, développe en 1973 le concept d’incastellamento, qui sera largement repris par tous ses successeurs, qui tiennent enfin une clé de lecture de l’habitat fortifié. En France, Charles Higounet est certainement le meilleur exemple de ces chercheurs capables de concilier les données d’archives et de terrain, et d’orienter la recherche dans des voies non défrichées. 
 
 

Dès lors une typologie des habitats groupés est rapidement mise en place: par exemple en 1979 Paul Ourliac publie un article sur les sauvetés commingeoises ; en 1980, Benoît Cursente publie sa thèse sur les castelnaux de Gascogne gersoise. Le sommet de cette production est atteint en 1990 avec l’hommage à Charles Higounet, dans les Annales du Midi, qui permet à toute une génération de chercheurs –souvent ses anciens étudiants- d’affiner la typologie de l’habitat médiéval dans le Sud-Ouest : villeneuves, sauvetés castrales, bastides…

En parallèle, l’emploi des sciences auxiliaires de l’histoire se développe : Les travaux de Michel Aubrun sur l’hagiotoponymie permettent d’assurer une fiabilité nouvelle à ces données mal datables, quand elles peuvent être associées au document archéologique.
 
 

Ces dernières années, la liste des grands types d’habitat semble pratiquement close avec les travaux de Michel Fixot, Elisabeth Zadora-Rio sur l’église et son enclos, la thèse régionale d’Aymat Catafau sur les “ celleres ” du Rousillon, les travaux de de Claude Reynaud sur le Vaunage, ou encore la thèse qui doit être soutenue par Dominique Baudreu sur les enclos ecclésiaux du Bas-Razès.
 
 

Paradoxalement, et dans le même temps, il se produit une remise en cause massive des modèles élaborés, appuyée par un réexamen critique des sources.
 
 

L’archéologie médiévale, qui a fait des progrès énormes en vingt ans, permet aujourd’hui une grande finesse dans les fouilles et les datations. La multiplication des fouilles de sauvetage d’envergure –en particulier sur les tracés autoroutiers- permet de disposer d’un nombre appréciable de sites fouillés in extenso, y compris sur l’environnement agraire de ces sites. La fouille programmée de quelques villages en bon état de conservation –Rougiers et Paladru en tête- permet d’avoir des répertoires complets de formes et de matériels.

Les synthèses réalisées récemment sous la direction de l’antiquisant Gérard Chouquer (Les formes du paysage, en trois volumes), montrent ainsi un intérêt nouveau pour le parcellaire agraire et sa datation, pour la formation des territoires urbains et ruraux, des chemins etc, liés ou non à un habitat. La méthode en a été développée pour le Berry par Armelle Querrien en 1994 (Le journal des savants 1994). Ces indices archéologiques modestes sont en effet eux aussi massivement menacés de destruction par les travaux publics et l’agriculture intensive. On peut citer pour exemple de ces travaux la thèse récemment publiée d’Aline Durand sur Les paysages médiévaux du Languedoc entre le Xe et le XIIe siècle, qui mélange avec bonheur l’étude des textes et l’anthracologie.
 
 

Or, cette multiplication des travaux ne fait qu’ajouter à la confusion. Presque chaque église, chaque portion de village fouillée, est une exception dans la typologie élaborée par les historiens. Si les grands cadres de l’histoire du peuplement sont bien fixés, le détail est d’une diversité inattendue. Par exemple les bastides, que l’on croyait solidement ancrées dans une typologie par leur plan régulier et leurs chartes, ont été à ce point pillées dans leur “ concept ” et rattachées à des formes d’habitats préexistants entre le XIIIe et le XIVe siècle, que l’on est bien en peine aujourd’hui d’en donner une définition acceptable. La régularité semble presque l’exception dans les “ vraies ” bastides, et les chartes “ de bastides ” comme celle de Gimont ont été données à d’authentiques castelnaux…
 
 

Pour compléter ce tableau, on peut enfin signaler les recherches récentes portant sur le statut de la terre et les modalités de sa transmission (en particulier B. Derouet, AESC 1995, et B. Cursente, PUM 1998), dont la confrontation avec les données archéologiques à l’échelle du micro-parcellaire commencent à peine.
 
 

2-HISTORIOGRAPHIE LOCALE


L’histoire des recherches locales sur l’habitat médiéval ne peut s’écrire simplement, tant les auteurs furent nombreux et prolifiques. On peut cependant dégager quelques personnalités majeures.
 
 

C’est à partir du XVIIe siècle, et jusqu’à la fin du XIXe siècle, qu’apparaissent de grandes synthèses sur l’histoire de la Bigorre. Citons Guillaume Mauran, auteur d’une Sommaire description du païs et comté de Bigorre admirable de précision et d’intelligence, et l’abbé Colomez, un siècle plus tard. Quelques auteurs béarnais, en particulier Pierre de Marca, consacrèrent dans leurs travaux une large part à l’histoire de la Bigorre. Une place à part doit être réservée à Jean Larcher, qui écrivit dans les années 1740-1760 25 volumes manuscrits de Glanages, transcrivant l’essentiel des archives de la Bigorre, qui seraient perdues sans lui. L’ensemble de ses travaux, d’une grande fidélité, sont du plus haut intérêt.
 
 

Au XIXe siècle apparaissent quelques travaux de synthèse sur des thèmes religieux et historiques, en particulier ceux de Jules Bascle de Lagrèze, auteur de plusieurs sommes très documentées. A côté de ces “ historiens de cabinet ” on trouve les premiers “ antiquaires ” ; dans les années 1860 à 1914, Alcide Curie-Seimbres puis son fils Louis rédigèrent de nombreux articles et livres sur diverses communes (Rabastens, Capvern) et thèmes (les bastides). Nous savons qu’ils pratiquèrent diverses fouilles sur des mottes et églises de la région de Trie, mais aucun résultat n’en fut malheureusement publié.

Dans les années 1900, ce sont les figures des historiens Gaston Balencie et Jean Bourdette qui doivent être mises en valeur. Le premier, un chartiste, publia parfaitement les principaux censiers de Bigorre ainsi que le procès de Bigorre ; le second est l’historien du Lavedan , dont il transcrivit et analysa fort bien de nombreux actes inédits. A côté de ces historiens on trouve les premiers “ vrais ” archéologues, les vicquois Norbert Rosapelly et Xavier de Cardaillac. Ils fouillèrent divers sites (églises de Vic…) publiés avec un luxe de détails rare pour l’époque, mais leur œuvre principale reste la redécouverte du castrum antique de Saint Lézer, et son identification avec la cité de Bigorra.
 
 

Tous ces chercheurs, ainsi que quelques érudits abbés, se retrouvaient dans les sociétés savantes et leurs publications: Société Académique, Société Ramond, Revue des Hautes-Pyrénées, Revue de Gascogne. Là sont conservés l’essentiel de leur travaux. L’entre-deux-guerre est peu actif, sauf quelques figures attachantes comme l’abbé Jean Francez, qui tenta de concilier érudition et recherche archéologique.
 
 

C’est à partir des années 1950 qu’apparaît une nouvelle génération de chercheurs, dont la figure principale est l’archéologue Roland Coquerel, dont l’impressionnante bibliographie s’étale sur près de quarante ans. Il faut attendre la décennie suivante pour que les premiers travaux universitaires dignes d’intérêt apparaissent, en particulier la thèse de Maurice Berthe sur le bas moyen-âge, qui reste un travail de référence unique. Dans les années 1970 l’antiquisant Michel Labrousse fit réaliser quelques maîtrises (André Bianconi sur Saint Sever…) qui ne stimulèrent pas les chercheurs locaux, semble-t-il. 
 
 

Au début des années 1980 on remarque l’existence de quelques érudits locaux (Aimé Cazanave dans la région de Sénac, l’abbé Carrère à Bordes…) qui multiplient des monographies communales. Travaux inégaux, parfois médiocres, presque toujours sans problématique, ces monographies ont cependant le mérite de faire parfois connaître des sites archéologiques et des sources locales inédites.

C’est à partir de 1989 que Gérard Pradalié fait réaliser la première maîtrise d’occupation du sol dans la région (celle de Frédéric Vidaillet sur le canton de Rabastens), maîtrises qui permettent actuellement de couvrir de monographies, d’inégale valeur là aussi, près de la moitié du département. La méthode choisie –une “ grille de recherche ” à appliquer commune par commune- limite les points de vue, mais permet d’avoir un premier aperçu du patrimoine archéologique et des sources documentaires. 
 
 

Dans la même période naît le Groupe Archéologique des Pyrénées Occidentales, qui permet la publication de travaux inédits (S. Dousseau, R . Vié, F. Guédon et J. Sabathié). Actuellement, si le département abrite des chercheurs de grande valeur (J.F. Le Nail, qui anime les Archives Départementales et la Société Ramond), il souffre surtout du manque de recherches archéologiques suivies, les rares opérations étant des fouilles d’urgence ponctuelles et d’ampleur limitée qui ne permettent guère de mise en perspective historique.
 
 

Dans le dernier quart de siècle on a en fait l’impression que les travaux récents –problématiques, axes et méthodes de recherche- ne diffusent que très progressivement dans le milieu des chercheurs locaux bigourdans, depuis les centre universitaires. Il existe un réel décalage entre les travaux réalisés par les étudiants et les chercheurs toulousains, bordelais ou palois, et les articles publiés dans les Sociétés Savantes par exemple. La bibliographie doit donc se lire à deux niveaux : d’une part les travaux de recherches universitaires et équivalents, qui seront des points d’ancrage à notre réflexion, et d’autre part la masse énorme de travaux locaux, qui ne seront pour la plupart que des sources documentaires d’appoint.

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Dernière modification : 19/11/01,07:09:07