Rabastens



Bibliographie * Documents (textes) * Documents (graphiques)
Description de Rabastens-de-Bigorre en 1614 d'après Guillaume Mauran
Guillaume MAURAN, 1614

Chapitre XVIII, conservé dans Larcher, Glanages, T.9, p.129
 

 

Ce document est immédiatement postérieur aux guerres de religion, et apporte des précisions intéressantes sur la situation du village après 1570, tout en confirmant les écrits de Monluc sur le sièe de 1570.
 

 

De la ville de Rabastenx


On raconte que les anciens habitants qui peuplèrent jadis la ville de Rabastenx furent chassés pour quelque notable offense qu'ils firent à une comtesse de Bigorre et allèrent peupler la bastide de Clarens. 

Cette ville est située sur les extrémités de la Bigorre et son terain touche celuy du comté de Pardiac. Sa figure est ronde en forme d'ovale et avoit anciennement a un bout un fort chateau, et l'enceinte des murailles étoit de briques, lesquelles a present abbatues en plusieurs endroits, et le chateau mis par terre, hormis une petite tour qui reste pour marque d'un si rare edifice. Car c'étoit une excellente structure de brique fortifiée par des fossés innaccessibles. Lorsque la ville étoit en son entier, elle contenoit quatre cent familles, et maintenant a peine s'y en trouvent cinquante. Les causes de sa ruine sont deux principalles, la guerre et la peste. La premiere source de la guerre de Rabastenx fut la division des habitants pour le fait de la religion, et pour les honneurs. Car ayant une partie d'iceux et embrassé le party des huguenots, les catholiques etoient encore divisés pour les factions des consuls et du juge qui ne s'accordoient de leurs honneurs et préséances. Le juge et premier consul eurent dispute le jour du sacre sur la préférence a tenir la main droitte du poesle, et comme ils vinrent a l'offertoire, le consel jugea pardevant le juge, et le juge se voyant ainsi traité, sortit de l'église, et n'y entra depuis, mais par dépit se fit huguenot. Il consentit que lesdits de la Doue (?) et autre religionaires se saisissent du chateau, et d'iller avant ils tenoient en cervelle les catholiques de laditte ville, et faisoient dont plein de maux es villages d'alentour, jusques a ce que monsieur de Monluc y vient mettre le siège au mois de juillet de l'an mil cinq cent soixante et dix. Alors les assiégés se déffiant de pouvoir tenir la ville, et pour se retrancher mieux dans le chateau, remplirent les maisons de paille et de fagots et y mirent le feu. Sept cent septante volées de canon furent tirées contre le chateau, et encore n'eut été pris par assaut, sans l'artifice du capitaine Moret natif de ladite ville qui étoit avec monsieur de Monluc. Iceluy voyant que monsieur de Monluc etoit blessé, et les soldats raffroidis d'aller a l'avant, demanda parler aux assiégés, la plus part desquels il connoissoit, et leur promit de moyenner leur conservation, pourveu qu'ils ne fussent plus opiniatres. 

Mais après qu'il eut introduit les assiégeants dans le chateau, il ne fut en son pouvoir de contenir les soldats qu'ils ne missent tout au fil de l'épée, sans épargner les femmes sauf quelques unes qui étoient parentes dudit capitaine Moret, auxquelles il eut le crédit de sauver l'honeur et la vie. Depuis en ça les ruines du chateau qui consistoient en un donjon et quelques tours non encor du tout abbatues etoient demeurées désertes et inhabitées jusques a l'année 1585 au printemps, que monsieur de Castelnau de Chalosse s'en empara et y tint garnison. Mais a la prière de monsieur de Bénac sénéchal de Bigorre il fit composition avec le pays de quitter la place moyennant la somme de cinq mil écus, qui luy fut promise et depuis délivrée en l'année 1588.

La peste affligea les habitants de Rabastenx et emporta ce qui étoit resté de la guerre, et ce fut icy la totalle désolation et ruine de cette chétive ville. Sur la fin de l'année 1592 Samson de Henaut de la ville de Lourdes auquel ledit seigneur de Bénac avoit commis la garde du chateau de Rabastenx fur industrieusement tiré de céans par ceux qui étoient sortis de la garnison de Tarbe, lesquels s'y maintinrent sous l'authorité de monsieur de Basiliac jusques a ce que la trève de l'an 1594 eut été publiée. Car alors monsieur de la Force étant venu tirer la garnison de Tarbe, celle de Rabastenx print fin aussy par appointement fait avec monsieur de Baziliac moyennant 2000 écus et ledit chateau fut entièrement détruit, sauf la petite tour qu'on y voit encore, laquelle étoit un des quatre piliers du donjon.

Nonobstant les ruines, encore continuent les foires a Rabastenx et les marchés ordinaires chacun lundy de la semaine, et s'y fait débit de plusieurs marchandises.
 
 

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