Montégut-Arros



Bibliographie * Documents (textes) * Documents (graphiques)
Monographie de Montégut-Arros (Gers)
 

Première partie

SITUATION GENERALE



1-Éléments généraux de géographie
(manquent les tableaux et cartes)

 Montégut-Arros est une commune implantée à la pointe sud-ouest du département du Gers, arrondissement de Mirande, canton de Miélan1. Sa superficie, assez importante pour la région, est de 1529 hectares. Sa population actuelle est de 295 habitants (soit 120 familles).

 Cette commune frontalière des Hautes-Pyrénées a pour confronts une série de communes gersoises et haut-pyrénéennes: Villecomtal, Laguian-Mazous, Estampes, Estampures, Fréchède, Moumoulous, Saint-Sever-de-Rustan, Sénac (autrefois Sénac et Lahitau), Mingot et Rabastens.
 

 La géographie physique2 de Montégut est assez complexe. Implantée dans la vallée de l'Arros, elle comprend quelque partie des coteaux qui enserrent cette petite vallée, à l'ouest et à l'est, ainsi qu'à l'est une minuscule vallée creusée dans le relief , la vallée du Lurus, modeste affluent de l'Arros. On trouve ainsi cinq espaces distincts, d'ouest en est:
- un fragment de coteau boisé marquant la limite ouest de la vallée de l'Arros
- la vallée de l'Arros
- le coteau portant le quartier de l'église
- la petite vallée du Lurus
- un coteau boisé marquant la limite est de cette vallée

 Le relief, de ce fait, est très varié, avec un dénivelé assez important pour une commune de vallée, variant de 170 à 331 mètres selon l'endroit. La nature du sol se ressent de ces variations: terres argilo-siliceuses en fond, assez lourdes, mélange de terre argileuse; de sable et de galets; molasse, grès molassique et une sorte de poudingue alternant avec des lits d'argile sur les coteaux. L'homme n'a pas eu a chercher bien loin ses matériaux de construction: la pierre, le galet, la chaux (par calcination de la molasse et du calcaire), la brique et la tuile (par cuisson de l'argile avec un dégraissant sableux) peuvent être fabriqués sur place.

 L'espace perçu par les habitants mérite d'être relevé: pour eux il existe deux espaces, « la Ribère » côté Arros,  et « le Lurus », séparés par le coteau portant l'église. De manière simplifiée, l'espace vécu correspond aux deux vallées habitables et habitées.

 Les sols des collines remontent pour l'essentiel à l'ère tertiaire (Miocène), époque où le bassin aquitain était encore recouvert d'eau (d'où la présence de molasse...). Les sols de la vallée correspondent en grande partie à des dépôts détritiques quaternaires provenant du cône de déjection du plateau de Lannemezan, charriés par les cours d'eau (Riss, Würm et actuel)3.

 Ces cours d'eau, en grande partie responsables de ce relief érodé, sont légion. Outre l'Arros, cours d'eau principal qui étire paresseusement ses méandres dans la vallée, le Lurus est localement son affluent principal, auxquels il faut ajouter les nombreux ruisseaux, souvent très modestes, parfois intermittents, qui dévalent les coteaux depuis leur source pour se jeter dans l'un ou l'autre de ces cours d'eau: ruisseaux de Fréchède, Saillères, Mesplet, Goutils, Arriouets, Hajaou, Bégole, l'Anénos, Busquet, Lasmourlanes, Rémillou, Tucoulet, Lascarbouères, Laclaverie... Nombreux sont ces cours d'eau qui ont été canalisés, au fil du temps, dans des fossés et des tranchées de bord de champ et de route.
 Un seul ouvrage artificiel d'importance est à signaler: le canal du moulin, dérivation de l'Arros en partie nord de la commune, qui permet d'alimenter plusieurs moulins sur Montégut et Villecomtal, et qui débute par une majestueuse digue, dont nous traiterons plus loin. A noter également, un petit pont-canal qui permet au Lurus de passer par-dessus le canal du moulin, au nord de la commune.

 Le climat de Montégut-Arros est à la limite du climat océanique « dégradé », avec des nuances apportées par la proximité des Pyrénées: la pluviométrie atteint 900 à 950mm par an en moyenne, apportée depuis l'océan par les vents d'ouest. Les hivers sont assez doux, avec (rarement) de courtes périodes de neige et de froid. Les étés sont chauds et secs, avec des intermèdes d'orages parfois violents. Le printemps est très souvent pluvieux, en particulier au mois de mars. Les gelées ne sont pas rares en cette saison.  L'automne est souvent très doux, voire chaud par période. Les spécialiste classent cette zone comme « océanique fraîche. Carrefour méditerranéo-atlantico-montagnard »4.

Les cours d'eau de Montégut-Arros

2- La toponymie

2-1-Ebauche d'une méthode

 La toponymie est la science des noms de lieux. Comme toutes les communes, Montégut-Arros conserve un grand nombre de lieux-dits connus de la plupart des habitants. Six sources principales permettent de connaître ces toponymes:
les livres-terriers et chartes anciennes
le cadastre du 19e siècle, dit « cadastre napoléonien »
le cadastre contemporain
la carte d'Etat-Major
la carte IGN série bleue au 1:25000
l'enquête orale

2-2-Principaux toponymes relevés sur le livre-terrier de 1755 :

 Nous avons essentiellement utilisé le Dictionnaire du béarnais et du gascon moderne, par Simin Palay, CNRS 1991, pour proposer le sens de la plupart des mots gascons. Certains noms conservent cependant un sens douteux ou obscur5. 

2-3-Toponymes relevés sur la carte de Cassini (vers 1770):

 Les toponymes de cette carte reprennent et localisent ceux du cadastre de 1755, de manière très simplifiée.

2-4-Toponymes relevés sur le cadastre de 1830

 La carte d'Etat-major et la carte IGN n'apportent pas de toponymes nouveaux, ils permettent cependant de préciser leur localisation.

2-4- Interprétation des toponymes:

 Les noms recueillis -qui dépassent la centaine- peuvent être regroupés en deux grandes familles:
les toponymes « historiques », qui se rattachent par leur forme ou leur sens à l'histoire de l'occupation humaine des lieux.
les toponymes  « géographiques », qui donnent des précisions sur le relief, les cours d'eau, les voies de communication, la végétation et les formes du peuplement (habitat).

A- Les toponymes, éléments d'une histoire de Montégut

Les toponymes préromans

 Très peu de noms semblent antérieurs à la conquête romaine (plus de 2000 ans). Seuls les noms de principaux cours d'eau, dont les terminaisons sont caractéristiques, semblent se rapporter à cette période: l'Arros, l'Anénos, conservent la terminaison en -os/-ossum caractéristique des noms « aquitaniques » . On peut également rattacher à cette famille le nom Cérizos, plus au sud, sur le territoire de Saint-Sever.

 D'autres noms, comme le curieux nom de quartier Jar au nord de la commune, ou le cours d'eau Lurus, pourraient également se rapporter à une occupation préromaine.

 De toute évidence, la vallée a été occupée depuis plus de deux millénaires, mais les toponymes très anciens liés à cette occupation ont pratiquement disparu, sauf des éléments fixes du paysage, comme les cours d'eau, dont on a conservé le nom alors même que le sens de ces noms s'est perdu.
 

Les toponymes gallo-latins

 Ces toponymes remontent à l'occupation romaine, à partir du premier siècle avant notre ère, et jusqu'à la période carolingienne (période de naissance de la langue gasconne). Ces toponymes tous disparus ont été conservés dans le cadastre de 1755. Ils sont au nombre de huit: Caussade, Chelle, Daignan, Barrac, Lupiac, Mouilhan, Tilhac, Marsan.

 Daignan est sans doute un anthroponyme devenu un nom de quartier (le nom d'une personne venant de la cité d'Aignan, plus au nord). On peut sans doute  l'éliminer de la liste des toponymes « locaux ». De même pour Lupiac, attesté en 1822 comme nom de famille. Le problème se pose également pour Marsan et Tilhac, qui pourraient être  d'origine locale, ou bien le nom d'un habitant venant de cette localité près d'Auch ou du comté de ce nom.

 Barrac est très certainement un autre toponyme antique fossilisé. On retrouve la même forme: nom de personne + suffixe en -acum. De même pour Mouilhan, avec un suffixe de propriété en -anum.

 Le nom Chelle se rapporte également à l'antiquité. Jean-François Le Nail, pour le nom de village Chelle(-Debat), propose un dérivé du nom de personne latine Sila ou Silanus  (idem pour le village de Chélan), que l'on peut reprendre comme hypothèse ici.

 Ces noms indiquent que pendant l'antiquité et le haut moyen âge plusieurs personnages ont été propriétaires de terres à Montégut, et furent suffisamment importants pour laisser leur nom à un quartier. Il serait intéressant, par la prospection archéologique, de vérifier si ces noms ne sont pas liés à des habitats antiques, comme c'est souvent le cas dans la région (Séviac en est un exemple fameux).

 Caussade, mentionnée en 1755 dans la formule Cami de la caussade, indique enfin la présence d'une route ancienne, peut-être d'origine antique. Caussade dérivé en effet de cauçada (latin calceata) qui désigne une chaussée. Dans les Hautes-Pyrénées et le Gers la majorité des toponymes Caussade désignent ainsi une voie antique (à Caussade-Rivière, Caussade, Soublecause...).

Les toponymes haut-médiévaux

 Il est difficile de préciser si les noms Barrac ou Lupiac sont antiques ou haut-médiévaux.

 Cependant le toponyme Saint-Martin, au nord de la commune, qui rappelle le souvenir d'une église disparue au 18e siècle, pourrait se rapporter à une période antérieure au 10e siècle. On sait que la majorité des églises portant cette dédicace remontent souvent à une période fort ancienne. De même pour le Saint-Aloÿ repéré en 1755, qui pourrait être d'origine mérovingienne.

Les toponymes gascons

 Les noms créés à l'époque médiévale (à partir du 11e siècle), dans la langue dérivée du latin que l'on nomme ici le gascon, sont les plus nombreux.
Ces noms présentent des particularités linguistiques remarquables, comme la transformation du F initial latin en H (le fils, filius, devient hilh en gascon), le redoublement du R initial avec l'apparition d'un A prosthétique (le ruisseau, riu, devient arriu / arriou en gascon) etc6.

 Certains monuments caractéristiques, qui remontent au moyen âge, ont laissé leur nom à un lieu même après leur disparition. 
 Ainsi l'église disparu de la gleyzasse, formé du nom gleyze (du lat. ecclesia, l'église) et d'un suffixe péjoratif -asse qui doit indiquer la disparition de cet édifice. Le casterot pourrait conserver le souvenir d'une fortification détruite (dérivé de castrum).
 Le nom lasmurailles indique également la présence de murs enfouis, alors que le castet (le château) garde le souvenir de la forteresse médiévale rasée.
Les carbouères semblent également se rapporter à une pratique fréquente sous l'ancien régime, la fabrication de charbon de bois par les charbonniers dans les principales forêts. Ces charbonniers ne sont pas attestés par ailleurs.
 Plus récents, les quartiers de la tuilerie et du moulin se rapportent aux bâtiments du même nom.
Le marcadau est en 1755 le nom d'un champ ayant servi de place de marché (cité dès 1356), le quartier de besiau doit correspondre à un lieu de réunion de la communauté ou à une terre commune.

 D'autres noms se rapportent à des anthroponymes typiquement gascons. Ils correspondent souvent à des habitats existants ou disparus: Peironnelle (Pétronille), Lhéreté... plus original, le quartier dit « au cagot », forme trouvée également au pluriel, indique la présence d'un ou plusieurs de ces parias sur le territoire communal. Peut-être peut-on mettre en relation la présence d'une cagoterie avec l'existence d'une léproserie disparue au 14e siècle, comme l'a fait Gilbert Loubès pour d'autres communes gasconnes7?
D'autres noms se rapportent à la profession d'un ancien propriétaire: moulié (le meunier), laroudé (le charron), heuré (le forgeron), tanneur.
 

Les toponymes « français »

 Ce sont les plus récents. Il remontent au plus tôt au 16e siècle, période de l'introduction officielle du français dans l'administration locale. La plupart du temps ce toponymes n'ont pas plus de deux siècles en réalité, car il faut tenir compte de l'arrivée réelle de cette langue dans la population: ainsi le bois du roy semble avoir une origine assez récente (mais antérieure à la Révolution). 
 

B- Les toponymes « géographiques »

Le relief

 Les toponymes caractérisant un relief sont nombreux et sont à mettre en relation avec les collines ou avec le caractère du sol. Ainsi pédemont (pied-de-mont), tucoulet, casterot, lasclotes désignent des coteaux, en général des sommets, alors que lascahoues (« les caves ») désigne plutôt des cavités (des « grottes ») ou des zones en creux. Laspeyrères indique la présence d'un affleurement de roche, sans doute employé comme carrière, de même probablement que caillaou (le caillou).

Les cours d'eau

 D'autres noms se rapportent aux cours d'eau, en particulier aux nombreux ruisseaux: les arriouets (gasc. arriu, le ruisseau), les goutils désignent de modestes cours d'eau. Par contre le nom de plusieurs de ces cours d'eau reste obscur: Rémillou, Lubro... dans certains cas le noms du quartier à été certainement donné au ruisseau voisin: ainsi pour les ruisseaux de Saillères et de Laclaverie.

Les voies de communication

La carrère, carrerrasse, carrerot, les biasses désignent des chemins, avec des nuances qualitatives selon le type de chemins. En 1755 la communauté entretenait 26 chemins, dont plusieurs portaient un nom.

Les formations végétales

 La plupart des toponymes liés à la végétation nomment des bois: bois du roy, bosquet. D'autres noms se rapportent à l'essence principale: ainsi le bois de hêtre, le haget (à rapprocher de hajaou?). Le nom lalanne (la lande) semble se rapporter à une formation végétale basse. 

Les anthroponymes liés à un habitat

 Les anthroponymes sont les noms de personnnes (de familles souvent) qui ont donné leur nom à un quartier ou à un hameau; on peut citer le caractéristique Ricaut,  Bidaoumoulié près du quartier du moulin (Bidaoumoulié= le meunier Bidau, ou Vital en français), Menjote (diminutif de Domenge, Dominique). Le cadastre de 1830 en fournit une liste très complète, en notant qu'un groupe de deux maisons seulement suffisait à former un hameau.
 

2-5-Essai de synthèse

 L'étude sommaire des toponymes de Montégut-Arros montre une occupation dense et très ancienne: quelques rares noms attestent une occupation depuis l'antiquité et le haut moyen âge, essentiellement sur les terres fertiles de la vallée, mais la majeure partie des toponymes remontent au moyen âge et à l'époque moderne, période d'intense activité agricole.
 Les noms révèlent une occupation de tout l'espace, tant du point de vue agricole qu'humain, avec une dispersion de l'habitat qui remonte à plusieurs siècles (si elle n'a pas été permanente, malgré la tentative de regroupement dans le castelnau au bas moyen âge). Les noms en français constituent une très faible minorité, preuve de l'arrivée tardive et encore incomplète de cette langue au niveau local: bien que le français soit la langue maternelle de la plupart des habitants depuis plus d'un siècle, elle n'a pas encore réussi à imposer sa marque dans les noms de lieux.
 

Tous droits réservés par l'auteur 

Pour me contacter: abadies@aol.com


 
 

Dernière modification : 1/03/02