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Ce petit article a été publié dans le bulletin de la commune de Soublecause en 1998. Il correspondait à une demande du maire, pour faire un «bilan» rapide des sources disponibles, en vue de réaliser une monographie de cette commune. | |
ELEMENTS D’HISTOIRE DE SOUBLECAUSE
Soublecause
est un des villages qui posent un véritable casse-tête au
chercheur. Les maisons, des fermes du XVIIIe siècle pour la plupart,
s’étalent indistinctement dans la campagne, sans ordre ni limites
perceptibles. Aucune organisation de l’habitat n’est visible, sauf une
église accrochée au versant du coteau qui vient rappeler
au passant qu’il existe ici une vraie paroisse, et une vraie commune. Le
nom lui-même est une curiosité : Soublecause, sub la caussa,
c’est à dire “ sur la chaussée ” (caussa, comme dans
caussade,
vient du mot latin calceata qui désigne la voie antique empierrée).
Il n’existe donc qu’une solution pour comprendre l’origine et l’évolution
de Soublecause : raisonner en termes d’espace géographique et
historique.
Notes : Nous n’avons pu consulter pour cette monographie la série T ni les fonds révolutionnaires et les censiers, d’où un nombre important de lacunes dans notre étude. Nous
aurons à naviguer entre divers siècles. L’expression “ avant
notre ère ” désigne conventionnellement la période
antérieure au christianisme, c’est à dire 2000 ans avant
le présent.
Un
espace double ouvert dans le sens nord-sud
Soublecause
est une commune de 613 hectares, ce qui la classe parmi les communes de
taille moyenne du département. Elle est située au nord du
département des Hautes-Pyrénées, dans l’ancienne vicomté
de Rivière-Basse, canton de Castelnau-Rivière-Basse, au nord
de Maubourguet.
Cette
commune peut se partager grossièrement en deux blocs géographiques:
à l’ouest, un coteau aux reliefs vigoureux et tourmentés,
assez plat et large pour créer un petit plateau, et qui forme la
marge de la vallée de l’Adour. A l’est, une plaine inondable, assez
humide mais très fertile.
Cela
semble une évidence, mais encore faut-il rappeler que cette disposition
communale est très fréquente et utile: les habitants ont
pu ainsi depuis fort longtemps profiter des avantages des deux types de
sols et de reliefs. La colline offre une position élevée,
non inondable, facile à fortifier et à défendre, avec
des bancs irréguliers de molasses, une pierre de mauvaise qualité
mais transformable en chaux pour faire du mortier à bâtir,
et de l’argile à tuiles. Les sols bien orientés sont eux
favorables à la vigne et au maintien de réserves de bois
et de pacages. La plaine, irrigable, est favorable à la culture
des céréales, autrefois le blé froment, aujourd’hui
le maïs.
Le deuxième grand caractère de Soublecause est son ouverture nord-sud : toutes les voies principales sont orientées dans ce sens, alors que le coteau barre en partie l’accès vers l’est, et divers cours d’eau vers l’ouest. Ces voies sont extrêmement intéressantes, d’autant qu’une d’entre elles a donné son nom à l’ensemble. La première grande voie est le chemin de la poutge, qui passe au sommet du coteau. Le nom même (le gascon poutge dérive du latin podium) indique une situation élevée. La proximité de cette voie et d’une série de sites protohistoriques et antiques fait penser qu’il pourrait s’agir d’une des plus anciennes routes de Bigorre, antérieure à notre ère - même si elle est goudronnée aujourd’hui. La deuxième voie importante est la vieille route, qualifiée par endroit de poutge herré, (vieux chemin “ ferré ”, allusion aux fers des chevaux et des chaussures que l’on y perdait, ou à des remblais de scories métalliques). Elle passe au pied du coteau ; la plupart des habitations y sont encore directement reliées, car c’était la seule route de plaine avant la réalisation de l’actuelle Route Départementale 935… au 18e siècle. La proximité d’une série de sites antiques, récemment mise en valeur par le maubourguetois Sylvain Doussau, fait penser qu’il s’agit d’une route créée autour de notre ère par les gallo-romains (il y a donc environ 2000 ans). La troisième voie principale est constituée par les cours d’eau de plaine. Le principal est le canal du moulin , qui sert encore aujourd’hui à alimenter les moulins de Soublecause et celui, ruiné, de Lagrasse. Nous y reviendrons. Même si on ne pouvait pas y circuler directement, l’eau apportait de l’énergie et surtout le précieux liquide pour l’irrigation. La
dernière voie enfin est le chemin de fer, créé il
y a un siècle pour Napoléon III.
Un
espace historiquement morcelé
Il
n’est pas nécessaire de remonter bien loin pour comprendre que le
village de Soublecause fut primitivement morcelé en une série
de petits villages voisins. La surface elle-même, un peu plus de
600 hectares, donne un indice : la plupart des communes médiévales
de Bigorre contrôlaient une surface comprise entre 100 et 250 hectares,
héritage probable des domaines carolingiens. Une simple division
–qui n’a rien de scientifique mais donne une approximation- permet de supposer
qu’il existait donc trois ou quatre noyaux villageois au moyen âge.
Cette
supposition est facilement corroborée par les actes : en 1891 les
quatre villages de Soublecause, Héchac, Lagrasse et Barbazan furent
réunis pour ne former qu’une unique commune du nom de Soublecause.
Ce
n’est donc pas un, mais quatre villages qu’il faut étudier en parallèle.
Des
origines protohistoriques
Les
premiers indices archéologiques sont bien antérieurs au moyen
âge. En effet la plaine a livré au moins deux exemplaires
de haches polies en pierre.
La
première est répertoriée dans le préinventaire
de la carte archéologique, sans dimensions. Il s’agit d’une pièce
de grande taille, au profil en V, en jadéite, qui est une pierre
importée des Alpes. Elle a été trouvée au quartier
deu
pey.
(photo
d’après la carte archéologique)
La
deuxième, inédite, est une grande hache de 26 cm de longueur,
en schiste dur, qui présente la particularité d’avoir un
piquetage sur toute sa longueur, signe qu’elle n’a pas été
terminée et polie. Elle a été trouvée à
Lagrasse, dans un angle de champ.
Ces deux pièces indiquent que la plaine de Soublecause fut mise en valeur dès la plus haute antiquité. Elément curieux, la taille très importante de ces pièces les rend inutilisables, sauf dans des cas particuliers (mines…). Un préhistorien consulté a formulé deux hypothèses à ce sujet : il
peut s’agir de haches de prestige (de “ chefs ”) non destinées à
l’usage
il
existait une activité d’extraction minière dans le voisinage
(de quoi ?)
Le
deuxième indice probant se trouve sur la colline du Havet, dans
le quartier de Barbazan. Cette colline est appelée sur un ancien
terrier castera, qui est un des noms donnés au moyen âge
aux sites fortifiés. Aujourd’hui boisé, ce coteau présente
sur ses pentes des traces d’aménagements de talus. Plus encore,
sur la face accessible depuis le sommet, un énorme mur de terre
en accolade d’une douzaine de mètres de hauteur barre l’accès.
Un peu en avancée, à une centaine de mètres subsiste
un petit fragment de ce qui a pu être un second mur de terre ( ?).
Cette
gigantesque fortification, qui enserre la totalité du coteau, a
été identifiée par le chercheur Roland Coquerel comme
un éperon barré protohistorique. Il a mis en parallèle
le Havet avec des fermes du second âge du fer conservées en
Bretagne, qui présentent la même forme et le même type
de barrage en terre.
(Croquis
du mur de barrage du Havet)
Une
prospection réalisée en 1994 nous avait permis de découvrir,
à l’extrémité est, des cercles de pierre qui pourraient
receler des fosses à incinération (des “ tombes ” creusées,
où les restes des défunts incinérés étaient
enterrés).
Résumons
ces données : vers le deuxième âge du fer ( ?), c’est
à dire avant notre ère et avant la conquête romaine,
la colline du Havet fut aménagée pour fortifier son sommet.
Une petite population autochtone s’y installa, et exploita la plaine qui
se trouvait à ses pieds, peut-être pour l’agriculture. On
ne peut malheureusement en dire plus actuellement, ni sur ces hommes, ni
sur les datations.
Des
traces antiques nombreuses
L’occupation
“gallo-romaine ”, c’est à dire celle qui commence vers –50 avant
notre ère avec la conquête de notre région par les
troupes du romain Crassus, est plus riche en renseignements.
Nous
avons parlé de la route qui passe au pied du coteau. D’après
plusieurs chercheurs, cette voie aurait été réalisée
au début de cette période. Sylvain Doussau l’intègre
même à un vaste parcellaire qui aurait découpé
toute la plaine pour une exploitation agricole rationnelle, ce qui est
très possible.
Le
premier vrai indice est donné par les noms de lieu ; les noms de
Hechac
et
de Barbazan rappellent probablement les noms de propriétaires
gallo-romains de ces terres. Hechac serait ainsi un lointain dérivé
d’un nommé Fexus, auquel on aurait accolé le nom de propriété
–ac(um) : Fexacum, le domaine de Fexus ( ?). De même pour Barbazan,
qui serait dérivé de Barbatius + -an(um) : Barbatianum, le
domaine de Barbatius. Le nom se serait ainsi conservé pendant toute
l’antiquité et le moyen âge, pour devenir le nom du village
installé sur ces terres. Cette hypothèse est corroborée
par la proximité de la poutge, qui aurait pu servir de voie
d’accès.
Le
deuxième indice est archéologique. A l’est du quartier de
Hechac, près d’une plateforme de château médiéval,
Roland Coquerel a retrouvé des traces d’un habitat antique (malheureusement
non localisées avec précision ni décrites).
Le troisième indice archéologique est lui indubitable ; dans la plaine, au quartier de Lagrasse, un léger mamelon pierreux de teinte foncée atteste la présence d’une villa gallo-romaine enfouie. Ce mamelon fait une cinquantaine de mètres de diamètre, pour une trentaine de centimètres de hauteur. Sylvain Doussau a signalé cette villa dès 1979. Il y a retrouvé des traces de toiture (des tegulae et des imbrices), des tesselles de mosaïque, des fragments d’amphores, des tessons de poterie (en particulier d’une céramique de qualité dite sigillée), et quelques monnaies allant de Claude Ier à Constantin (c’est à dire des environs de notre ère jusqu’au milieu du IVe siècle). On nous y a signalé également la découverte de deux fragments de marbre. Les
récentes pluies permettent de préciser un peu la configuration
de cette villa, avec la présence de fonds de cabane à l’est
du site principal (ateliers ?) et la présence possible d’un chemin
reliant la villa à la vieille route ( ?).
Résumons
l’ensemble de ces éléments ; dès le premier siècle
au moins une population “ latinisée ” a exploité l’ensemble
du territoire de la future commune, tant en plaine que sur les hauteurs.
Des domaines agricoles se sont installés, avec des propriétaires
fonciers importants. Le principal domaine est marqué par la villa
de Lagrasse, qui semble avoir fonctionné jusqu’au IVe siècle
au moins, avec des éléments de luxe (marbre, mosaïque…)
qui indiquent une certaine aisance des propriétaires, et donc sans
doute que le domaine exploitée était de taille importante.
Le
haut moyen âge
Le
haut moyen âge, c’est à dire la période qui s’étend
du 5e siècle de notre ère jusqu’à l’an
mil, est très mal connu dans notre région. Les documents
écrits sont rarissimes, et les vestiges matériels rares,
pauvres, et difficiles à déceler.
Sylvain
Doussau a signalé la découverte à Lagrasse de tombeaux
de pierre (sans autre précision), qui pourraient être des
sarcophages d’époque franque ou mérovingienne (du 6e
au 8e siècle). Notons cependant que ces sarcophages furent
remployés pendant tout le moyen âge, on ne peut donc exclure
un déplacement et un remploi pour le cimetière médiéval
du village de Lagrasse.
Nous
avons pu également observer deux tessons de céramique trouvés
sur l’emplacement de la villa, de teinte noirâtre, à la pâte
bien cuite et à dégraissant grossier, qui pourraient appartenir
à cette période (s’il ne s’agit pas de fragments céramiques
antiques de tradition locale).
Signalons
enfin que la chapelle de Héchac est dédiée à
Saint Martin, un des premiers saints du haut moyen âge. On ne peut
exclure a priori la présence d’une église antérieure
de cette période qui aurait eu cette titulature.
On
ne peut dire rien de certain. Tout au plus peut-on supposer une continuité
de site entre l’occupation antique (la villa) et l’occupation du haut moyen
âge (les sarcophages), qui ne pourrait être confirmée
que par la fouille.
Un
moyen âge riche mais mal connu
Le
moyen âge, c’est à dire la période qui va de l’an mil
à l’an 1500 environ, est un peu mieux connue que les précédentes,
car apparaissent alors les premiers actes écrits (en latin), et
des vestiges archéologiques conséquents. Au début
de cette période, apparaissent un peu partout des petits seigneurs
locaux qui se “ taillent un fief ” et bâtissent les premiers châteaux,
de terre et de bois. Fréquemment aussi, les églises, bâties
et rebâties, fixèrent les habitants alentour dans l’enclos
de leur cimetière. Parfois des seigneurs accaparèrent les
dîmes de ces églises, ainsi que le droit de nommer le curé
(patronage) ; on appela ces seigneurs des abbés laïcs, des
abbadies.
Pour
des raisons pratiques nous étudierons séparément les
quatre villages qui sont alors installés sur le territoire de Soublecause.
BARBAZAN
Le
village ( ?) de Barbazan est le plus mystérieux des quatre. Aucun
document écrit ne vient actuellement nous éclairer sur cet
habitat, ni sur ses seigneurs. Le nom de lieu indique la colline du Havet,
celle qui porte le camp protohistorique. Lors d’une prospection à
pied en 1994 nous y avions retrouvé un unique tesson médiéval
bicolore (à cuisson oxydoréductrice : XIIIe sièce
?) au pied du mur de terre. Nous avions également noté que
le mur de terre protohistorique a été aménagé
tardivement, par une large échancrure en son centre. Peut-être
s’agit-il là d’un aménagement médiéval. Nous
ne pouvons en dire plus actuellement.
LAGRASSE
Le
village de Lagrasse est à peine moins mal connu. La partie principale
de la villa gallo-romaine a livré quelques tessons de céramique
blanche (12e au 14e siècle) et de la céramique
vernissée verte et jaunes du 15e siècle. Ces tessons
indiquent que le village médiéval se trouvait installé
probablement dans les ruines de la villa antique dont il remploya peut-être
les murs et les matériaux.
Nous
ne savons presque rien des seigneurs de Lagrasse au moyen âge: Bernard,
seigneur de Lagrasse, faisait partie de la cour majour de Rivière-Basse
en 1412 (Glanages, VI, 74). Bertrand de Buros était seigneur
en 1495, témoin d’une procuration du seigneur de Hechac (Glanages,
XI, 11). Le village de Buros se trouve en Béarn, près de
Morlaas, mais je ne sais comment ce Bernard devint seigneur en Rivière
Basse.
HECHAC
Le village de Hechac est un peu mieux documenté. Une
église de Fissag (le nom primitif non “ déformé ”
qui donna Héchac) est citée en 1039 dans le cartulaire de
l’abbaye de Madiran. Cette mention indique qu’autour de l’an mil une petite
communauté existait là, assez importante pour posséder
une église et entretenir un prêtre. L’église existe
toujours en 1342 (ecclesia de Fixaco), où elle est citée
comme église paroissiale. L’emplacement de cette église romane
n’est pas connu, sans doute est-elle ensevelie sous l’église actuelle.
Nous n’avons pu retrouver actuellement de documents écrits plus précis concernant cette communauté. L’archéologie par contre nous fait connaître l’emplacement du logis seigneurial ; à l’est de l’église moderne, à environ 600 mètres, en bordure de coteau (en position d’observation), se dresse encore une modeste plate forme de terre quadrangulaire, bordée de fossés doubles. Une motte de terre se dressait à l’angle nord-ouest de cette plateforme. Plusieurs détails intéressants subsistent sur ce site archéologique : les fossés, ceux côté est du moins, sont maçonnés en galets et mortiers ; un puits moderne est installé au centre de la plateforme, ainsi que des arases de murs d’une ferme moderne. On
ne peut que regretter la disparition de la motte, qui nous aurait donné
des indications précieuses. Ces mottes de terre servaient à
soutenir les premiers donjons seigneuriaux, en bois. La majorité
furent construites en la fin du 10e siècle et le début
du 13e siècle, ce qui donne une fourchette de datation
large pour ce site de Hechac. Du moins avons nous la certitude qu’une famille
seigneuriale locale s’implanta là.
(Relevé
du château de Hechac)
La
documentation est laconique jusqu’au 15e siècle. Heureusement,
les documents sont plus nombreux dans ce siècle, et permettent de
connaître les noms des maîtres du village. Les seigneurs étaient
alors les sires de Saint-Lanne, originaires du village du même nom,
qui possédaient aussi le village et le château de Hagedet.
A Hechac ils étaient abadies : ils recevaient en revenu les
dîmes de l’église, et nommaient les curés de la paroisse,
qu’ils présentaient à l’évêque de Tarbes.
C’est ainsi qu’en 1462 Ramon-Bernat de Saint-Lanne, seigneur de Hechac, fit nommer par l’évêque Auger de Saint Lanne à la cure de l’église (il s’agissait peut-être de son frère). En
1483 il fit nommer à ce poste Raymond de Fourcade (Ramundus de
Furcata) (Glanages, XI, 124-125).
En
1495 un conflit éclata contre ce Raymond-Bernard. Un prêtre
du nom de Bernard de Beaulat intenta une procédure au nom de sa
belle-sœur, Blanque de Canet, veuve de Terso de Beaulat, titré seigneur
de Héchac, et mère de Jeanne d’Abéron, dame de Hechac
(de Fizaco). Je ne sais ce qu’il se passa alors. Sans doute la seigneurie
était-elle alors partagée entre ce Terso de Beaulat et Ramon-Bernat
de Saint-Lanne, ce qui créa le conflit à la mort du premier
(cela se régla par un mariage entre héritiers). Ramon-Bernat
de Saint Lanne mourut en 1501. Il laissait dix héritiers.
SOUBLECAUSE
Soublecause
est le principal village, il donna son nom à l’ensemble.
Un unique site archéologique permet de situer l’origine médiévale de Soublecause. Il s’agit de l’église paroissiale. L’église Saint André actuelle est du 18e et 19e siècle, mais elle repose sur un site manifestement médiéval. Le
site en lui-même est très curieux : un éperon de terre,
taluté sur trois côtés sur une dizaine de mètres
de hauteur. D’en bas, ce cône ressemble tout à fait à
une motte castrale, (avec en plus une cavité artificielle percée
à sa base). L’église même ne livre aucun indice.
De plus, le lieu sur lequel est installé l’église s’appelle franclieu. Je ne sais cependant si c’est parce que cet endroit possédait une franchise (d’où le franc-lieu), ou s’il pris ce nom à cause des seigneurs du même nom qui en furent tardivement propriétaires. La présence de ce clocher-donjon médiéval entraîne deux hypothèses : Soit
le clocher était un vrai donjon, et l’église était
la chapelle du château, qui devint église paroissiale et finit
par “ avaler ” le château abandonné. On peut supposer aussi
que le donjon abritait l’abbé laïc (voir ci-dessous).
Soit
le clocher était un vrai clocher fortifié, et alors l’église
faisait à la fois office de lieu de culte et de fortification pour
protéger la population en cas de danger.
Il
est évident de toute façon que ce site servait à contrôler
la route située immédiatement en contrebas (pour lever un
péage ?). La position dominante donna le nom : sub la caussa,
au dessus de la route.
Le
premier seigneur connu de Soublecause, Arnaud Guilhem de Hagedet, en 1400,
nomma Maître Dominique de Pindre à la cure de cette paroisse.
Cette mention et d’autres plus tardives nous prouvent que Soublecause était
comme Héchac une abbaye laïque, une abbadie, ce qui correspond
bien avec cette église médiévale fortifiée
seule répertoriée. Il existait apparemment aussi une
seigneurie laïque, puisque en 1511 deux frères étaient
seigneurs, l’un de l’abbadie, l’autre de la seigneurie.
Soublecause
s’étendait dans la plaine à la fin du moyen âge, car
dans cette seigneurie se trouvait inclus un moulin : en 1455, Bernard de
Saint-Lanne, seigneur de Hagedet et de Soublecause, négocia avec
Auger de Lacaissagne, seigneur de Caussade, le creusement d’un canal permettant
d’alimenter en eau le moulin de Soublecause (Larcher, Glanages,
t.XI, p.124 sq.). Le moulin actuel en est sans doute le lointain descendant.
L’époque
moderne
L’époque
moderne s’étend des environs de 1500 à la Révolution
française. La documentation devient ici assez riche, et on peut
suivre la généalogie des seigneurs de Soublecause et Hechac,
ainsi que quelques anecdotes concernant les habitants. Lagrasse n’est plus
documenté, qui dut intégrer la seigneurie de Soublecause
( ?). Nous ne presque savons rien pour Barbazan, sinon qu’à la fin
du XVIIe siècle ces terres étaient intégrées
à Soublecause, et furent comprises dans le marquisat érigé
en 1765 (tous nos renseignements généalogiques sont tirés
du travail de A. de Piémontois. S’y reporter pour plus de détails).
HECHAC
Arnaud-Guilhem de Saint-Lanne était coseigneur de Hechac avec Jeanne de Leberon vers 1510, dont il épousa la sœur . Ils se partagèrent équitablement la seigneurie et les bois de Hechac. Sa fille Catherine épousa en 1512 Bernard du Mouret, seigneur de Montus. La
seigneurie passa ensuite aux seigneurs de Soublecause, à une date
indéterminée (avant 1681).
L’église
de Hechac date en partie au moins du XVIIe siècle, comme le révèlent
la porte d’entrée et la maçonnerie. A . Duffourc (RHP 1921)
signale deux baux à besogne concernant la réparation de l’église
: en 1659 le curé Guillaume Dabat et le marguillier Ramonet Bruzon
commandèrent à deux charpentiers de Hechac et Hagedet la
réparation de la voûte de l’église, de la balustrade,
des fonts baptismaux et de l’autel Sainte Catherine , le tout pour la somme
de 69 livres. En 1661, la boiserie réparée, il fut commandé
à un peintre de Lescar de décorer le tout pour la somme de
260 livres. Un curieux document nous apprend que le curé Dabat de
Hechac, qui avait vendu deux tonneaux de vin à ce peintre, réclama
auprès d’un homme de loi de Lascazères car le peintre n’avait
pas payé ni retiré ce vin qui risquait de piquer en fût.
SOUBLECAUSE
En 1501 Jean de Saint-Lanne devint par héritage coseigneur de Soublecause. Il le resta jusqu’en 1548. en 1538 il obtint (l’autre ?) moitié de son frère. En 1547, ayant contracté des dettes auprès du chapitre cathédral de Tarbes, il ne put rembourser, et fut détenu dans les geôles de l’évêché. Son cousin germain Bernard de Saint Lanne, curé de Pontiac et de Soublecause, partit à cheval à Tarbes et paya les dettes de son cousin. Celui-ci, gravement malade, ne survécut guère à l’épreuve. Bernard de Saint-Lanne racheta les droits sur Soublecause à la veuve, et devint ainsi seigneur de la communauté. En
1511,le frère de Jean, Arnaud-Guilhem, coseigneur de Hechac, était
abbé laïc de Soublecause. Il nomma curé un moine de
Madiran.
Les
textes ne sont pas très clairs ici. Le frère aîné
de Jean et Arnaud-Guilhem, Bertrand, est aussi mentionné à
plusieurs reprises seigneur de la moitié de Soublecause. Il donna
à son frère Jean cette moitié en 1538, jusqu’à
la somme de 140 écus, correspondant sans doute à des dettes.
Il mourut vers 1544. De sa femme Catherine d’Asté il eut une fille,
Barthélémie, qui possédait notamment la moitié
de Soublecause et le moulin. Les problèmes de succession qui s’ensuivirent
nous font connaître en 1560 la présence d’un notaire à
Soublecause, Maître Anthoine Fabas.
Jourdain de Lalanne racheta la totalité de la seigneurie avant 1590. A cette date il nomme à la cure de Soublecause Pierre de Pomian, du diocèse de Lescar. Ce seigneur possédait de nombreuse autres seigneuries dans la région de Lembeye. Ses fils Jean et Simon-Roger lui succédèrent. Le premier décéda en 1635 après deux mariages malheureux. Le second fut seigneur de Soublecause, il épousa Paule de Cardaillac, et eut trois enfants. Seule Suzanne se maria, à Paul de Busca, qui hérita de tout en 1652. Un
épisode intéressant est rapporté en 1649. Les seigneur
de Soublecause, endetté, avait négligé de payer le
receveur des dîmes pour l’abbaye laïque de l’église du
village Saint André. En 1648 celui-ci saisit une pièce de
terre à la côte. L’année suivante, ici fit envoyer
des gardes de Madiran pour mettre le séquestre sur les récoltes
du village. Les habitants de Soublecause n’apprécièrent guère
cette précaution : “ seroient survenus et arrivés là
les nommés Saint-Bonnet, Sarrouilha, Pécostau, Lafitau, et
beaucoup d’autres incoignus, armés d’espées, fusilhs, bastons
et fourches, envoyés et mandés là, suyvant qu’ils
ont déclaré, par ledit Sr de Saint-Jean, pour empescher et
repousser lesdits sequestres et n’emporter lesdits fruits et gerbes ; Et
arrivés là, auroient tout d’un coup de colère et malice,
ayant leurs espées nues à la main, sautté sur lesdits
Pondic, Nabonne, Dartigues et consorts, lesquels ils auroient battus et
frappés sur leurs reins et espaules et sur leurs bras à grands
coups de bastons et fourches et notamment du plat de leurs espées,
que aussi de la poincte de leurs fusilhs ; en telle sorte que lesdits Nabonne
et Terrade auroient été blessés aux mains et aux bras
; tellement que les séquestres, se voyant ainsi maltraités
et menacés encore d’estre tués et estropiés, auroient
esté contraincts de se retirer ”.
A Pierre de Busca succéda Simon, qui vendit en 1681 la seigneurie à son frère Jean-Antoine pour 500 livres de rente. Nous apprenons à cette occasion qu’il existait une tuilerie dont le seigneur retirait un bénéfice, et des métairies à Hechac et au Havet. Jean-Antoine céda, lui, Hechac à son frère, contre une autre rente annuelle. Jean
de Busca leur succéda, et décéda sans enfant. Les
terres passèrent à son beau-frère, le comte de Pasquier
de Franclieu. Les Franclieu conservèrent ainsi Soublecause jusqu’à
la Révolution.
L’intendant
de la généralité de Gascogne, d’Etigny, dans les années
1760, fit réaliser l’actuelle RD935, grâce à des corvées
réalisées par les habitants eux-mêmes. Les récriminations
furent nombreuses, mais la route terminée, reliant Vic-Bigorre à
Aire-sur-Adour , large et bordée de noyers, fut une vraie réussite,
bien plus pratique que la vieille route.
En
1765 le marquis de Franclieu, pour éviter un risque d’aliénation
de ses terres, fit unir par lettre patente du roi en marquisat les terres
de Lascazères, Hagedet, Soulecause, Barbazan, Hichac, Caussade
et Estirac. Ce marquisat rapportait alors 12000 livres de rente annuelle.
Les
archives permettent de suivre l’évolution globale de la population
du village. Le 18e siècle fut un siècle riche,
car la population augmenta régulièrement jusqu’aux années
1860 : 25 feux (maisons habitées) en 1713, 28 feux et 144 habitants
en 1741, 155 communiants en 1783, 440 habitants vers 1795.
L’union
du XIXe siècle
Les
marquis de Franclieu conservèrent la seigneurie de Soublecause jusque
sous le Second Empire. La République, en 1875, mit fin à
leurs privilèges. La documentation pour ce siècle est ici
plus riche et plus diversifiée.
Du point de vue technique, plusieurs points sont à noter : un premier cadastre dessiné, en couleur, fut réalisé en 1813, par ordre de Napoléon. Il est conservé à la mairie. Dans
les années 1860, la voie de chemin de fer fut construite pour l’empereur
Napoléon III et son épouse, désirant se rendre aux
bains à Barèges. Cette voie fut ensuite utilisée par
les bigourdans pour leurs transports personnels dès le début
de notre siècle. La gare se trouvait à Castelnau.
Le
16 avril 1891, par décret de la République, les communautés
de Hechac, Soublecause, Lagrasse et Barbazan furent réunis en une
seule entité… qui est l’actuelle commune de Soublecause. Cet acte
marque la naissance de la commune moderne.
La
population villageoise augmenta régulièrement au 19e
siècle : 495 habitants en 1806, 516 habitants en 1861, 507 habitants
en 1867. Cette date marque un maximum : dans les années 1850-1860
les campagnes sont un “ monde plein ”, la population y est trop nombreuse
pour les capacités agricoles. En 1866, à côté
des nombreux agriculteurs, on compte quatre maçons, trois tisserands,
des tuiliers, des chaufourniers –fabriquant de la chaux etc.
Rapidement,
les cadets de famille sans le sou et les plus pauvres partirent vers la
ville, pour être ouvriers dans les premières usines ou artisans.
D’autres tentèrent l’aventure aux Amériques : on estime à
près de 20000 les basques et les gascons partis faire fortune de
l’autre côté de l’Atlantique.
A Soublecause même cet exode rural se fit lourdement sentir : 407 habitants en 1886, et en 1911 on ne compte plus que 330 habitants, près de la moitié de la population de 1867. En
1975, après un siècle de dépopulation, il n’en reste
que 160, et le mouvement commence à peine à s’inverser…
EPILOGUE
Nous
arrêtons notre étude au tournant du 20e siècle.
Ici l’histoire du village appartient à ses habitants, et nous devons
nous effacer devant eux. J’espère que cette modeste incursion dans
le passé de cette commune aura réveillé l’intérêt
des habitants et des curieux pour son patrimoine archéologique,
monumental et historique. D’autres recherches devraient cependant être
effectuées dans les archives pour avoir une vision un peu moins
lacunaire de l’histoire et de l’archéologie de Soublecause.
Le
patrimoine doit être protégé et entretenu par tous
pour pouvoir être transmis aux générations futures.
Stéphane
ABADIE, le 28 mai 1998.
Bibliographie :
ABADIE (Stéphane), ALLABERT (Stéphane), PEREZ (Jérôme), CHAMBON (Fabrice), Prospection de mottes castrales dans le canton de Castelnau-Rivière-Basse, mémoire de licence inédit, avril 1994 DUFFOURC (A.), Hechac, Revue des Hautes-Pyrénées 1921 LEJOSNE (L.A.), Dictionnaire topographique des Hautes-Pyrénées, rééd. 1992 CABANOT (Jean), La Rivière-Basse, congrès archéologique de France 1970 CHAMBON (Fabrice), maîtrise d’archéologie sur les cantons de Castelnau et Maubourguet, Toulouse 1995 COQUEREL (Roland), LABROUSSE (Michel), Oppida et camps, congrès National des Sociétés Savantes, Pau 1969 OMNES (Jacques), Préhistoire des Hautes Pyrénées, ass. G. Mauran 1987 PIEMONTOIS
(A. de), Notice généalogique sur les seigneurs de Hagedet-Lascazères,
Tarbes 1913
Croquis
de la “ motte ” de Franclieu et son église. Le cimetière
moderne a été installé un peu à l’écart
du fait du manque de place sur la plateforme contenant l’église.
Un fossé devait initialement protéger entièrement
l’édifice, aujourd’hui comblé par le chemin moderne.
Les seigneurs de Soublecause, (état des recherches) :
Les
seigneurs de Lagrasse :
1412 Bernard de Lagrasse 1495
Bertrand de Burosse ou Buros
Les
seigneurs de Hechac :
1462 Ramon-Bernat de Saint-Lanne, sire de Hagedet et autres places ; meurt en 1501 1495 Raymond-Bernard de Saint-Lanne et Terso de Beaulat 1501 Jeanne de Leberon, dame de Hechac, épouse Augerot de Bourouillan. Sa sœur Jeanne épouse Arnaud-Guilhem de Saint-Lanne, coseigneur. 1512 Catherine de Saint Lanne, épouse de Bernard de Mored, seigneur de Montus. V.1660
Jean-Antoine de Lalanne seigneur de Hechac
Les
seigneurs de Soublecause :
1400 Arnaud Guilhem de Hagedet 1455 Ramon-Bernat de Saint-Lanne 1501 Joannet de Saint-Lanne, coseigneur, épouse Jeanne de Thullo, meurt en 1547 1501 Bertand de Saint Lanne, coseigneur, vend sa part en 1538, meurt vers 1544 1511 Arnaud-Guilhem de Soublecause, abbé laïc, coseigneur de Hechac 1547 Jeanne de Thullo, vend les droits de son ex-mari à 1548 Bernard de Saint Lanne, curé de Pontiac et Soublecause, coseigneur de Soublecause, testa en 1569 en faveur de v.1546 Barthélémie de Saint Lanne, fille de Bertrand, possède la moitié de Soublecause et le moulin. Epouse N. de Pomiez seigneur d’Arrimblez. Meurt en 1575 1572 Isabeau de Pomiès, épouse Jean de Caranné V.1576 Jourdain de Lalanne, par rachat de dettes v.1600 Simon-Roger de Lalanne. Epouse Paule de Cardaillac. Meurt en 1652 V.1637 Suzanne de Lalanne. Epouse en 1637 Pierre de Busca, qui devient seigneur de Soublecause 1652 Pierre de Busca. Meurt en 1681 1665 Simon de Busca, épouse Françoise-Aimée de rivière en 1666. Meurt en 1709 1681 Jean-Antoine de Busca, frère du précédent. Soldat, tué à Namur en 1694 V. 1694 Jean, fils de Simon. Epouse Philippe Duplaa. Meurt en 1712 1717 François de Busca. Décède en 1726 à Paris 1726 Laurent Jacques Pierre Charles de Pasquier de Franclieu, épouse Louise de Busca. Meurt en 1746 1746
Jean François Anselme de Lascazères, comte de Franclieu (1735-1804),
épouse Marie de Belleval. Frère de
Louis
Henri Camille de Pasquier de Lascazères, comte de Franclieu (1763-1832),
épouse Jacqueline Flusin
Jean
Baptiste Madeleine Isidore Charles Laurent de Pasquier de Lascazères,
marquis de Franclieu, (frère de Jean François Anselme), épouse
Marie de Runel
Jean
Antoine Louis de Pasquier, son fils, émigré pendant la révolution,
épouse Charlotte Suzanne Pauline de Nolivos en 1803. Le premier
décède en 1839, la seconde en 1840.
Charles
Paul Alexandre de Pasquier de Lascazères, marquis de Franclieu,
né d’un 2e mariage de Louis Henri Camille (1810-1877)
.
Etc.
(D’après
A. de Piémontois, 1913, et les Mémoires de la chanoinesse
de Franclieu)
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