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Monographie de Montégut-Arros (Gers) | |
8-5-La vie religieuse 8-5-1-Le prêtre On ne possède pas de mention d'un prêtre avant le
17e siècle. Auparavant, il est probable que le prêtre desservait,
outre l'église paroissiale, l'église de la Carce et peut-être
la chapelle du Lurus, si elle existait encore.
La dîme ecclésiastique était sans doute initialement prélevée au profit du prêtre et pour son entretien, du moins le quart qui revenait au desservant, la portion congrue. Avant le milieu du 16e siècle la dîme fut donnée avec les carnalages1 aux moines de Saint-Sever, qui le conservèrent jusqu'à la Révolution. De ce fait, la communauté fut obligée de payer le
prêtre pour que le service divin soit assuré, ce qui ne se
fit pas sans mal. C'est ainsi qu'en 1681 le curé Dominique Pradère
réclama 150 livres d'arriérés sur ses émoluments.
« Mr le desservant sous-signé s'oblige tant en son nom
qu'en celui de ses successeurs dans la paroisse, après en avoir
obtenu l'autorisation de ses supérieurs, moyennant la somme de trois
cents francs que le conseil municipal s'impose extraordinairement, à
continuer le double service et à faire abandon de tous droits casuels.
Par casuel il entend les enterrements, les mariages, bapthesmes, cérémonie
des relevailles et publications de mariage. Aux enterrements des grandes
personnes, la cire appartiendra aux perdants selon l'usage, à l'exception
de deux cierges qui resteront au bénéfice de l'église.
Les cierges de 1ère communion, de mariage et de baptême appartiendront
à Mr le desservant et les messes soit d'enterrement soit d'anniversaires,
de mariage etc lui seront payées selon la coutume qui est conforme
au tarif du diocèse.
En 1840, le prêtre Joseph Esparros rapporte que son traitement annuel est de 800 francs. Il explique également que jusqu'alors le casuel est payé en nature, chaque propriétaire versant une mesure de blé par paire de boeufs possédé, et une mesure de vin. Mais comme plusieurs propriétaires ne donnent rien et que la « récolte » de ces produits cause de grands tracas, il demande à être payé en argent (ce qui semble indiquer que l'accord de 1838, ci-dessus, ne fut pas appliqué immédiatement). Le prêtre était logé au 18e siècle
dans un presbytère près de l'Arros. Délabré
dans les années 1760-1770, les travaux donnèrent lieu à
un conflit entre les consuls et le prêtre, qui refusait de payer
une partie des travaux. Ce presbytère fut vendu vers 1791 comme
bien national. Le prêtre fut mis en loyer jusque dans les années
1840, date de l'achat d'un nouveau presbytère par la commune, mais
le prêtre dut partager sa nouvelle demeure avec l'instituteur, ce
qui entraîna un nouveau conflit.
Les prêtres de Montégut (d'après mentions documentaires retrouvées): 1681: Dominique Pradère
8-5-2-Les assistants du prêtre Au 18e siècle, les registre paroissiaux révèlent ponctuellement la présence d'un adjoint (un vicaire) qui assistait le prêtre dans sa charge. Un domestique est également mentionné en 1818. Un sonneur de cloche était nommé annuellement, à
la fin du 19e siècle. Il était chargé de sonner les
cloches, de balayer l'église, de creuser les fosses et d'entretenir
le cimetière.
« Arrêté du conseil municipal de la commune de Montégut-Arros , relatif aux clauses et conditions imposées au sieur Mailles Grégoire carillonneur et fossoyeur dudit lieu, pris le 18 février 1872. Etaient présents à la séance M.M. Bergez Léon, Bergez Dominique, Lucantis Jean, Sorbet Benoît, Pujos Jean-Marie, Castay Arnaud, Journé Piere et Duffard Lucien maire. Art.1er: Le sieur Mailles Grégoire Thomas , sera tenu de déboucher chaque fois qu'il sera utile pendant tout le temps qu'il gardera les fonctions qu'il occupe, les tuyaux qui servent d'aqueduc pour l'écoulement des eaux et d'approfondir le fossé du nord de la cote de l'église partant du chemin du Lurus, près la croix de la commune jusqu'au pont traversant le ruisseau de Lamerilles s'il y a lieu. S'il survenait des éboulements, il ne sera pas tenu au déblaiement. Art.2: Il sera également tenu des soins du cimetière où reposent les dépouilles mortelles des personnes décédées dans la commune de toutes les maisons anciennes et en partie des nouvelles, de clôturer les issues ou les animaux pourraient y entrer de toute espèce devant fouler les cendres des morts que le monde civilisé respecte, même les barbares; il sera appliquée une amende à tout chef de maison, que le conseil municipal déterminera contre tout délinquant qui sera surpris ayant des animaux dans ce lieu. Art.3: Le fossoyeur sera également tenu des soins des fosses chaque fois qu'il y aura des excavations par suite suite du resserrement des terres, les aplanir, et de faucher l'herbe deux ou trois fois par an au moins, et d'émonder les haies à temps et bien. Art.4: Le conseil municipal a décidé pour rédemer [rémunérer] le dit Mailles lui fixer les prestations en nature pour le soin qu'il devra prendre des tuyaux qui se trouvent dans la dite cote, sur toute sa longueur, bien compris ses prestations, il lui concède en outre tout le résidu provenant des haies de cloture du cimetière, en le tenant toujours hermétiquement fermé. À Montégut le 18 février 1872.
En 1884 l'adjudicataire pour 1883-1884, le même Mailhes, refusa de payer les 110 francs qu'il avait promis de donner à la commission de secours sous le prétexte qu'un membre du conseil municipal l'avait forcé à enchérir. Ce prétexte fallacieux (d'autant plus que l'adjudication était verbale et n'avait pas été recopiée sur les registres communaux ou de la fabrique) suffit pour décourager temporairement les membres du conseil municipal, qui ne purent le forcer au paiement (P.V. Du 13 juillet 1884). Le juge de paix de Miélan, dépêché, ne put raisonner le sonneur, même en proposant un arrangement à l'amiable, et le paiement de seulement la moitié de la somme promise. Il fut finalement poursuivi en justice. Le 14 septembre 1884 François Bertin fut nommé à ce poste, après enchères à la bougie, en remplacement du sonneur indélicat. En 1893, un crédit de 60 francs existait également
pour un chantre de l'église, somme versée par la commune.
L'instituteur occupait en général cet office: il entraînait
les enfants qui formaient une sorte de chorale communale dans les années
1830-1840.
8-5-3-La fabrique paroissiale La fabrique était une sorte d'association chargée
de la gestion courante et de l'entretien de l'église paroissiale.
Elle s'occupait de l'achat du mobilier, de l'entretien (du luminaire, des
chaises...) et des réparations. Elle était dirigée
par le curé de la paroisse, qui surveillait notamment les comptes,
dont les doubles étaient envoyés à l'évêché
au 19e siècle2.
Son rôle fut important dans les années 1830-1870,
lorsque furent entrepris les travaux de restauration du bâtiment.
Un extrait de registre de fabrique daté de 1853 indique l'urgence
des travaux à effectuer alors:
L'an mil huit cent cinquante trois et le huitième jour du mois de mai, le conseil de fabrique de l'église de Montégut-Arros, s'est réuni extraordinairement à la sacristie sous la présidence de Monsieur Forgues, légionnaire. Cette séance a été autorisée par Monseigneur l'archevêque lors de sa visite pastorale à Montégut, sur la demande de Mr le desservant. Etaient présents M.M. Forgues président, Mailles Jean Marie secrétaire, Léro Louis trésorier, Mailles Jean maire, Dours, Fargue Guillaume et Duffard, desservant. Depuis longtemps la nécessité de certaines grosses
réparations à l'église, telles que carrelage, vitrage
et renouvellement du lambris se faisant sentir et avait été
comprise par la fabrique. Force avait toujours été d'ajourner
ces travaux, les fonds manquant. Aujourd'hui l'urgence de ces réparations
ne permettant plus d'en différer l'exécution, la fabrique
voulant d'ailleurs se conformer au désir de Monseigneur l'archeveque
qui dans sa tournée générale a été amené
de remarquer la nécessité de ce travail et l'a conseillé,
a délibéré sur les moyens à prendre pour faire
exécuter ces travaux. Après examen fait des ressources qu'elle
possède, reconnaissant qu'elles sont insuffisantes vu qu'a peine
elles suffisent à l'entretien ordinaire du cathé[...], a
été d'avis de s'adresser au conseil de la commune et de lui
faire une demande de fonds suffisants afin que lesdits travaux puissant
s'exécuter.
Les marguilliers de la fabrique réalisaient ou faisaient réaliser les devis, suivaient l'exécution des travaux, assistaient le prêtre dans ses démarches si nécessaire. Les revenus de cette fabrique étaient limités. Les
chaises et bancs de la nef étaient loués à l'année
par les paroissiens et faisaient l'objet d'un bail à ferme (bail
de six ans) à son profit. Cette location rapportait 150 francs en
1840, somme assez modeste. En 1817 la fabrique dut trouver un arrangement
(paiement en nature, échelonnement...) avec des habitants qui ne
payaient pas la location de leurs chaises. En juillet 1885 le fermier des
bancs, qui ne respectait pas ses engagements, fut mis en procès.
La fabrique avait également un rôle moral, dans la mesure où elle représentait avec le prêtre la communauté des croyants de la paroisse. C'est ainsi qu'en 1839, le curé et le conseil de fabrique, scandalisés de devoir partager le nouveau presbytère avec un laïc, déposèrent une pétition auprès du préfet du Gers et de l'évêque d'Auch. En 1907, le bureau de bienfaisance revendiqua les biens et revenus de la fabrique paroissiale dissoute suite à la loi de séparation de l'église et de l'Etat de 1905. Il existait probablement une autre fabrique (ou une annexe) à
la chapelle de la Carce, car deux marguilliers y sont mentionnés
dans les années 1760.
8-5-4-Les pratiques religieuses Les confréries du village Il existait plusieurs confréries à Montégut. Ces confréries rassemblaient des habitants du village dans des sortes d'associations cultuelles, qui avaient à la fois pour objectif de développer un culte particulier et de favoriser l'entraide entre les confrères. Très souvent, les membres assistaient un confrère mourant, organisaient ses obsèques, voire prenaient en charge sa veuve et ses enfants si nécessaire. Une confrérie Notre-Dame est signalée en 1523 dans le testament d'Arnaud Arroy, qui lui lègue douze ardits, juste après un legs à la cathédrale de Tarbes. Cette confrérie remontait probablement au moyen-âge, on en trouve encore trace dans les registres de marguilliers vers 1660. Elle disparaît ensuite, on n'en trouve aucune mention après la révolution française. Il faut attendre le 19e siècle et le renouveau religieux pour voir refleurir les confréries, qui sont essentiellement destinées à encadrer les pratiques religieuses et à créer des « groupes d'entraide » entre paroissiens. Le 17 novembre 1840, Mgr de La Croix, archevêque d'Auch, autorise la création de la confrérie du Saint-Scapulaire. Une confrérie des morts est fondée en 1859. Elle est destinée à couvrir les frais des obsèques des habitants. Son fonctionnement est expliqué par l'institutrice Angèle Castay vers 1899: « Les habitants de la commune moyennant une rétribution de 0f30 par trimestre, la famille du défunt n'a rien à payer, la société à tous les débours à sa charge. Cette mutualité existe depuis 1859. C'est l'instituteur, dit-on, qui en fut l'instigateur3». Cette confrérie existe encore, un peu informelle, dans le quartier du Lurus. Le 9 mars 1863, Mgr Delamare autorise la création d'une confrérie
du Sacré-Coeur de Jésus.
Les processions Des processions étaient organisées dans la paroisse,
jusque dans les années 1960.
En 1840 deux bannières à l'effigie de la Vierge et une croix de procession étaient conservées dans l'église, avec un dais déposé dans la sacristie pour servir aux processions du Saint-Sacrement, qui avaient lieu le troisième dimanche de chaque mois et à l'octave de la Fête-Dieu. Les obits et fondations pieuses Certaines personnes particulièrement pieuses faisaient des dons à l'Eglise dans leur testament. C'est le cas d'Arnaud Arroy, en 1523, qui fonde un obit de douze écus petits dans l'église Notre-Dame, c'est-à-dire qui demande qu'une messe son dite en son nom à perpétuité, payée par une rente constituée de douze écus (investie sous la forme d'une terre). En 1750 cette terre était encore exploitée par le prêtre du village, elle fut vendue à la Révolution. Les ventes de terres révolutionnaires montrent qu'une série
de terres avaient été léguées pour obit ou
legs pieux aux deux églises de la paroisse. On trouve notamment
une terre dite « de la capère » et un petit bois qui
fut coupé illégalement et fit l'objet d'une plainte des consuls
en 1761. Ces biens étaient mis en ferme (on conserve l'affiche d'annonce
pour 1761) ce qui fournissait au prêtre un petit revenu4.
8-5-5-Autres pratiques religieuses Des quêtes étaient régulièrement organisées
pour l'entretien de l'église. En particulier des quêtes «
pour le plat du luminaire » étaient effectuées régulièrement
pour payer les bougies et l'huile destinées à l'éclairage
de l'église paroissiale. La fabrique était chargée
de ces quêtes et de cet entretien.
L'église était également le lieu de célébrations
particulières.
8-5-6-Le fonctionnement du cimetière Les habitants de Montégut avaient le choix, avant 1791,
de se faire enterrer dans le cimetière paroissial ou dans le cimetière
de Notre-Dame-de-la-Carce, ce qui était le cas de la plupart des
habitants de la vallée (quartier de « la Ribère »).
En principe depuis le 17e siècle cette pratique d'enterrement intra muros était interdite (sauf pour les prêtres et les seigneurs). A Montégut cependant la tradition fut plus forte que la loi ou l'hygiène. En 1754 l'évêque de Tarbes et l'archevêque s'émurent de cette situation et envoyèrent le curé de Rabastens, Dominique Cassin, vérifier les titres et droits de sépultures des habitants dans la chapelle de la Carce. Il ne put que constater la continuité et la « légalité » de cette pratique6. L'entretien était assuré dans l'église et le cimetière, avec le creusement des tombes, par le sonneur des cloches qui recevait pour son travail un paiement en nature (blé et maïs) de chaque chef de famille, jusqu'au 20e siècle. Extrait du cahier des charges du sonneur de cloches au premier janvier
1880:
Les concessions étaient payantes, et variaient selon le prix de quinze ans à perpétuité. En 1869 le prix des concessions fut révisé. Il fut fixé en 1880 à 30 francs pour une concession à perpétuité, 20 francs pour une concession trentenaire, 10 francs pour une concession temporaire de quinze ans7. Le 10 octobre 1886, alors que la municipalité réfléchissait
à l'agrandissement du cimetière paroissial, le conseiller
municipal Forgues fut envoyé à Tarbes pour observer comment
les concessions funéraires étaient faites dans les cimetières
de cette ville. En février 1887, un plan fut établi et le
jardinier communal mandaté pour réaliser des allées
régulières dans le nouveau cimetière. Il fallut attendre
1889 pour que les nouvelles concessions soient accordées aux habitants.
8-6- la culture officielle 8-6-1- L'organisation scolaire Les instituteurs sont les seuls personnages dont on possède de véritables « biographies », grâce aux mentions régulières dans les registres communaux et à la monographie scolaire de 1899 qui donne de nombreux détails sur la vie quotidienne des « hussards noirs de la République » et de leurs prédécesseurs. Les élèves étaient nombreux dans cette commune: en 1840, l'effectif des trois écoles (publique, privée et de filles) s'élevait à 130 élèves. L'enseignement était payant. Dans les années 1860, chaque famille devait régler un abonnement annuel de 12 ou 16 francs par enfant scolarisé, et chaque mois 1,50 ou 2 francs (s'il avait plus ou moins de sept ans). La mairie pouvait cependant dispenser de paiement les familles les plus modestes: le 8 novembre 1874, le maire autorise par exemple un des trois fils du sieur Martin à aller gratuitement à l'école, son père étant trop pauvre « vu qu'il ne possède qu'une simple chaumière avec femme et enfants en bas âge ». Le 19 mai 1879, c'est la fille de la veuve Marie Laborde qui est autorisé à aller gratuitement à l'école. Le 13 mars 1881, ce sont cinq enfants d'origine modeste qui obtiennent la gratuité, dont le fils d'une veuve. Le 22 mai 1882, une circulaire du ministre de l'éducation demande la mise en application de la loi qui rend l'école obligatoire et gratuite. Une commission scolaire est créée pour y veiller. C'est le début de l'école primaire obligatoire et gratuite (elle ne deviendra laïque qu'après 1905). Pour les garçons, dans les années 1840, les principaux ouvrages employés étaient selon l'abbé Esparros: la Bible, l'Imitation de Jésus-Christ, les heures du Diocèse, la Journée du Chrétien, le Nouveau testament, la grammaire française, le Catéchisme. L'objectif de l'enseignement, plus que d'apprendre à lire, écrire et compter, était de former de bons chrétiens dotés de solides valeurs morales. Dans la même période l'enseignement destiné aux filles avait une finalité plus pratique, celle d'en faire de bonnes maîtresses de maison et de bonne chrétiennes, d'après la monographie de 1899: « les grandes élèves, les plus privilégiées, apprenaient à lire, à compter, à faire l'addition et la soustraction sans en connaître l'application, à acquérir une belle écriture. A cela s'ajoutaient la prière, le catéchisme, l'Évangile, l'Histoire sainte et le chant d'Église. Après avoir fait la première communion les fillettes quittaient l'école de l'institutrice et allaient dans une commune voisine située à quatre kilomètres où était alors une institutrice pour apprendre à tricoter et à bien filer ». Vers 1829, de l'aveu même du curé, les filles allaient à l'école jusqu'à 10 ans pour pouvoir apprendre convenablement le catéchisme. Vers 1899 ce programme a complètement changé: toutes les matières « modernes » sont enseignées, comme aux garçons (géométrie, géographie, histoire...), plus « les travaux ménagers dont la bonne connaissance est indispensable à une bonne ménagère ». Pour la plupart des enfants la scolarité s'arrêtait à cet apprentissage à la fois très sommaire et pratique. L'instituteur Sarrelabout, en 1899, fait le constat que « peu [d'élèves] sont arrivés à une situation brillante. On en cite quelques-uns à peine qui ont réussi à Paris dans le commerce, deux dans l'armée qui ont gagné le grade d'officier et deux autres sont dans le professorat de l'enseignement secondaire ».. De 1886 à 1899, 18 enfants ont obtenu le certificat d'études primaires et seuls les deux enfants de l'instituteur font alors des études au collège. En 1882 Villecomtal obtient la création d'une école primaire supérieure. Le conseil l'appelle de ses vœux parce que « ce besoin est attesté par le grand nombre de candidats que cette contrée fournit aux examens de l'École Normale, aux concours pour les Postes, les Contributions, les Contributions directes etc. [...] nombre d'élèves [sont envoyés] annuellement soit au collège de Vic-Bigorre, soit à une institution privée qu'on appelle Collège de Bonnefont. Considérant [...] le nombre croissant des élèves présentés annuellement pour le Certificat d'Études Primaires [...] émet le voeu qu'une institution d'enseignement primaire supérieur et gratuit soit fondé à Villecomtal avec un caractère professionnel, particulièrement agricole ». Pour les paysans de Montégut, le symbole même de l'ascension sociale était alors de devenir fonctionnaire... C'est le dynamique instituteur de Montégut-Arros qui fut chargé d'animer certains cours de cette école primaire supérieures, ce qui causa quelques tracas. Le 22 novembre 1885, le maire rapporte ainsi que « beaucoup de pères de famille s'étaient plaints de ce que l'instituteur en se rendant au cours d'enseignement supérieur à Villecomtal négligeait son devoir envers les élèves de la commune; car, la classe de Villecomtal ayant lieu le mercredi dans l'après-midi, l'instituteur préparait sa classe dans la matinée, il arrivait aussi que cette classe qui devait être remplacée le jeudi matin, ne l'était pas régulièrement. De là, répond Mr Caussade, des abus très préjudiciables pour les enfants de la commune par suite de ces classes partagées par demi-journées». En réalité c'est l'Inspecteur d'Académie qui imposait ce « double emploi » à l'instituteur communal. Un cours du soir pour adultes fut organisé en 1899 par
ce même instituteur Sarrelabout, avec 25 « élèves
» pour les premières séances: les premiers sujets traités
furent les impôts, le cadastre, le terrier, les centimes , la France,
les syndicats.
8-6-2-Les instituteurs Au 19e siècle, les enseignants étaient recrutés
par la mairie et agréés par le curé de la paroisse
(qui surveillait les bonnes moeurs). Avant la fin du siècle et la
création de l'École Normale, tout adulte sachant lire, écrire
et compter pouvait se présenter pour devenir instituteur. Cependant
la plupart des maîtres étaient de véritables professionnels,
qui n'hésitaient pas à appliquer des méthodes d'enseignement
« musclées »: « Le maître d'école
fut représenté pendant longtemps, avec raison d'être,
comme la terreur des enfants, car les châtiments corporels étaient
fort en usage, le martinet, la férule, la mise à genoux et
bien d'autres supplices [...] étaient appliqués en classe
»8.
Depuis 1834, les instituteurs faisaient également office de secrétaire de mairie, et touchaient 80 francs par an pour cet office. Plusieurs d'entre eux étaient également chantres de l'église et avaient en charge la chorale paroissiale. Les institutrices touchaient également, de 1834 à
1865, un salaire en nature: 250 litres de froment par an et par fille
apprenant à écrire, la moitié pour celles qui n'apprenaient
qu'à lire (la majorité des élèves), plus des
quêtes de vin, pommes de terre et haricots. Elles arrondissaient
ce maigre salaire en blanchissant et repassant le linge de l'église,
et en exécutant de menus travaux de tricotage et de couture pour
des habitants de la commune. Après 1865 elles furent salariées
par la commune, comme leurs collègues masculins, à hauteur
de 12 ou 15 francs par élève selon l'âge, soit environ
400 francs en 1865 (700 francs en 1884).
En 1875 l'instituteur touchait également 100 francs d'indemnité de logement car « la commune ne possède point de bâtiment pouvant être affecté à cette double destination » (école et logement). En 1877 l'institutrice recevait également 50 francs supplémentaires à ce titre. Ce n'est que dans la deuxième moitié du 20e siècle que les salaires des enseignants furent calés sur une grille nationale prenant en compte le grade, l'ancienneté et la situation familiale. Liste partielle des instituteurs:
Instituteurs de l'école libre du Lurus:
Institutrices de l'école libre:
Institutrices publiques:
8-7- la culture populaire 8-7-1-La sociabilité villageoise Les événements de la vie quotidienne étaient souvent l'occasion de se rencontrer, entre voisins du même quartier ou tout le village. Il n'existe plus de documents ni de témoins de ces pratiques sociales pour le 18e ou le 19e siècle. Par contre pour l'ensemble du 20e siècle nous avons pu interroger plusieurs habitants qui nous ont raconté, par le menu, l'ensemble des formes de sociabilité telles qu'on les pratiquait entre le début du 20e siècle et les années 1960, période de profonde mutation de la société locale9. Les pratiques agricoles étaient un moment privilégié pour se rencontrer entre gens du quartier. Le dépiquage, les vendanges, la « despeloucade » (dépouillement) du maïs, le battage, le pèle-porc rassemblaient ponctuellement les habitants dans une ambiance à la fois de travail et festive. Les vendanges, travail saisonnier et pénible, étaient réalisées par corvées. Le raisin était ramassé dans la journée, le pressage était effectué le soir, alors que le propriétaire de la vigne payait un bon repas à tous les participants, hommes et femmes. Les vendanges se faisaient ainsi quartier par quartier, maison par maison. La plupart des propriétaires possédaient un pressoir, les comportes... dans le cas contraire les vendanges étaient « réglementées » pour permettre à chacun d'utiliser les installations selon ses besoins, moyennant service ou une contribution. La plupart de ces installations viticoles ont disparu avec les vignes. La despeloucado était un autre moment de sociabilité. Les gens du quartier se réunissaient à la veillée sous une grange, devant un énorme tas d'épis de maïs -ramassé dans la journée- qu'il s'agissait d'effeuiller. Un homme amenait l'accordéon, ou bien on racontait des plaisanteries toute la soirée. Le maïs était ensuite mis à sécher dans des « cribs », imposants séchoirs en bois et grillage installés près des fermes. L'apparition des moissonneuses à la fin des années 1950 a tué cette tradition, et le séchage « industriel » du maïs dans les coopératives a fait disparaître ces séchoirs en plein air. Le battage était une autre corvée. Les énormes batteuses à vapeur étaient traînées par des boeufs de quartier en quartier, on amenait le bois pour lancer la machine, et on battait toute la journée. Les hommes se relayaient pour porter les sacs de grains dans les greniers ou faire les tas de paille que l'on crochetait. Dans les années 1940 la machine à vapeur fut remplacée par un tracteur, plus fiable et plus pratique, et les moissonneuses-batteuses firent ensuite disparaître complètement cette pratique dans les années 1960. Le pèle-porc, qui existe encore, est une autre tradition « de quartier ». On engraisse toute l'année le « ministre », un cochon par famille, parfois plus, que l'on tue et prépare dans une seule journée avec l'aide des voisins. « Dans le cochon, tout est bon », et il faut une main-d'oeuvre nombreuse pour apprêter l'ensemble de la « cochonnaille »: jambons, saucissons, saucisses, côtes, boudin, salaisons diverses... une partie de l'animal est souvent consommée le soir même dans un repas commun, le reste est mis à sécher au grenier pour les mois suivants. Par ailleurs on se réunissait souvent à la veillée: les hommes jouaient aux cartes, les femmes tricotaient devant le feu. A partir de la fin des années 50 les gens commencèrent à se réunir autour des premières télévisions (maisons Caréac, Brune...) pour regarder les programmes. Dans les décennies précédentes on se réunissait autour des premiers poste de radio à galène. Les matchs de catch et la « piste aux étoiles » étaient paraît-il très appréciés. Avec la baisse des coûts dans les années 60 la plupart des foyers firent l'acquisition d'un poste et restèrent désormais chez eux. La chasse est une autre pratique très socialisée,
que les hommes, même aujourd'hui, ne manqueraient pour rien au monde.
La chasse au chevreuil ou au sanglier, très pratiquée localement,
est l'occasion de battues qui rassemblent tous les chasseurs du village
et leurs chiens10. De copieux « repas de chasseurs », auxquels
les épouses sont généralement conviées, clôturent
la saison dans la chaude ambiance du foyer communal. Le mois d'octobre,
la plupart des mêmes hommes disparaissent de leurs foyers pour pratiquer
la chasse à la palombe. Les palombières sont nombreuses dans
les bois à l'est de la commune, assemblages souvent hétéroclites
de « cabanes » camouflées et perchées en haut
des plus beaux arbres ou sur des pylônes métalliques, accessibles
par des échelles de bois ou de métal. Les pigeons et les
palombes sont élevés en captivité toute l'année
pour servir « d'appeaux » à l'occasion de ces chasses.
Les oiseaux, attachés en haut des arbres sur des « raquettes
» mobiles, sont agités successivement par d'ingénieux
systèmes de câbles et de poulies pour attirer les vols de
palombes au plus près des chasseurs. La manoeuvre est difficile,
la chasse souvent infructueuse, d'autant que les vols de ces migrateurs
deviennent rares et se poursuivent jusqu'en décembre, quand la période
de chasse est terminée... Le chasseur malheureux peut toujours se
rabattre sur la cueillette des cèpes et des girolles, dont le ramassage
fait aujourd'hui l'objet d'une réglementation stricte.
La fête au village est une tradition sans doute fort ancienne.
Elle se tient traditionnellement le 15 août, fête patronale
de la Vierge. L'aspect religieux (messe, procession) a complètement
disparu pour conserver le seul aspect festif.
Pendant la deuxième guerre mondiale, alors que les fêtes étaient interdites, des bals étaient organisés « en cachette » dans les granges de la maison Ropa, au Lurus. Aujourd'hui un comité des fêtes, actif au moins depuis les années 80, organise annuellement les festivités du 15 août. Outre le traditionnel bal « disco », un bal musette, un ball-trap, des concours de pétanque et de quilles sont organisés. Une « sérénade » effectuée auparavant permet de récupérer un peu d'argent auprès des habitants afin de financer les préparatifs. Le « réveillon » se faisait aussi en famille et entre
gens du quartier: on amenait des noix, des châtaignes, de la confiture,
on ouvrait les réserves ( les mounjetes, haricots que l'on faisait
pousser sur les maïs, comme les haricots tarbais aujourd'hui) et on
régalait tout le monde...
A noter, depuis deux ou trois ans, la forme particulière
et anglo-saxonne d'halloween commence à trouver des adeptes parmi
les plus jeunes: le 30 octobre (jour de la fête des morts en Irlande,
un jour avant notre Toussaint) on se déguise en sorcière
ou en monstre et on passe dans les maisons pour réclamer des bonbons.
C'est une forme particulière de carnaval liée à la
célébration des morts, qui resurgit ici sous une forme folklorique
et mercantile.
8-7-2-Légendes villageoises Une série de légendes sont toujours racontées par les anciens du village, et transmises avec plus ou moins de variantes. 1- La légende du seigneur meurtrier Le seigneur du village, qui habitait le château, près de l'église, était allé à la chasse un dimanche. Rentré tard, le prêtre ne l'avait pas attendu pour commencer son office dominical. Fou de rage, le seigneur prit un fusil, rentra dans l'église et tua le prêtre qui mourut sur les marches de l'autel. Le roi très courroucé prit les biens du seigneur meurtrier en punition, en particulier le bois appelé aujourd'hui le bois du roy. Cette légende, qui était racontée par l'instituteur du village dans les années 1930 mais qui est encore largement diffusée aujourd'hui, ne pose aucun problème d'interprétation, car elle reprend l'épisode -authentique- du meurtre du desservant paroissial au début du 16e siècle. La mention de « bois du Roy » permet de donner un sens à cette appellation curieuse que l'on n'expliquait pas, car personne ne savait alors que Montégut-Arros était jusqu'au 18e siècle une coseigneurie comtale puis royale. 2- La légende du tonneau clouté Le seigneur du village, à la Révolution, fut pris par les habitants dans son château, mis dans un tonneau qui avait été préalablement clouté (les clous dépassant à l'intérieur), et on poussa le tonneau qui dévala la pente -fort raide- de la colline qui porte l'église . On trouve également cet épisode comme variante de la légende précédente, le supplice du tonneau étant le juste châtiment du seigneur meurtrier. On peut noter ici le souvenir conservé du château qui se trouvait dans le quartier de l'église, et le tonneau peut rappeler que cette colline était jusqu'au début du 20e siècle couverte de vignes. 3- Le château bombardé Le château a été bombardé par des canons qui étaient installés au bord de l'Arros. Cet épisode ne peut être raccroché à aucun événement connu. On note le même type de légende dans la Bigorre (au sujet de la motte castrale de Pujo) et dans la région de Trie, l'ennemi étant alors l'anglais (sans aucune date: s'agit-il de l'anglais de la guerre de cent ans, de Wellington ou d'un ennemi « idéal »?). On peut du moins noter que ce type de variante sert à expliquer la disparition complète d'une forteresse dont on connaît encore l'emplacement. 4- Le tunnel Un tunnel creusé dans le sous-sol de la colline relie l'église paroissiale à la tute de l'homme sauvage, cette ouverture étant l'entrée du tunnel (variante: le tunnel court jusqu'au château de Mauvezin). On trouve partout dans la région des légendes de tunnels reliant les points et les monuments remarquables des villages. Ces légendes n'ont en général aucune réalité autre que symbolique, surtout quand plusieurs kilomètres et des dénivelés énormes séparent les deux points, comme c'est le cas ici. On peut noter cependant que d'anciennes cavités (greniers enterrés médiévaux et modernes...) peuvent ponctuellement ajouter foi à ces légendes: le sol « sonne creux » par endroits (c'est la cas en Bigorre à Liac ou à Rabastens). 5- La tute de l'homme sauvage La « tute » (grotte) a servi de cachette aux moines pendant les guerres de religion, alors que Saint-Sever était pillée par les huguenots. La grotte a servi de repaire a un ermite, un « homme sauvage ». Cette ouverture naturelle, implantée à flanc de
coteau, à la limite communale de Montégut et Saint-Sever,
a servi de grange naturelle et de parcage de bétail jusqu'au 20e
siècle. La légende de la « cachette » des moines
est rapportée par plusieurs manuscrits de l'abbaye, elle peut avoir
éventuellement une consistance historique. Par contre nulle trace
historique d'un hypothétique homme sauvage...
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