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Monographie de Montégut-Arros (Gers) | |
Quatrième partie LA SOCIETE
1-Évolution générale de la population
Avant 1800, on ne possède que des données très
partielles. La charte de 1356 livre dix noms de chefs de famille, ce qui
constitue un minimum d'une cinquantaine d'habitants (sans doute bien plus,
probablement plus d'une centaine de personnes).
Les données deviennent plus fiables après la Révolution:
Pour la période 1750-2000, l'évolution est celle
que l'on constate un peu partout dans la région: une augmentation
sensible de la population jusque dans les années 1840, avec des
irrégularités liées aux premiers départs vers
les villes (industrialisation) et l'outre-mer (émigration). Passé
1840, le chiffre de la population décroît avec le départ
de familles entières vers les villes voisines et l'étranger.
La crise du phylloxéra, à la fin du siècle, accélère
ce déclin avec le départ des cultivateurs-vignerons qui possèdent
les exploitations les plus « fragiles ». Au début du
20e siècle, le déclin se poursuit, avec notamment des décès
liés aux deux guerres mondiales, mais surtout de nouveaux départs.
La population, vieillie, n'a plus guère de dynamisme démographique.
Le 20e siècle marque un lent déclin, qui n'a été
qu'amorti par les quelques industries locales qui ont maintenu un peu d'emploi
(dans les années 1970-1980). Le seul espoir actuel est la «
rurbanisation », qui marque un retour de familles dans les zones
rurales, avec la construction actuelle d'un nouveau lotissement qui pourrait
inverser, à terme, la tendance. Actuellement cependant les plus
du 60 ans sont plus nombreux que les moins de 25 ans...
2-Une société paysanne (18e-19e siècle) Tableau de synthèse de l'ensemble des registres paroissiaux conservés pour la commune de Montégut-Arros, de 1737 à 1882. Les registres postérieurs, non encore déposés, n'ont pas été étudiés. Baptêmes, Mariages et Sépultures
3-Les étapes de la vie Les comportements sociaux ne peuvent être étudiés que pour les 18e-19e siècle, avec de nombreuses lacunes liées aux manques dans la documentation, essentiellement les registre paroissiaux. Le lecteur prendra donc soin, pour chaque point, de noter les dates ou fourchettes chronologiques prises en compte. En particulier les notes « ethnographiques » sont essentiellement valables pour le 19e siècle et le début du 20e siècle. La famille était formée au 18e et 19e siècle
par le chef de famille (qui pouvait être une femme, si celle si était
veuve ou héritière du patrimoine1), son conjoint, leurs enfants,
les grands-parents s'ils étaient encore en vie, et éventuellement
les oncles et tantes. Par le système de la maison, ceux-ci étaient
condamnés à rester « domestiques » de leurs aînés
s'ils ne trouvaient pas conjoint dans une autre maison, ou ne partaient
pas à l'aventure, vers la ville, l'Espagne ou les Amériques...
Le recensement réalisé en 1856 dans la commune permet
de réaliser une pyramide des âges.
Les courbes des baptêmes et des sépultures, telles
qu'elles peuvent être restituées à partir des registres
paroissiaux, montrent pour le 18e siècle de nombreux « accidents
» (chutes brutales des conceptions, comme en 1775) qui indiquent
des crises sociales graves. Cependant en général les naissances
sont plus nombreuses que les décès, et la population s'accroît
lentement.
Ce n'est plus vraiment le cas au 19e siècle, les décès étant régulièrement plus nombreux que les naissances (les courbes se croisent: la population stagne voire diminue), ce qui contribue à la chute du nombre d'habitants. 3-1-La naissance La naissance se faisait à la maison. La parturiente était entourée par les femmes de sa famille, parfois des voisines ou une sage-femme. Les hommes, sauf le docteur s'il était là, restaient dehors jusqu'à la naissance. L'enfant était généralement baptisé le jour même. La mort était souvent proche, et il ne fallait pas que l'enfant meure sans le premier sacrement: il risquait de partir dans les limbes, cet espace différencié du paradis, d'où il ne pourrait sortir faute d'avoir été lavé du péché originel. Si la naissance était considérée comme un bonheur, en revanche la naissance hors-mariage était très mal tolérée, car elle compromettait l'ordre social. En témoigne la mention écrite par le prêtre du village en marge du registre paroissial en 1779: « Je soussigné déclare avoir publié l'édit
et ordonnance de nos roÿs concernant la grossesse des femmes et filles
de mauvaise vie, les dimanches seconds des mois de janvier, davril, de
juillet et doctobre l'année 1778 en foÿ de quoÿ à
Montégut le 16 janvier 1779.
Il fallait fort peu de choses pour être considéré comme « hors-norme ». Justin Dours, mort en 1832, est nommé « fils naturel » de Marie Dours dans son acte de décès, parce que son père était mort un mois avant sa naissance! Ce Julien Dours choisit d'ailleurs de s'expatrier en devenant soldat, et finit sa vie à Strasbourg. Peut-être sa situation d'orphelin était-elle trop « pesante » dans le cadre de son village natal... Nous n'avons par ailleurs relevé dans tous les registres qu'un unique cas de naissance probablement illégitime. Le 13 nivôse an 6, le maire Sorbet enregistre sur le livre des décès la mort d'un bébé de deux mois, une petite fille trouvée « à la porte de l'église » peu après sa naissance, mise immédiatement en nourrice mais qui ne survécut pas à ce traitement. Bien entendu, il ne faut pas faire une confiance excessive aux registres. Il existait partout des « accoucheuses d'anges », qui faisaient avorter les jeunes femmes mises enceintes hors mariage, et ces décès là ne sont jamais enregistrés sur les registres paroissiaux... Le mouvement mensuel des naissances (1802-1813):
Les naissances sont les plus nombreuses en automne et en hiver, les « creux » se situant au printemps et en été. C'est le schéma classique que l'on retrouve partout en France sous l'Ancien Régime. On déduit facilement de ce graphique le mouvement saisonnier
des conceptions (ici pour la période 1802-1813):
Les pointes de conceptions se situent en hiver (les nuits sont
longues et les travaux champêtres réduits...) et au printemps.
Les creux, ce qui est logique, se situent dans les période de travail
aux champs (labour, récoltes...). On n'a alors guère le temps
ni sans doute l'envie de batifoler...
Nous n'avons pu restituer l'ensemble des arbres généalogiques
qui auraient permis de calculer le nombre moyen d'enfants par famille et
l'intervalle intergénésique (entre chaque naissance). Les
quelques familles reconstituées indiquent cependant pour le 19e
siècle des situations très variables, allant du couple seul
aux familles nombreuses avec plus de cinq ou six enfants (selon la fortune,
le milieu social...), le plus souvent deux ou trois.
3-2-L'adolescence L'adolescence était partagée entre deux grandes
occupations: vaquer aux travaux des champs et de la maison et aller à
l'école (au 19e siècle du moins). Très souvent, la
première occupation primait sur la seconde. Au 19e siècle,
les instituteurs se plaignent que les parents, faute de moyens, placent
leurs enfants comme domestiques dès leur première communion
effectuée (vers 11 ans). Très peu obtiennent leur Certificat
d'Études Primaires.
3-3-Le mariage Le mariage était l'occasion de la première grande
rupture.
Le mariage débutait par des tractations entre les deux
familles, et aboutissait à une promesse de mariage qui était
couchée sur le papier. Voici par exemple une promesse de mariage
reportée par erreur sur le registre des décès en 1838:
Le Maire. » Parfois ces mariages arrangés sans consentement réel des époux étaient violemment rompus, mais le cas est rare. En 1825 le tribunal de Mirande annule ainsi le mariage entre Marie Larrieu, couturière, et Pierre Arrouy, cultivateur, mariés depuis 1815, car celle-ci affirme que le mariage n'a pas été précédé de fiançailles, de cérémonie religieuse ni de « cohabitation » et que ce mariage lui a été imposé par la violence. Le tribunal accède à la demande et annule l'acte d'état-civil. L'âge au mariage est en général assez élevée: pour le premier quart du 19e siècle, les mariés ont 27,8 ans en moyenne (âges extrêmes relevés:19-26), les épouses 27,6 (âges extrêmes relevés: 18-41). Il fallait souvent attendre qu'un des parents décède, ou bien que l'époux soit assez riche pour permettre une installation du couple. Il arrivait aussi que l'on cohabite dans la même maison sur plusieurs générations, en attendant que les jeunes époux puissent s'installer, mais les conflits ne devaient pas être rares. Les mariages « tardifs » sont peu fréquents et sont généralement le fait de veufs, plus rarement de veuves, qui décident fonder un nouveau foyer. La plupart du temps les deux époux sont assortis en âge, mais on trouve également des couples dont l'écart d'âge atteint ou dépasse vingt ans. Par exemple en octobre 1824 Dominique Layerle, veuf de 49 ans, épouse Jeanne-Marie Bonneau de Rabastens, âgée de 29 ans. Je ne sais si le charivari était de rigueur dans cette commune, comme dans les vallées pyrénéennes, quand les jeunes du village « perdaient » une jeune femme au profit d'un barbon. La seule forme de « charivari » attestée, bien innocente, est la ribambelle de boîtes de conserve que l'on attachait, dès l'après-guerre, à la voiture des mariés. La tradition ne s'est d'ailleurs pas encore tout à fait perdue. Le mariage se faisait généralement dans le village
de la mariée. Au début du 20e siècle, le convoi nuptial,
avec à sa tête les époux, part à pied de la
maison jusqu'à l'église, plus rarement en voiture à
cheval. La côte de l'église est, même dans cette occasion,
un véritable obstacle! Les mariages se fêtent à
Montégut généralement dans une grange qu'on a aménagée,
tendue de draps et ornée de fleurs et de feuillages. L'orchestre
est installé sur un char ou tombereau aménagé et on
mange et danse toute la nuit. Les jeunes mariés s'éclipsent
pendant la soirée, et les convives partent à leur recherche
au petit matin -la tradition existe encore.
Le mouvement mensuel des mariages (1807-1840): Les mariages ont lieu au 19e siècle du printemps au début de l'automne, mais surtout en février, période « creuse » de l'année pour les travaux des champs. On se marie également -un peu moins- les autres mois de l'année. Le mois de mai, considéré dans d'autres régions de la Gascogne comme un mois « néfaste », ne semble pas ici avoir de caractère négatif: on y rencontre autant de mariages qu'en juin. Sur la période 1843-1853, sur 61 mariages célébrés,
36 époux vivent à Montégut (60%), 25 viennent d'autres
villages (40%). La plupart de ces jeunes forains viennent des villages
voisins de Bigorre ou de Pardiac, à une trentaine de kilomètres
à la ronde, jusqu'à Ossun (après Tarbes) et Sombrun
(près de Maubourguet). On trouve également un espagnol d'Areu
(région de Lérida), brassier d'une cinquantaine d'années
installé depuis des années à Montégut, qui
épouse une veuve de 47 ans.
La durée du mariage est évidemment très variable selon les couples. Il devait durer en moyenne trente ans, soit l'espérance de vie des époux à la date du mariage. C'est souvent l'homme qui part le premier, comme l'atteste le nombre de veuves relevé dans les années 1830-1860, qui est le double de celui des veufs. Courbes des mariages et baptêmes (1737-1790). Les lacunes des registres ne permettent pas de proposer d'interprétation globale ou de corrélation. On notera cependant l'importance des naissances (à comparer avec la courbe suivante). Courbe des baptêmes et mariages (1800-1882). On a une corrélation
relative entre les deux courbes (sauf en 1870, au moment de la guerre franco-allemande)
qui indique que le premier enfant venait en général moins
d'un an après le mariage. On note également les fortes irrégularités,
qui signent les crises et les départs, ainsi que la baisse progressive
du nombre moyen de naissances de 1800 à 1880.
3-4-Le départ du village: l'émigration Certains villageois partaient vers la ville pour chercher du travail, dans les métiers du bâtiment, les usines, la finance... à Tarbes, Auch, Toulouse, Bordeaux ou même Paris. C'est le cas de Jean-Pierre Bonneau et d'une partie de sa famille, qui revinrent fortune faite à Montégut dans les années 1870. A une échelle plus modeste, en 1830, Denis Larrieu propriétaire de terres dans la commune (section D), est maçon à Paris. L'émigration vers l'étranger était par ailleurs un exutoire des pauvres et des cadets pour tenter la Fortune. La preuve en est donnée par la baisse importante et régulière du chiffre de la population, et par des mentions ponctuelles. Par exemple on retrouve dans le registre des décès que le 29 octobre 1852 Laurent Castay est mort à la Nouvelle-Orléans. L'extrait d'acte de décès, en anglais, a été envoyé par Baptiste Delord, natif de la commune mais également installé en Louisiane. Le 12 mars 1876, le conseil municipal accorde à Marie Larrieu l'autorisation de demander que son fils Alexis soit nommé soutien de famille, vu que son mari « le nommé Estébenet Baptiste habite en Amérique depuis une vingtaine d'années et qu'il ne donne nul secours à son épouse »2. Guy Sénac de Monsembernard a relevé pour la période 1863-1867, pour le village de Montégut-Arros, onze départs vers les Amériques, 4 en 1864, 6 en 1865 et 1 en 1867, sur un total de 167 départs pour les deux cantons de Miélan et Marciac pour cette période3. D'autres, à la fin du siècle, tentent leur chance dans les colonies françaises en Afrique. Ainsi le 21 janvier 1878, Léon Bergez est absent d'une réunion du conseil municipal car « actuellement parti en Algérie pour affaires de famille ». La meilleure analyse du phénomène est fournie
par l'instituteur Sarrelabout en 18994:
L'engagement dans l'armée est aussi une autre manière
de chercher fortune et de voir du pays. Si plusieurs habitants sont mentionnés
comme « anciens soldats » dans les actes du 19e siècle,
en revanche beaucoup de jeunes laissent leur vie dans les aventures militaires
des deux Empires, de la Restauration et des conquêtes coloniales
de la IIIe République.
3-5-La mort On mourait la plupart du temps chez soi, dans son lit: à l'exception des accidentés et des soldats, aucun habitant ne finissait ses jours, comme aujourd'hui, dans la solitude et la blancheur aseptisée d'une chambre d'hôpital. Sous l'ancien régime, le mourant, s'il en était
capable, faisait venir un notaire et dictait ses dernière volontés.
Le testament d'Arnaud Arroy, en 1523, est le seul exemple conservé
dans la commune pour cette période, mais il est caractéristique:
après les formules d'usage sur le caractère inéluctable
de la mort et les formules juridiques assurant la validité du document,
le testament se décompose en deux parties:
Le document se termine par l'annulation des testaments précédents et le nom des témoins, exécuteurs testamentaires et notaire. C'est un exemple de « bonne mort »: le mourant a mis en ordre ses affaires terrestres avant de monter au ciel. En général le prêtre venait à la suite administrer les derniers sacrements, la famille et les amis restaient là jusqu'à la fin: la mort était un spectacle, il fallait montrer de la dignité jusqu'au bout. «Testa[ment] d'Arnaud A[rroy] Aruse du lieu de Montagut receu par Arnaud Fessian notaire de la ville de Rabastens le 23 février 1523. Au nom de Dieu amen. Sachent tous presens et advenir, que comme
ainsin soit qu'en ce monde n'est chose plus certaine que la mort, et chose
plus incertaine que l'heure d'icelle, et comme un chretien de son age tandis
qu'il est en bonne mémoire, et sain de ses sens et entendement pour
disposer et ordonner de ses biens et choses afin qu'apres son decez et
trepas, aucun procez, debat, querelles, et autre question ne survienne
entre les enfans, parens d'iceux et autres qui pourroient avoir en ses
biens de conteste; que le jour d'aujourd'hui est le troisieme fevrier mil
cinq cens vingt trois, regnant Charles par la grace de Dieu Roy de France,
et par la meme grace, Antoine, et Jeanne Roy et Reyne de Navarre comtes
de Pardiac, au lieu de Montagut avant midi. Comme et dans la maison de
Arnaud Arroy, dit Aruse, pardevant moy notaire roial soubsigné.
Et premierement a fait le signe de la croix disant in nomine Patris,
et Filii, et Spiritus Sanctus amen. Aprez avoir recommandé son ame
a Dieu le Père tout puissant, et apres Christ son fils, qui vient
vouloir avoir pitié, et misericorde de lui, pour l'amour de son
fils, se reconnaissant abominable pecheur, se soummetant de tout a sa misericorde
et clemence; et quand il aura fait son plaisir de lui, son ame sera detachée
de son corps, a dit qu'il veut que son corps soit inhumé au cimetière
de l'église de la Carce dud. Montagut et au lieu ou ses prédécesseurs
ont accoutumé d'etre enterrés.
SCAVOIR est la somme de soixante escus petits pour etre distribuée
par les exécuteurs testamentaires bas nommés en la forme
que s'en suit. Premierement de lad. somme a légué et laisse
a l'Eglise cathedrale de tarbe un gros, qui font quatre liards et demi
le gros. Item de ladite somme a légué led. testateur aux
quatre ordres de pauvreté a chacun d'icelles un gros comptant comme
dessus. Item a légué a la frairie de Notre Dame du présent
lieu douze ardits. Item a voulu et ordonné led. testateur que de
lad. somme soit fait un obit par les héritiers bas-nommés
du capital de douze escus petits, lequel veut que soit chanté par
les recteur et pretres de Montagut annuellement en tel jour que son corps
sera enseveli avec messe haute diacre et sous diacre. Item veut et ordonne
led. testateur que lad. somme soit soit chantés deux trenteins.
CASSANT et annulant tout autre testament que parsidevant pouvoit avoir
fait, veut que celui-ci ait vertu et efficace, et ne pourroit valoir pour
testament, veut qu'il vaille pour droit de codicille, ou donation faite
entre vifs irrévocable et autrement en la meilleure forme que pourra
valoir et tenir, en présence de Pey de Sorbet dit de Hilhonou, Arnaud
Arroy, dit Arnautas, de Domenge de Greu dit Perissou, maitre Arnaud de
Lous, Vidales Lena, Peyrot Arroy, dit Jean Galet, et Domenge de Lousault,
dit Picou, temoins a par led. testateur priés et signés,
et de moy Arnaud Fessian notaire de la ville de Rabastens, qui requis ai
retenu le présent instrument et fait greffier etant requis des heritiers
pour autre main a moy fiable, et signé de mon seing circonstancié
et accoutumé, en foy de tout ce dessus, desia ainsi signé.
»
Dès que le décès est connu, deux voisins préviennent le maire (ou les consuls avant 1791) et le curé. Ils doivent se charger également de la plupart des formalités, notamment accompagner le premier édile venu vérifier la réalité de la mort. Jusqu'à la deuxième moitié du 20e siècle,
les traditions étaient précises, mélange de piété
et d'antiques superstitions. Les volets de la maison du défunt étaient
fermés. Tous les travaux quotidiens étaient suspendus. Une
pièce (la chambre souvent) était aménagée pour
accueillir la visite des voisins. Le mort, lavé et habillé,
« recevait » là une dernière fois ses proches
et ses amis. Au moins un cierge brûlait dans la pièce, et
de l'eau était placée près de l'entrée pour
que les visiteurs puisse bénir la dépouille. On sonnait le
glas au trépas. Le lendemain, rarement plus tard, le cadavre était
enlevé et porté sur le corbillard de la commune jusqu'à
l'église et au cimetière. La montée devait être
très lente et pénible jusqu'au sommet de la colline. La messe
dite, le corps était déposé dans une fosse ou le caveau
familial. La confrérie payait le cercueil (en bois de peuplier,
bon marché), sauf si le défunt avait prévu un cercueil
plus coûteux en chêne, qui était alors à sa charge
ou à celle de sa famille.
Au bout d'un mois, une messe était célébrée
pour l'âme du disparu (la « messe du bout du mois »).
De même au bout de l'an. Le cercueil, symboliquement, était
remplacé par des tréteaux qui portait un drap sombre, et
entouré de cierges peints en noir6. Un drap mortuaire orné
de six têtes de mort en argent servait à recouvrir le vrai
cercueil et le « cercueil symbolique » en 18407.
Mouvement mensuel des sépultures (1807-1817):
Au début du 19e siècle on meurt surtout à
la fin de l'été, en automne et à la fin de l'hiver.
Les organismes des plus jeunes et des plus âgés sont alors
affaiblis par le climat (chaleurs d'août, froid et pluie de la fin
de l'hiver...) et sont plus sensibles aux micro-organismes et autres virus
qui frappent alors. Plusieurs épidémies touchent ainsi les
enfants vers les mois de septembre-octobre au cours du siècle.
Le taux de mortalité s'élève à 18,93 pour 1000 en 1841, et à 15,89 pour 1000 en 1872, ce qui correspond aux moyennes enregistrée dans la région. La diminution de ce chiffre au cours du siècle est sans doute à lier aux progrès médicaux (?). Les causes de la mort sont difficiles à déterminer. Si on fait abstraction des cas les plus âgés, morts pour beaucoup sans doute de « mort naturelle », on peut tenter de proposer quelques facteurs. La courbe mensuelle révèle que la période avait une influence: en hiver les habitants les plus modestes, qui avaient froid et faim avant les autres, étaient particulièrement vulnérables. L'analyse des courbes de mortalité des enfants et des nourrissons indique également ponctuellement des crises épidémiques, dont la nature n'est pas précisée (on peut tout imaginer ici, de la dysenterie aux maladies infantiles les plus diverses). Seules les morts des soldats sont explicitées: « fièvres » et maladies pulmonaires ont emporté la plupart d'entre eux. Courbe des décès, et courbe des décès
infantiles (moins de un an) de 1800 à 1856. Les irrégularités
sont fortes, et doivent être liées aux crises économiques,
climatiques et épidémiques pour l'essentiel. On remarque
que les décès d'enfants précèdent souvent celle
des adultes (personnes âgées): les plus jeunes étaient
aussi les plus sensibles aux épidémies et aux crises.
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