Montégut-Arros



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Monographie de Montégut-Arros (Gers)
Sixième partie

LA VIE POLITIQUE

1-Les institutions communales

1-1-La structure politique dans le castelnau médiéval
 

 La lecture attentive de la charte de 1357 permet, en filigrane, de déterminer précisément la structure politique de Montégut à cette époque:

Au sommet de la pyramide on trouve les coseigneurs, le comte de Pardiac et le sire de Montbardon, un modeste seigneur local. On doit évidemment s'interroger sur les raison d'une telle coseigneurie: est-ce que le castelnau a été fondé en paréage entre les deux seigneurs précédemment (mais la charte ne donne aucun indice à ce sujet)? Est-ce l'union des terres du castelnau avec celles des habitats disparus dans la vallée qui a entraîné cette situation ? Est-ce une ou des ventes qui ont entraîné cette situation? La documentation est muette sur ce point. Ce partage d'une seigneurie entre plusieurs nobles ne doit cependant pas étonner, c'est une situation fréquente dans la région pour tout le moyen-âge et l'époque moderne. En 1313, par exemple, la seigneurie de Lamarque-Rustaing est partagée entre quatre coseigneurs de quatre familles différentes (Bernard de Mun, Guilhem-Arnaud de Ricau, Marie de Lacase et Pierre de Peyrusse). Cette coseigneurie de Montégut ne disparaît qu'au début du 16e siècle, avec la condamnation des sires de Montbardon et la confiscation de leurs biens, dont la coseigneurie de Montégut, au profit du roi de Navarre qui devient seul seigneur, puis du roi de France après la mort d'Henri IV en 1610.
 Le bayle est le représentant local des coseigneurs. Nommé par eux, il préside aux conseils des quatre consuls, aux cours de justice, il reçoit les serments et peut collecter les impôts seigneuriaux.
 Les consuls sont les représentants de la communauté. Nommés annuellement à Noël, au nombre de quatre en 1357, ils ont des responsabilités très importantes (tempérées seulement par la présence du bayle). L'un d'entre eux, le syndic, représente l'ensemble de la communauté dans les circonstances importantes. Ils ont des pouvoirs administratifs (nomination du garde-champêtre et du crieur, gestion de la répartition des places et de la construction des maisons dans le castelnau, les voiries...), judiciaires (ils jugent en premier appel dans la plupart des cas « locaux »), de police (par le garde-champêtre), économiques (fixation des taxes sur certains produits...) et politiques (ils représentent et dirigent la communauté). Leur nomination, par cooptation, garantissait un accès limité à ces postes enviés à un nombre limité d'individus, en général les plus riches et les plus influents.
Le garde-champêtre et le crieur public sont les deux « fonctionnaires » du castelnau. Nommés par les consuls et le bayle,  le premier a des pouvoir de police sur l'étendue du finage, le second est le « relais » des consuls et des seigneurs.
Les habitants du castelnau portent le nom caractéristique du voisins (en latin vicini, en gascon bésis). Membres d'une communauté réduite, bien définie par-rapport à celles des villages voisins (ceux-ci sont qualifiés «d'étrangers»), les voisins sont soumis à certaines obligations: fournir des corvées annuelles pour les seigneurs, entretenir les fortifications du château et du castelnau... Dans la plupart des villes et villages, pour devenir voisin il fallait passer au moins un an et un jour sur le site, être de bonnes moeurs et être accepté de tous. A Montégut ces règles ne sont pas précisées mais on peut supposer qu'elles existaient, comme partout ailleurs. 
 

1-2-Les institutions communales dans les temps modernes

 Du 16e au 18e siècle la nomination des consuls se poursuit, ils sont toujours chargés de représenter la communauté, mais cela ne se fait pas toujours sans mal. En 1687 par exemple noble François de Lagourée met au tribunal les consuls précédents, qui n'ont semble-t-il pas rendu les comptes de leur exercice ni apuré les dettes de la communauté.
 Les consuls devaient aussi représenter la communauté dans les procès: en 1681 le prêtre Dominique Pradère intente un procès aux consuls car il n'a pas reçu le paiement de ses émoluments.

1-3- Aux 19e et le 20e siècles

 A partir de la Révolution apparaît un nouvel officier municipal, le maire, qui prend la place des anciens consuls. Il est assisté d'un adjoint et de conseillers. Jusqu'au 20e siècle et la IIIe République, les maires et adjoints sont nommés la plupart du temps par lettre du préfet (c'est-à-dire par le ministère de l'Intérieur), et révoqués selon les orientations politiques et les changements de régime. 
 Il faut attendre la IIIe République (sauf une première expérience en 1848) et pratiquement le 20e siècle pour que le maire soit élu au suffrage (masculin, puis universel après la deuxième guerre mondiale). Il est assisté de douze adjoints, dont un est nommé maire-adjoint et supplée le maire en son absence.

 En réalité, au-delà de ces changements, ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent parmi les conseillers municipaux et les édiles jusqu'à la première moitié du 20e siècle, quel que soit le régime politique. La liste donnée en annexe en donne l'illustration éloquente: les conseillers et les maires restent choisis parmi un petit noyau de chefs de famille, les plus riches et les plus influents.
 

1-4- La gestion communale
 

 Les édiles ont eu depuis le moyen âge l'obligation de gérer l'espace communal au profit de la communauté.
 Au moyen âge et à l'époque moderne c'est la gestion des biens communaux (padouen, chapelle de la Carce...) et l'entretien des routes -déjà évoqués dans la charte de coutumes de 1357-qui concentrent l'attention des consuls, avec les problèmes économiques et de justice.

 Dans le livre-terrier de 1755, les biens communaux sont soigneusement répertoriés, ainsi que l'ensemble des voies à entretenir par la communauté, signe que ces espaces étaient particulièrement surveillés. Un garde-champêtre, un crieur public et les corvées des habitants permettent alors la gestion quotidienne. Le presbytère, bâtiment communal, et l'église posent en particulier divers problèmes d'entretien dans les années 1760.

 Au 19e siècle divers problèmes apparaissent dans la documentation: inondations régulières; problème du pacage des troupeaux étrangers en vaine pâture sur les terres communales, ce qui entraîne des dégâts; gestion de la tuilerie communale; relations avec le meunier; gestions des réserves foncières et forestières; gestion des ponts et gués; mise en ferme des carrières de pierre (sur les coteaux) et de sable (dans le lit de l'Arros et les parcelles adjacentes); choix et logement de l'instituteur et du curé; construction de l'école communale et de la mairie...
 Il est très probable que la plupart de ces difficultés étaient déjà présentes sous l'ancien régime, mais que la disparition de la documentation ne nous permet pas d'en apprécier le poids.

 Il faut noter, depuis les deux derniers siècles, l'apparition de nouveaux emplois liés à la commune: garde-chasse ponctuellement, cantonnier responsable des travaux de voirie et de l'entretien des espaces verts depuis 1836, secrétaire de mairie, responsable de cantine...
 Voici par exemple des éléments relevés dans les registres municipaux récents: Arlette Caréac est nommée secrétaire de mairie le premier avril 1965, avant de devenir maire. Pierre Reignaud est nommé employé municipal de la voirie en avril 1965. Albert Brunet est engagé au titre d'appariteur garde-champêtre à temps partiel en 1971 (son poste est supprimé en 1974). Une femme de service, Paulette Armelin, est également recrutée cette année-là (remplacée ensuite par Marie-Louise Bégué. Celle-ci devient agent de service pour la cantine en 1984, remplacée par Paulette Royer. Paulette Armelin devient agent de bureau, c'est-à-dire secrétaire de mairie en 1976). Victor Larrieu est nommé garde-chasse en 1976.
 Actuellement, la mairie emploie une secrétaire, un agent d'entretien, et un agent technique pour la cantine et la garderie.
 

2-Les pôles d'intérêt de la vie communautaire

2-1- Les tensions internes

 Les droits collectifs étaient peu nombreux: quelques lambeaux de bois, quelques terres communes... ne prêtaient guère à contestation. Par contre les terres nobles (terres du roi) et celles relevant de la chapelle de la Carce faisaient régulièrement l'objet de déprédations et de chapardage, en particulier les bois au 18e siècle. La solution s'imposa d'elle-même: la vente de ces bois et terres comme biens nationaux et la mise aux enchères de la plupart des bois communaux au 19e siècle firent disparaître la majeure partie de ces terres en les « privatisant ».

 Les relations avec le seigneur furent parfois difficiles: citons le meurtre du prêtre vers 1500 par le sire de Montbardon, le conflit avec le roi de Navarre en 1561, le procès avec les héritiers de Gérarde d'Antras pour un remboursement de prêt. Comme il n'y avait pas de seigneur résident (après les années 1510 du moins), les conflits « locaux » restèrent limités aux cas les plus graves, dont seules les archives judiciaires gardent la trace.

 Les relations avec le curé et ses vicaires étaient généralement bonnes. La seule exception notable est le curé Duprat, dans les années 1760, qui refusait de dire la messe à l'église paroissiale peu accessible et lui préférait la chapelle de la Carce, tracassa les consuls et les marguilliers et posa divers problèmes au sujet de la réfection du presbytère. On peut également rappeler le conflit qui opposa maire et curé dans les années 1840 au sujet du partage du presbytère avec l'instituteur, conflit rapidement résolu par l'archevêque... et par un mur de séparation.

 Les relations de la communauté avec l'instituteur furent apparemment toujours sans ombre. On peut relever le nom de Gratien Lartigue, qui fit office de secrétaire de mairie et d'arpenteur-géomètre pour la communauté pendant de nombreuses années.

2-2- Les tensions avec les communautés voisines

 On ne relève que peu d'indices de conflits avec les communautés voisines dans la documentation conservée. 
Au moyen âge le villageois voisin était déjà « l'étranger », et la charte de coutumes précise bien que le droit ne s'applique pas de la même manière selon que l'on est ou pas du village.
 Au 19e siècle, le principal conflit de voisinage semble avoir porté sur le droit de pacage des troupeaux. Plusieurs règlements successifs (et donc de portée limitée ou même inappliqués) montrent que des accords existaient pour laisser les troupeaux des villages voisins pâturer librement sur les terres publiques et privées de la commune après les récoltes. La surcharge de ces troupeaux entraînait des dégâts que les maires tentèrent de limiter en laissant ce droit de pacage aux seuls troupeaux communaux. Le conflit ne se régla apparemment qu'avec la disparition des troupeaux communaux et transhumants.

 En fait, la taille importante de la commune et la faible charge de population expliquent qu'il n'y eu pas de conflit de limites, de bois... Les ressources en espace agricole et forestier étaient suffisantes pour que bésis et exploitants des villages voisins s'accordent dans la plupart des cas.

2-3- Les rapports avec le pouvoir central

 Montégut-Aros étant seigneurie sous contrôle comtal puis royal depuis son origine, un pouvoir « centralisé » contrôle de fait la communauté depuis fort longtemps.
On ne trouve pas comme dans des communautés voisines de violent conflit de pouvoir à ce sujet. Le seul indice est en fait le procès qui opposa la communauté au roi de Navarre en 1561, dont on ne connaît pas la teneur exacte, mais qui est sans doute lié à la disparition de la coseigneurie.
 A l'époque moderne les consuls faisaient volontiers appel à la justice en cas de  problème (en 1687 entre consuls à propos du paiement des dettes, un peu plus tôt à propos du paiement du prêtre...) et savaient également en jouer (ils firent traîner plusieurs décennies le remboursement d'une somme empruntée au 17e siècle). L'intendant d'Etigny fut appelé au secours des consuls quand le conflit avec le curé Duprat s'envenima en 1763 -au sujet du chemin de l'église et du presbytère.

 On ne sait que peu de choses sur la résistance éventuelle à la conscription: les soldats originaires de Montégut furent nombreux entre la Révolution de 1789 et le Second Empire, et la carrière militaire était manifestement fort prisée des jeunes qui cherchaient l'aventure ou une vie meilleure. Beaucoup y laissèrent également la vie.
 La résistance à la fiscalité fut plus insidieuse. La commune ne connut pas de troubles graves à ce sujet, mais des habitants de Montégut participèrent très certainement à toutes les « jacqueries fiscales » qui troublèrent la région depuis le 17e siècle: révolte contre le paiement des dîmes en  1793, contre le paiement de l'impôt extraordinaire en 1848... En fait la principale réponse à une fiscalité trop lourde et à des conditions de vie médiocres était le départ vers la ville ou vers les Amériques, ce qui a largement contribué à vider la commune de sa substance humaine depuis les années 1840.
 

2-4- L'impact des événements nationaux

 Les événements nationaux n'ont souvent eu qu'un impact limité dans la commune, comme un écho affaibli. On notera simplement la vente des biens nationaux à partir de 1791, qui ne créa pas de troubles armés et qui enrichit certains, la création d'une milice lors du conflit de 1870 et le départ en masse des habitants avec les crises agricoles -en particulier le phylloxéra.
 Certains habitants participèrent aux événements nationaux, mais hors du contexte communal, et généralement à titre individuel: soldats enrôlés dans diverses armées (pendant la conquête de l'Afrique du nord...), rôle de Jean-Pierre Bonneau à Paris sous la Restauration dans l'entourage royal...

 Les changements de régime politique, événements là aussi lointains, semblent n'avoir eu que peu d'impact dans la commune. Les registres municipaux et les rôles du bureau de bienfaisance enregistrent sans émotion le voeu d'obéissance des ses membres à la Monarchie en 1844, à la République en 1849, à l'Empire en 1854... 
 Jacques Forgues, maire en 1864, « [...] jure obéissance à la constitution et fidélité à l'Empereur ». Les conseillers municipaux et l'instituteur jurent de même.
 Le 16 septembre 1870, le conseil municipal « à l'unanimité fait voeu d'être fidèle au gouvernement de la République Française dont il se plaît à respecter les honorables membres qui le composent, surtout en voyant la fermeté inébranlable avec laquelle ils ont scellé tous leur action du dévouement et bon patriotisme à la cause commune de la France, et les sentiments élevés qui les animent pour faire maintenir l'ordre et le calme, protéger les personnes et les propriétés ».

 On note cependant à chaque changement de régime des changements de maires, puis de conseillers municipaux, puisés dans le même vivier de riches propriétaires mais qui dénotent les sympathies politiques plus ou moins marquées de certains individus.
 Par exemple sous Louis-Philippe, à partir de 1843, Jacques Hilaire Sorbet est nommé maire deux fois. Il est de nouveau élu au suffrage universel en février 1848, à la faveur de la naissance de la IIe République, mais ce personnage suspecté de soutien à la monarchie est rapidement remplacé par Dominique Beccas puis Lucien Duffard. Dès le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte rendu effectif et le Second Empire proclamé, c'est Louis Mailles qui est nommé, mais celui-ci démissionne au bout de deux ans et demi. Il est remplacé par son adjoint... Jacques Hilaire Sorbet, qui semble avoir retrouvé les faveurs du nouveau régime et qui redevient maire en 1855.

 On ne trouve nulle part trace d'affrontements « politiques », à l'exception d'un incident survenu le 23 août 1896 – une altercation entre le maire et un conseiller: « Mr Galin demande à Mr le maire ce qu'est devenu le plâtre symbolique qui était sur le chambranle de la mairie. Mr le maire répond que la fleur de lys qui est un emblème séditieux a été enlevé de son propre chef et et qu'il en prend toute la responsabilité. Il a placé au même lieu le buste de la République qui aurait du être à la place qu'il occupe depuis fort longtemps. Mr Galin aurait du prendre ce changement de sa propre initiative lors de son passage à la mairie. »

 Peu de données sont disponibles pour le 20e siècle. On peu cependant noter que  pour le dernier demi-siècle, la politisation de la vie publique semble avoir été assez faible: les résultats électoraux montrent que les habitants votent surtout pour des personnes et pour un programme, plus que pour une étiquette politique.
 
 

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Dernière modification : 1/03/02