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Monographie de Montégut-Arros (Gers) | |
5-Montégut-Arros, un castelnau
médiéval
Une simple analyse du parcellaire impose une évidence:
l'actuel quartier de l'église et de la mairie, nommé sur
le cadastre quartier du château, correspond à ce que les historiens
médiévistes appellent, à la suite de Benoît
Cursente, un castelnau.
5-1-Les raisons de la fondation du castelnau On ne possède aucun document qui permette de donner les
raisons précises de cette fondation. On peut cependant émettre
une série d'hypothèses vraisemblables à ce sujet.
Le contrôle des terres fut sans doute une autre raison déterminante: en position dominante, le château de Montégut surplombe toute la vallée de l'Arros entre Saint-Sever et Villecomtal, et permet de surveiller toutes les terres, mais également les voies de communication et les cours d'eau On ne sait rien, hélas, des seigneurs de Montégut avant la fin du 13e siècle. Le village est alors une coseigneurie entre les sires de Montbardon et les comtes de Pardiac: les comtes ont-ils « hérité » de la coseigneurie, ou bien étaient-ils dès le départ impliqués dans un véritable paréage de fondation de Montégut ? Si Montégut est la seule création de modestes seigneurs locaux, le « château » ainsi formé (on emploie en Gascogne le terme de castelnau) ne servait qu'à contrôler efficacement le territoire de la seigneurie et les routes la traversant. Si Montégut fut créée avec l'aide du comte
de Pardiac, il faut envisager Montégut à une échelle
différente, comme une sentinelle du comté de Pardiac face
au comté de Bigorre.
La frontière Bigorre-Pardiac au début du 14e siècle. 1- Forteresses du comte de Bigorre citées en 1285; 2- Principaux castelnaux et sites castraux; 3- Bastides; 4- Rivière Arros; 5- Principaux axes de communication; 6-Limite de comté. La zone mesure environ 30 km de côté. Dans le cadre de cette hypothèse, on peut dès lors
envisager la création du castelnau de Montégut comme un élément
d'une politique militaire et stratégique à l'échelle
du comté, face à trois forteresses bigourdanes (en fait des
sortes de villages fortifiés), avant la fin du 13e siècle.
La situation fut singulièrement compliquée au siècle
suivant, avec l'érection de la bastide royale fortifiée de
Rabastens-de-Bigorre en 1306 (qui correspond à une fondation «
parallèle » de Villecomtal, sur le modèle de
Marciac), du castrum de Montfaucon, de la « bastide » de Saint-Sever-de-Rustan
en 1297...
On ne peut détacher la création de Montégut
du contexte géopolitique des 11e-13e siècles et noter une
nouvelle fois le caractère frontalier -et par conséquent
stratégique- de Montégut à la frontière de
deux comtés et de deux diocèses. On peut à ce sujet
émettre une hypothèse: l'usurpation de ce territoire, mal
contrôlé par les comtes de Bigorre, ne pourrait-elle être
à l'origine de la création du castrum puis du castelnau des
comtes de Pardiac à Montégut-Arros? Seule une étude
chronologique fine des vestiges archéologiques enfouis sur le coteau
pourrait peut-être permettre d'en savoir un peu plus...
5-2-Les conséquences de la fondation Si on ne peut déterminer avec beaucoup de précision la fondation du castelnau, du moins peut-on en assurer quelques conséquences. La première conséquence fut très certainement le regroupement de la population dans le bourg du castelnau. La charte de 1357 est sur ce point très explicite (les consuls doivent surveiller les attributions des emplacements à lotir...). Cela implique une population assez nombreuse, qui fut probablement tirée des terres voisines. On peut donc supposer que c'est de cette période de regroupement que date l'abandon de la motte et de l'église de la gleyzasse, vidés de leur population par le castelnau, et qui ne sont même plus mentionnés en 1357. On peut également supposer que c'est alors que l'église du Lurus fut partiellement abandonnée et transformée en simple chapelle au profit d'un nouveau bâtiment. La léproserie, signalée en 1357 mais disparue depuis longtemps, pose d'autres problèmes que nous aborderons plus loin mais qui supposent également l'existence d'une population assez nombreuse. Deux églises peuvent par contre être rattachées à la fondation du castelnau. L'église paroissiale Notre-Dame de l'Assomption est implantée au coeur du castelnau et à proximité du château disparu. On doit supposer qu'il s'agit là de l'emplacement de l'église primitive. Sa dédicace, fréquente aux 11e-13e siècles, correspond parfaitement à la période de fondation supposée du castelnau. L'église paroissiale actuelle est cependant une reconstruction plus tardive, sans doute au même endroit. On doit supposer également que l'église Notre-Dame-de-la-Carce date de la même période5. Implantée au pied du castelnau, mais en bas de la colline et au pied de la route principale, cet édifice devait servir d'église secondaire et permettait aux passants de se recueillir, et aux habitants habitant de la vallée et/ou travaillant aux champs de facilement venir prier sans avoir à remonter la colline pour se rendre à l'église paroissiale. La proximité de la place du marché, le marcadau, et de la terre des lépreux, indique une fréquentation importante de cette zone au pied du château. La fondation du castelnau a ainsi profondément changé
la physionomie de la seigneurie médiévale: cette seigneurie
telle qu'elle apparaît au 14e siècle ne ressemble plus guère
à celle, dispersée, du 11e siècle.
5-3-Les coutumes du castelnau en 1357 Quand un seigneur voulait peupler ou conserver les habitants d'un castelnau, il donnait souvent aux habitants, les poblans ou vesis, une série de droits et devoirs contractuels, sous la forme d'une charte de coutumes. Par un heureux hasard, la charte de coutumes de Montégut a été conservé, sous la forme d'une copie tardive qui contient cependant la majeure partie des données de la charte primitive. Les coutumes de Montégut sont conservées dans le 25e volume des Glanages de Jean-Baptiste Larcher, un érudit bigourdan qui transcrivit vers le milieu du 18e siècle un nombre considérable d'archives médiévales concernant la région (les volumes originaux se trouvent à la Bibliothèque Municipale de Tarbes). Les mentions entourant le texte indiquent que l'original du document fut trouvé dans les archives royales conservées au trésor des chartes de Pau: il s'agit donc ici de la copie réalisée pour l'administration royale, et non de l'original conservé à Montégut, perdu bien plus tôt. Ce document possède une structure assez simple:
On peut ainsi distinguer plusieurs « strates » dans la composition du document. Le noyau d'articles le plus ancien est difficile à démêler des autres. Ce premier ensemble correspond aux coutumes primitives du castelnau. Celles-ci ont été accordée le 4 octobre 1279 par Arnaud-Guilhem II de Monlézun, comte de Pardiac6. Elles ne correspondent d'ailleurs pas forcément à la date de fondation du castelnau, qui est peut-être plus ancien (c'est de toute façon le cas pour le château, qui a une « vieille barbacane » en 1356). Ce premier document est repris et complété le 19 septembre 1357 par ordre du comte de Pardiac, Arnaud-Guilhem de Monlézun, petits-fils du premier donateur7. Cette deuxième charte est confirmée en 1369, et de nouveau en 1453 par les comtes de Pardiac, date de la dernière transcription de la charte de coutumes. Cette date indique probablement celle du parchemin que découvrit Larcher dans les archives paloises, qui lui servirent de base de travail. Cette charte fut une dernière fois confirmée en 1553 par Antoine de Bourbon, roi de Navarre et héritier des comtes de Pardiac et d'Armagnac, mais en français cette fois et sur un parchemin à part. La rédaction du document s'étend donc sur plus de trois siècles, si on prend en compte l'ensemble des copies réalisées et des confirmations. Le document le plus ancien dont parle le texte des coutumes de Montégut est donc un parchemin que présentèrent les habitants de Montégut en 1357 au juge ordinaire du comté de Pardiac, Jean de Bernio, et dont le contenu servit à rédiger la charte. Il s'agit certainement de la charte accordée en 1279. A cette occasion, plusieurs habitants du castelnau se déplacèrent au château de Monlézun, principale forteresse du comté, où ils rencontrèrent Jean Bertrand, procureur du comte de Pardiac (le texte précise: Arnaud-Guilhem, comte de Pardiac, baron de Biran et Ordan8). Le coseigneur du lieu, Arnaud de Montbardon, semble également avoir été présent9. Se sont déplacés les quatre consuls de Montégut, Gaillard du Pont, syndic, Auger de Castagne, Guilhem de Bonelle et Arnaud de Lestrade, et neuf autres chefs de famille (servant de témoins), dont le forgeron -le seul dont la profession soit indiquée: Raymond Ruphi, Dominique de Montaut, forgeron, Pierre de Mediaville, Arnaud Ruphi, Arnaud Marquade, Arnaud le Bigourdan, Arnaud le Béarnais, Jean de Lasserre, Giraud de Tarbes10. Suit la liste des droits accordés. L'ordre des articles ne semble avoir aucune logique, mais c'est là un fait courant dans les chartes médiévales. Ici, il est probable qu'il existe au moins deux états de la rédaction (celle de la charte de 1279 et les articles qui ont été complétés ou rajoutés en 1357), ce qui complique encore le problème. Le lecteur attentif notera en particulier que certains articles semblent en apparence faire double emploi. I- Élection des consuls du lieu par les consuls de l'année
précédente, à Noël, sous le contrôle du
bayle
Il faut remarquer que la charte de coutumes de Montégut-Arros
s'inscrit dans une série de chartes accordées par les
comtes de Pardiac depuis la fin du 13e siècle. Le comté reçoit
des coutumes en 1300, le castelnau de Tillac en est doté en 1312,
avec des modifications jusqu'en 134011, le castelnau de Troncens reçoit
sa charte en 131812, le castrum de Villecomtal en reçoit une en
133713... Les comtes de Pardiac, de la fin du 13e siècle jusqu'au
milieu du 14e siècle, ont ainsi doté leurs terres d'une série
de documents juridiques codifiant les relations entre seigneurs et paysans,
et ont été suivi par plusieurs de leurs vassaux – les Montbardon
les Troncens...
Le contexte de cette charte mérite d'être précisé.
En 1357-1358, la grande peste de 1348-1352 fait encore sentir ses effets:
on dénombre encore des foyers endémiques en 1361 en Bigorre
voisine. La population de Montégut, comme partout ailleurs, a du
être sévèrement touchée par la mortalité.
De fait, il est probable que le réfection de la charte de coutumes
procède d'une réorganisation liée à cette crise.
A partir de 1362, le comte de Pardiac Arnaud-Guilhem de Monlézun
prend le parti du roi de France et commence à harceler les troupes
anglaises installées en Bigorre, notamment celles installées
dans la forteresse de la bastide de Rabastens et dans le castrum de Montfaucon.
En 1369, le comte de Pardiac participe à la prise de Tarbes, en
compagnie des bigourdans fidèles au roi de France, après
avoir dispersé la garnison de Montfaucon16. Ses habitants sont alors
dotés par le comte d'Armagnac d'une charte de coutumes, qui précise
notamment que les Montefalconais sont dégagés de leurs obligations
envers les Rabastenais, car ceux-ci, qui soutiennent la garnison anglaise,
sont « rebelles et désobéissants au roi » (rebelli
et inobedienti Domino Regi). Rabastens capitule en 1370.
Il ne fait pas de doute que l'obligation faite aux habitants du castelnau d'entretenir leurs fortifications s'inscrivit dans cette politique: Montégut dut servir de nombreuses fois de base arrière pour les « coups de main » perpétrés par le comte de Pardiac sur les cités voisines. De manière plus générale, il faut noter que la charte de coutumes est une forme de contrat (au sens moderne et juridique du terme) entre les seigneurs et les habitants du lieu: les articles définissent les droits et les obligations réciproques, ils limitent l'arbitraire seigneurial (en interdisant notamment aux coseigneurs tout jugement sans accord des consuls, toute création d'impôt nouveau...). La majeure partie des articles concerne d'ailleurs la justice (droit public et privé, droit rural, commercial, attributions judiciaires des consuls...). Les « libertés et franchises » médiévales accordées aux paysans, telles qu'elles sont vues au travers des chartes, montrent ainsi qu'elles ne sont pas de vraies libertés au sens moderne du terme, mais une limitation des droits du seigneur, qui constituaient autant de garanties pour le paysan. La comparaison avec les coutumes de Troncens étudiées
par Guy Sénac de Monsembernard en 1992 est éclairante17.
Cette charte, datée de 1318, prend place entre la première
version de celle de Montégut en 1279 et sa réécriture
en 1357. La parenté entre les deux chartes est évidente,
d'autant plus qu'elles émanent du même milieu (le groupe de
petits nobles entourant le comte de Pardiac), qu'elles sont presque contemporaines
et qu'elles concernent toutes deux un castelnau.
5-4-La structure du castelnau et de son territoire La seigneurie de Montégut, telle qu'elle est révélée par la charte de 1357, semble déjà atteindre la taille de la commune actuelle, avec un castelnau en son centre, surveillant la vallée de l'Arros et sa vie de passage nord-sud, et un « point de vie » secondaire autour de l'église de La Carce. Les autres églises, plus anciennes, devaient subsister au titre de « chapelles rurales» pour les exploitations dispersées et les passants. La terre est largement exploitée, pour le blé, le vin et la viande (élevage) essentiellement. Les seules « originalités » sont la mention
d'une place de marché (le marcadau, sans doute un simple champ)
près de l'église de la carce et d'une léproserie qui
servait à isoler les ladres de la communauté. Cette léproserie
semble avoir déjà disparu en 1357 car c'est le passé
qui est employé pour désigner leur terre (terra quae fuit
leprosorum).
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