Montégut-Arros



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Monographie de Montégut-Arros (Gers)
 Deuxième partie

HISTOIRE DE MONTEGUT

1-La préhistoire et la protohistoire

 Il n'existe pas d'études archéologiques (du type «inventaire des sites») sur Montégut. De ce fait, il faut se reporter aux travaux réalisés sur les communes voisines, à défaut de mieux, pour tenter de cerner les origines de cette partie de la vallée de l'Arros.

 Les découvertes archéologiques faites à Sénac par Aymé Cazenave dans le deuxième moitié du 20e siècle et les travaux postérieurs d'un jeune préhistorien, David Colonge, permettent de préciser un peu la plus ancienne occupation de la vallée de l'Arros1. Ces études montrent la présence de groupes humains dès le paléolithique, principalement sur les hautes terrasses, avec à Sénac la découverte de sites moustériens de tradition acheuléenne2, sous la forme de bifaces, racloirs, hachereaux... taillés dans des quartzites trouvés localement ou dans du silex importé.

 Plus récentes, les nombreuses haches polies trouvées par Aymé Cazenave dans la région de Sénac, en particulier dans le quartier de Gélabat, révèlent une occupation et des habitats dans cette zone au néolithique3.
Ce même auteur a indiqaué en 1939 la découverte d'une pointe en silex -non datée- dans la tute de l'homme sauvage. C'est l'unique artefact signalé pour la commune4.

 Ces indices montrent sans équivoque que cette partie de l'Arros est occupée très anciennement, sans pouvoir dire cependant s'il existe une continuité d'occupation entre les populations de chasseurs-cueilleurs du paléolithique supérieur et les premiers agriculteurs de néolithique.

 La documentation archéologique manque également pour les âges des métaux, âge du bronze et âges du fer. On peut seulement citer, à plusieurs kilomètres de là, la découverte en 1955 d'une hache de bronze de 435 grammes à Bazillac, dans la vallée de l'Adour.
 

2-Une occupation antique mal connue

 L'occupation à l'époque romaine est bien attestée dans la vallée, elle permet d'avoir des éléments mieux assurés chronologiquement. 
 Vers le début de l'ère chrétienne, les terres sont exploitées par les « aquitains » qui peuplent la région, nommés par César les Bigerrions ou Bigerri (qui donneront leur nom à la Bigorre) et Ausci. Certains auteurs pensent que le nom de Rustaing proviendrait de Rusticani, une branche de ces peuplades installée localement5.

 En -56, le romain Crassus conquiert la région pour Jules César. Vers -25, la province de Novempopulanie (les « neuf peuples ») est créée par l'empereur Auguste. Plusieurs cités existent alors, avec des territoires étendus. La cité des Bigerri et la cité des Ausci semblent avoir pour frontière commune l'Arros à l'endroit qui nous intéresse: le territoire qui deviendra Montégut-Arros correspond ainsi probablement à une frontière antique entre les deux cités (si l'hypothèse d'un maintien de ces frontières dans les diocèses carolingiens est exacte).

 Le territoire agricole est largement mis en valeur, sous la forme de villae, très nombreuses dans toute la région: un espace de plusieurs centaines à plusieurs milliers d'hectares est contrôlé par une unique exploitation, qui comprend les appartements du maître6, souvent luxueux au bas-Empire, les bâtiments agricoles, les logements des esclaves...

 A l'emplacement de l'actuelle abbaye de Saint-Sever-de-Rustan, une puissante villa gallo-romaine s'implante, identifiée à la villa de Primuliac citée dans des textes de la fin de l'Antiquité, propriété d'un Severus qui sera identifié plus tard à saint Sever. Il est très probable que les terres de Montégut relevaient alors de cette puissante villa, qui fonctionna sans interruption pendant toute l'antiquité et le haut moyen âge, et dont le lieu de culte chrétien donnera naissance à une abbaye bénédictine connue dans la première moitié du 11e siècle7.
Cette implantation doit peut-être se rattacher à la proximité de l'antique et très importante voie de la Ténarèze, qui permettait d'exporter le blé (et déjà le vin?) vers le nord de la cité (Eauze, Elusa), alors que les centres de consommations de Augusta Auscorum (Auch), Bigorra (Saint-Lézer) et Turba (Tarbes) ne se trouvaient guère éloignés de plus d'une trentaine de kilomètres, soit moins d'une journée de trajet à cheval.

 Les seules traces à Montégut d'une exploitation antique des terres sont les toponymes gallo-latins (dont la plupart sont douteux, ou plutôt ne semblent pas d'origine locale) et le nom caussade qui désigne une voie antique probable.
 

3-L'obscurité du haut moyen âge

 On ne sait presque rien des invasions barbares dans la région, qui agitèrent tout l'empire romain du 3e (invasions germaniques depuis le nord et l'est de la Gaule) au 6e siècle (invasion des vascons depuis l'Espagne?).

 Après les Vandales, qui ont peut-être détruit la plupart des cités de la Novempopulanie, les Wisigoths envahissent la région à partir de 418, suivis des Francs au siècle suivant.
 Des toponymes comme Gouts, à Miélan (les « goths »), et les noms de villages se terminant en -ens (Barbarens...) suggèrent pour l'actuelle Gascogne la présence pacifique de groupes humains d'origine germanique, qui firent souche localement et furent enterrés là, se mélangeant aux populations locales d'origine aquitano-romaine8. On ne sait presque rien non plus des invasions normandes et sarrazines, les rares textes connus étant peu fiables.

 L'abbé Jean-Marie Cazauran rapporte par exemple qu'« entre Estampes, Castelfranc et Miélan, dans la plaine du Rieuzan, la tradition rapporte qu'il y eut un combat sanglant livré contre les goths. Le sang coula en telle abondance que le ruisseau voisin en fut rougi. Il prit le nom de « ruisseau du sang »: Riuzan. Battus sur ce point, les goths se retirèrent vers les Puntous de Miélan. Les francs les battirent à mi-chemin de Laguian à Villecomtal, au sommet de la côte qui porte le nom de Matagoth, en souvenir de la défaite des Goths ».
 Outre le caractère très discutable des étymologies proposées, on peut suspecter ici une « reconstruction » tout à fait moderne à partir de deux toponymes au sens obscur. On est à tous égards dans le registre légendaire.

 A partir de 781, un royaume d'Aquitaine apparaît, marquant un singularisme gascon qui se renforce au 9e siècle avec les troubles des invasions normandes9. De fait, les ducs(-rois) d'Aquitaine prennent leur indépendance face au pouvoir carolingien, et des comtés se forment.

 Un élément curieux – et authentique celui-là- nous ramène à la création des diocèses  et des comtés carolingiens. Bien que faisant partie au moyen âge du comté de Pardiac, la paroisse de Montégut relevait en 1342 du diocèse de Bigorre.
 On admet généralement que les diocèses se formèrent assez précocement (on trouve des mentions d'évêques dès le 4e siècle pour notre région, et en 506, au concile d'Agde, presque tous les évêchés existants en Gascogne sont représentés).
 On admet également, à la suite de nombreux chercheurs, que les comtés carolingiens, matrice des comtés médiévaux formés vers le début du 9e siècle, se calquèrent sur ces diocèses carolingiens10.
 La situation de Montégut-Arros, incluse dans un comté mais dépendant du diocèse voisin, est donc de ce fait une anomalie, dont on ne connaît bien entendu pas l'origine, mais que l'on peut sans doute faire remonter aux origines du comté de Pardiac au 11e siècle (le comte de Pardiac aurait-il « usurpé » à la Bigorre cette terre frontalière?).

 L'occupation du sol haut-médiévale laisse presque autant de place à l'hypothèse.
 Les rares textes connus révèlent en Gascogne au 9e siècle la présence de vastes exploitations cultivées par des paysans au statut servile, avec la présence d'une ou plusieurs églises rurales dans chacune de ces exploitations, correspondant généralement aux hameaux groupant ces populations. Au 10e siècle, les terres commencent à être partagées en casaux, unités foncières familiales qui facilitent les prélèvements fiscaux: c'est l'ancêtre des exploitations individuelles du moyen-âge.

 L'habitat rural se rencontre alors sous la forme de hameaux ou petits villages dispersés dans une campagne plus ou moins bien mise en valeur (les artigues postérieures montrent une vaste déprise agricole sur des terres qui étaient mises en valeur pendant l'antiquité, mais plus dans cette période), avec des habitations de bois et de terre, au sol souvent excavé, qui n'ont guère laissé de traces dans le sol.

 Pour notre commune, on ne sait rien de tels « villages », mais il est très intéressant de noter deux phénomènes qui se produisent dans cette longue période d'obscurité documentaire:
La christianisation progressive de la région, qui débute vers le 3e et 4e siècle (légendes de saint Orens, saint Misselin...) et se poursuit pendant tout le haut moyen âge (légendes de saint Justin ou saint Savin...). Il est certain que vers l'an mil la Gascogne est couverte d'églises, souvent minuscules, correspondant aux noyaux d'habitats carolingiens, souvent implantés d'ailleurs dans les ruines ou à proximité des antiques villae, qui servent alors de carrières de matériaux.
Cette christianisation se marque dans les sépultures: les cimetières, généralement placés près des églises, se remplissent de tombes dotées d'un (rare) mobilier funéraire « chrétien » (croix...), par l'orientation des tombes vers l'est, et entre le 6e et le 8e siècle par l'emploi des sarcophages en pierre grise caractéristiques de la région11.

 Pour Montégut, des indices ténus font supposer l'existence de hameaux dotés d'églises ou chapelles avant l'an mille.

 La chapelle qui se trouvait près du ruisseau du Lurus, détruite au 18e siècle, portait très probablement une dédicace à saint Martin, saint du 4e siècle très populaire en Gaule. On sait par ailleurs que les églises portant ce nom de saint remontent souvent à la période haut-médiévale.

 L'autre chapelle dont on suppose l'existence près de Saillères pourrait avoir eu une dédicace à Saint Eloi (transcription possible de Saint-Aloÿ en 1755), saint caractéristique des fondations mérovingiennes.

 Par ailleurs, l'église disparue de la « gleyzasse », dans la vallée, près de Villecomtal, a livré d'après l'abbé Cazauran « des reste de sépultures et, notamment, un sarcophage en pierre du pays qui sert maintenant d'abreuvoir dans la maison d'un propriétaire de la localité ». 
Ce sarcophage pourrait être un de ces sarcophages en pierre de Lourdes caractéristiques des 6e-8e siècles. Nuançons immédiatement notre propos en notant que ces sarcophages furent souvent remployés au cours du moyen âge pour servir de sépulture aux membres de la noblesse locale, ce qui fut peut-être le cas ici. Il n'en reste pas moins que ce sarcophage a du être extrait d'un authentique cimetière de l'époque mérovingienne qui ne devait pas être éloigné, au pire, de plus de quelques kilomètres.
 

4-Du 11e au 13e siècle: le temps de la croissance

 Les études régionales portant sur le moyen âge central permettent d'entrer, avec les premières archives conservées, dans un terrain moins conjectural.

 A partir du 11e siècle la croissance économique permet une augmentation rapide et sensible de la population. En Gascogne cette progression démographique se marque par plusieurs phénomènes:
le défrichement de nouvelles terres, qui avaient souvent été mises en culture dans l'antiquité mais avaient été abandonnées par la suite car trop ingrates: terres humides des bords de cours d'eau, terres en pente des collines... Ces terres sont repérables par des noms caractéristiques: artigues, barthes, treytes...
la création de nouveaux habitats, pour absorber cette population nouvelle, et souvent son encellulement. Les fermes, souvent dispersés en exploitations individuelles ou en hameaux, se regroupent autour d'une église (bourgs ecclésiaux), d'une route ou d'un carrefour (villeneuves...), d'un château (bourgs castraux, castelnaux) pour former des villages.
la « féodalisation » de la société est rapide. Une minorité de personnages, que l'on assimilera assez rapidement à la noblesse, s'empare des terres sous la forme de territoires de taille souvent modeste, les seigneuries. La conséquence la plus visible est la parcellisation des pouvoirs et des terres, à l'échelle du comté (création du comté de Pardiac vers 1020) comme à l'échelle de la seigneurie (formation de petites seigneuries, avec des familles nobles qui s'implantent localement et exploitent la main-d'oeuvre paysanne et servile). Une autre conséquence est la « brutalisation » de la société, avec de nombreux conflits locaux et régionaux entre seigneurs, qui justifient la création de fortifications allant de la motte de terre portant un donjon en bois (motte castrale) à la petite ville fortifiée de fossés, tours et murailles.

 A Montégut, on retrouve sous forme archéologique des traces assez nombreuses de cette croissance médiévale, et l'on peut déterminer trois grandes phases dans l'évolution du peuplement:

1- L'habitat, vers le 11e siècle, est probablement dispersé sur le territoire communal, dans sa partie facilement cultivable. La « chapelle » Saint-Martin, près du Lurus, peut-être l'église Saint-Eloi près de Saillères en sont l'indice le plus probant. Les coteaux ne devaient être que très partiellement exploitées et conservés comme réserve forestière.

2- C'est probablement vers le 11e-12e siècle également que se crée dans l'ouest du territoire communal, au delà de l'Arros, une petite seigneurie dont on ne connaît pas le nom (Bégolle?), qui doit correspondre à une période d'expansion démographique et de défrichement des coteaux boisés frontaliers de Mingot et de Rabastens. Cette seigneurie disparue est repérable sur le terrain par l'emplacement d'une motte castrale arasée et d'une église disparue repérée par le nom de la « gleyzasse » (l'église, gleyze, dotée d'une suffixe « péjoratif » -asse indiquant sa disparition) et la découverte de tombes signalée par Cazauran.
 On peut sans grand risque supposer qu'un petit seigneur (un cadet?) profita de cette zone mal contrôlée pour tenter d'y installer un petit village et sa modeste forteresse en bois et en terre. Il est très probable que cette tentative dut échouer rapidement, peut-être à cause de la formation du castelnau sur l'autre rive de l'Arros.
 Dans le même temps, les marges mal cultivées car trop humides et marécageuses du Lurus et de l'Arros sont drainées et mises en cultures: un toponyme artigues signalé au bord du Lurus en 1755 en est la preuve. Dans tous les cas cet habitat disparu et cette artigue montrent une croissance démographique/économique telle que nombre de terres disponibles durent être mises en valeur.

3- Il est  impossible en l'absence de fouilles de préciser si une motte s'est implantée très tôt ou non sur le sommet du coteau qui porte l'église paroissiale. Plusieurs cas de figure sont envisageables, de la motte « pérennisée » qui a fini par attirer l'habitat à la fondation ex nihilo de la forteresse et de son bourg accolé. Ce qui est certain, c'est qu'au 13e siècle au moins, en tout cas bien avant la charte de 1357, la population de Montégut est au moins partiellement concentrée sur le coteau (le « Mont aigut », le mont pointu, c'est-à-dire en éperon) pour des raisons défensives, près de la forteresse seigneuriale. 

 

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Dernière modification : 1/03/02