Montégut-Arros



Bibliographie * Documents (textes) * Documents (graphiques)
Monographie de Montégut-Arros (Gers)
Cinquième partie

LA VIE ECONOMIQUE

1-L'agriculture 

 Montégut-Arros est un espace rural dominé par l'activité agricole. De ce fait, depuis le moyen âge au moins, et sans doute depuis la plus haute antiquité, l'espace est occupé par des cultures et des productions agricoles.
 Avant de faire un tour « historique » de la documentation, il convient de faire des remarques sur quelques constantes valables du moyen âge jusqu'au 19e siècle, voire à la deuxième moitié du 20e siècle.
 Les exploitations agricoles, les fermes, sont dispersées sur le territoire communal, au milieu des terres de la vallée et des coteaux. En 1755 comme en 1880, la ferme est entourée d'une ou plusieurs granges, d'une cour, un jardin, parfois un pré, plus rarement un puits ou une source canalisée. Les seules exceptions sont sans doute les « places » dans le castelnau, dont on ne sait presque rien. Les cultures sont de plusieurs sortes:
la culture des « bleds »: orge, avoine, carron, millet, sans doute maïs au 18e siècle. Le blé froment panifiable devait avoir une place importante, attestée par le fonctionnement très ancien d'un moulin seigneurial.
la culture de la vigne, présente dès 1356 pour l'exportation, d'un poids économique important jusque dans les années 1880
le « jardinage »: arbres fruitiers en complant, légumes du jardin.
les bois, communaux, seigneuriaux ou privés, faisaient l'objet d'une exploitation rationnelle et très réglementée: parcours pour le bétail (glands pour les porcs...), cueillette des fruits (châtaignes, noix, champignons...), du bois mort pour le feu, du bois d'oeuvre.

 La parcellisation des terres, sensible dès le moyen âge, entraînait un morcellement des propriétés et des terres, qui souvent ne dépassaient pas quelques ares. Le paysage qu'il faut donc imaginer, dès le 14e siècle, est un bocage de petites parcelles corsetées dans des haies d'épineux, d'arbres fruitiers... avec ponctuellement quelques fermes en matériaux périssables, surmontées par le môle église-château-barri, seul espace « urbain » surélevé dans un écrin de verdure. Ce paysage bocager subsiste très partiellement sur les coteaux, avec un rapide grignotage par les bois et les friches, il n'a par contre pas résisté en fond de vallée aux remembrements imposés par le « dieu maïs » ces dernières décennies.

 L'élevage est également présent dans toute la documentation:
on trouve dès le moyen âge trace de troupeaux d'ovins (brebis, chèvres...) qui font parfois l'objet de transactions financières. Au 19e siècle la pratique du parcours des troupeaux des communes voisines sur les terres communales entraîne de nombreux dégâts dans les cultures.
le gros bétail (vaches, chevaux) n'est attesté que ponctuellement, mais il devait exister, au moins pour le transport et le labour.
les basse-cours étaient bien fournies: au 17e siècle les redevances portaient sur des poules, chapons, oies, canards...

 Le portrait qui peut être brossé à partir de la documentation est ainsi celui d'une campagne assez riche et plutôt prospère, sur des terres assez fertiles et variées pour résister à la plupart des crises de l'ancien régime.
 

1-1-La terre au XIVe siècle

 Quelques articles permettent ponctuellement de connaître la structure des terres cultivées à Montégut au 14e siècle. 
 La première impression donnée par le texte (articles 52 et 53 en particulier) est celle d'un espace rural largement exploité, avec de nombreuses terres cultivées, souvent de petites parcelles, entrecoupées de parcelles boisées (hêtraies, chênaies), vraisemblablement une sorte de bocage avec des haies et des clôtures mobiles permettant d'interdire ou d'autoriser le pacage sur les terres selon les saisons et les cultures. Le blé semble être la culture principale, avec de nombreuses vignes. Les troupeaux (ovins et caprins ?), manifestement nombreux, indiquent la pratique à large échelle de la vaine pâture et sans doute de la transhumance. La mention de mises en gazaille1 indique l'existence de systèmes économiques déjà complexes.

 Le statut des terres, au milieu du 14e siècle, semble assez variable. On retrouve cependant l'opposition classique entre les terres du seigneur, la « réserve », et les terres concédées aux paysans, les « tenures » soumises à cens.
 Ainsi, à côté des terres seigneuriales, au statut bien défini (des terres labourables soumises à corvée, des réserves de bois, des vignes), apparaissent des terres cultivées par des particuliers (terres mises à cens), « louées » par les seigneurs, ainsi que des terres gérées collectivement (le padouen, ou terre commune, près de Fréchède, et la terre de Laubernet près de Saint-Sever). 

 Dans l'article 52, la terre du Laubernet (une aulnaie?) voisine avec les honneurs (honoribus) de Pierre d'Ort et Sanche de Mediavila. Ce mot semble désigner des terres qui furent autrefois attribuées en rétribution d'une charge publique, et qui étaient donc dotées d'un statut juridique et fiscal avantageux. Au 14e siècle il est cependant probable que ces terres ne conservaient plus de leur origine honorifique que les avantages juridiques, la charge ayant disparu. La terre  qui était réservée aux lépreux semble également avoir eu un statut juridique particulier, qui n'est pas précisé.
 

1-2-Une société rurale au 17e et 18e siècle

 On ne possède pas de documentation accessible pour les 15e et 16e siècle. Au 17e siècle les archives de l'abbaye de Saint-Sever permettent de voir que le paysage n'a pas fondamentalement changé depuis deux siècles: des tenanciers exploitent de nombreuses petites parcelles, souvent des bleds ou de la vigne, et n'hésitent pas à louer les terres seigneuriales ou celles qui relèvent de l'abbaye de Saint-Sever. Au besoin, plusieurs paysans s'associent pour louer ou prendre à ferme l'ensemble des terres disponibles2.
 Ces fermages, pratiqués à toutes les échelles de la société (les revenus seigneuriaux du Pardiac étaient eux-mêmes affermés) entraînaient des abus. Les archives de Saint-Sever sont remplies de conflits pour non-paiement des redevances. Le 24 avril 1668, l'intendant de Gascogne, Louis de Froidour, fait visiter les biens communaux et royaux dans la seigneurie. A la suite de cette visite, en juillet 1668, le procureur royal fait condamner les habitants du village  « concernant les délits par eux commis dans les bois du roy »3. Les bois seigneuriaux, mal gardés, étaient souvent « visités » par les habitants qui y prenaient du bois en toute illégalité...
 

1-3-L'abbaye de Saint-Sever-de-Rustan, un puissant propriétaire foncier et ecclésiastique

 Les archives de l'abbaye de Saint-Sever contiennent de nombreux actes concernant Montégut-Arros. Avant 1568, l'abbaye était propriétaire des dîmes levées sur la paroisse de Montégut, à la fois la dîme des grains (sur les cultures) et les fruits carnaux (sur tout le bétail et les animaux de basse-cour). En 1724, suite à un procès entre l'abbé et les moines, un document nous apprend que le revenu des dîmes de Montégut  revenait aux moines4.
 L'abbaye possédait également les dîmes de 35 autres églises de la région en 1724 et des terres sur un nombre encore plus important de seigneuries.

 Les dîmes étaient généralement affermées à quelques agriculteurs locaux, souvent associés à deux ou trois, qui profitaient de l'aubaine pour arrondir leur revenus en récoltant plus que le nécessaire.

 Pour tout le 17e siècle, les redevances annuelles étaient de 13 charrettes de grain pour la dîme des grains, six charrettes de blé froment, et six charrettes de carron (mélange d'orge et d'avoine) et de millet. Pour les fruits carnaux les redevances au monastère s'élevaient à 12 paires de volailles, chapons, poules, oisons. Ponctuellement ces redevances pouvaient être transformées en argent. Ainsi en 1612 Vital de Sénac est redevable de 15 livres pour le ferme des fruits carnaux de Montégut.

 On trouve par exemple en 1612 Vital de Sénac (pour les fruits carnaux), Samson Sorbet dit à Pépil, Firmin Fris et Jean Sorbet dit Jean Poguet de Montégut; Domenge Damail, Guillauton Maumus et Pierre Caton de Montégut en 1652; Arnauton Baudean dit Lespaignol5 et Pierre Salles de Lahitau (Sénac) en 1653.

 L'abbaye possédait également des terres, issues d'achats ou de donations, qu'elle louait en les mettant en fermage. Un extrait de cadastre de 1700 mentionne 25 journaux de terres appartenant aux moines situées « entre le presbitère et la chapelle de [...]6 depuis le chemin royal jusqua la rivière de Larros », soit une douzaine de parcelles de taille variable, affermées alors pour 25 sacs de froment et 5 paires de chapons7. Sur une des parcelles se trouvait également une grange, où était stocké du matériel agricole. Un inventaire réalisé en 1791 montre dans cette grange la présence de matériel viticole: un pressoir, des tonneaux...

 En 1707, ces terres sont louées globalement à cinq agriculteurs de Montégut, Pierre Castan Depey dit la Seurete, Pey Casaux Clareton, Jean-Pierre de Sens, Bertrand Soler et Jean Castan. Un arpentement réalisé en 1711 indique que ces cinq personnes cultivent l'ensemble des parcelles louées, et en 1712 un mandement du baile royal Dominique Sorbet montre que les fermes n'ont pas été payées depuis quatre années... On ne sait comment se termina ce conflit, mais les archives montrent que postérieurement le syndic de l'abbaye loua les terres parcelle par parcelle, ce qui était apparemment plus rentable et comportait moins de risques8.
 

1-4-Les livres-terriers de 1700 (?) et 1755

 Les archives conservent la trace d'au moins deux anciens livres-terriers. Ces gros registres, ancêtres de nos cadastres, contenaient l'ensemble des terres de tous les habitants de Montégut et de ceux qui y cultivaient des terres ou avaient des propriétés, avec les redevances dues (comme aujourd'hui: un cadastre est avant tout un document fiscal. L'usage qu'en fait l'historien est un «détournement»).
La principale différence est que le livre-terrier n'est pas un document graphique, il n'y a pas de cartes: chaque terre est décrites par ses confronts, sa surface, son propriétaire et les redevances liées.

 Le plus ancien cadastre dont on possède un fragment remonte à 1700. Les moines de Saint-Sever en firent faire une copie partielle contenant l'ensemble des terres leur appartenant, et firent réaliser un nouvel arpentage de leurs biens en 17119. La seule information connue sur ce document est que les moines possédaient et louaient alors 25 journaux de terres (environ 5 hectares), partagés en une douzaine de parcelles mitoyennes, pour 25 sacs de froment et 5 paires de chapons.

 Le cadastre suivant, daté de 1754-1755, nous a par chance été conservé10. Il contient l'ensemble des biens et des propriétaires de Montégut à cette date.
Les biens sont partagés en quatre grandes catégories:
biens des habitants de la commune, essentiellement des roturiers
biens  de propriétaires forains
biens appartenant au roi
biens communaux

 Les biens nobles correspondent aux biens possédés par le roi: le moulin, le bois dit « bois du roy »,
Les biens communaux sont bien connus: terres communes, l'église et son cimetière, la chapelle et le cimetière de la Carce, les chemins (au nombre de 26), l'Arros...
Les biens roturiers sont les plus nombreux, et correspondent au reste des terres, terres labourables, bois, landes ... mis en fief.

 Le territoire compte alors 1188 arpents 1 journal et 3 places, soit sensiblement la surface actuelle (1529 ha), correspondant à un « allivrement » (impôt) de 425 livres 10 onces.
 

1-5-Les terres mises à cens

 Les terres des particuliers n'étaient pas entièrement leur propriété. Jusqu'à la Révolution, elles étaient grevées d'un impôt (parmi de nombreux autres), le cens ou mise en fief, qui rappelait que le seigneur était propriétaire éminent de toutes les terres et que les paysans n'en avaient qu'un droit d'usage.
Les propriétés sont très morcelées en 1755: 257 propriétaires se partagent l'espace cultivable. Le roi lui-même ne possède qu'un peu plus de 13 arpents de terres (moins de 15 hectares), la communauté une trentaine d'hectares.

 Les terres sont cultivées par 97 propriétaires locaux et par des agriculteurs venant de 18 localités voisines, de quatre ou cinq kilomètres à la ronde. 
Les propriétés de sont de taille très variable, selon la fortune et le statut social des personnes: nombres d'artisans par exemple n'ont que quelques lopins, complément nécessaire à leur activité, mais ont souvent plus que les simples journaliers (voir supra pour la répartition des fortunes foncières, chapitre IV-6).
 

1-6-Les terres de la communauté en 1755

 Le livre-terrier permet de connaître avec précision les biens de la communauté d'habitants, la « veziau ». Les terres de la communauté représentent alors 31 arpents 3 journaux et 8,25 places, mises en fief pour la somme symbolique de 8 onces. Ces terres sont constituées de chemins, de terres et de bâtiments.

 Les chemins sont au nombre de 26, ils correspondent aux actuels chemins communaux et vicinaux, qui étaient alors à l'entretien de la communauté d'habitants.

 Les terres sont peu nombreuses: 14 parcelles de terres, plus le bois du Faget, correspondent à l'essentiel des biens. Ces terres sont dispersées et ne sont pas cultivées, à une exception près: ce sont des bousigues (friches) et des bustarra (bois taillis), plus une broca (haie ou buissons d'épineux).
Ces terres sont implantées essentiellement sur les limites du finage, sur les coteaux, les mauvaises terres difficiles à travailler, celles qui étaient destinées au pacage du petit bétail.

A côté de ces terres, la communauté possède et entretient une série de bâtiments:

l'église paroissiale Notre-Dame-de-l'Assomption et le cimetière attenant
le presbytère, avec jardin et pré
la chapelle Notre-Dame-de- la-Carce et son cimetière
la tuilerie et les terres attenantes, dite « terre noble »
des maisons dans l'enceinte du château: « masures et places de molié au castet ».

 Si l'on excepte les maisons du château et l'église de la Carce, la situation n'est guère différente de celle du 19e siècle.

 Localisation des biens identifiables de la communauté de Montégut-Arros en 1755:
chaque cercle représente un bien mobilier, chaque carré une parcelle. 
E: église
T: tuilerie
P: presbytère
M: maison
 

1-7-Les terres du seigneur

 Le cadastre de 1755 relève également les terres seigneuriales, c'est-à-dire à l'époque les terres du roi. On trouve essentiellement des terres, ainsi que le moulin (avec son canal et ses terres). L'emplacement de ces parcelles est remarquable: groupées au centre de la seigneurie, autour du moulin, du château, de l'église de la Carce. Il s'agit là probablement des vestiges des terres seigneuriales du moyen-âge: le seigneur avait la château, le moulin (droit de ban), ainsi que l'emplacement de la « carce », la prison qui a laissé son nom au quartier et à l'église de ce nom.
Certains toponymes sont révélateurs: la terre de la bailie, près du château, donne l'emplacement de la maison de cet officier seigneurial, qui vivait entre son maître et le bourg du castelnau. La terre de la capère, proche du cimetière de Notre-Dame de La Carce, correspond probablement à la terre qui était allouée pour l'entretien du prêtre, non loin du presbytère.

1-8-Le progrès agricole?

 La documentation est trop lacunaire pour savoir si le village profita des progrès agricole. On sait par divers documents que des marchands espagnols venaient dans la région acheter du vin. La route voulue par l'intendant d'Etigny dans les années 1750-1760 permettait d'aller vendre ses surplus de grains aux marchés de Miélan, Mirande ou même Auch. Le maïs devait déjà être cultivé assez largement à cette époque, comme le signale le voyageur anglais Arthur Young pour la Bigorre et le Béarn. Le bétail devait être peu important, comme l'atteste le faible nombre de prairies. Au 19e siècle encore, le bétail est essentiellement composé de boeufs de labour, très peu de vaches laitières ou à viande.
 

1-9-L'apparition du système métrique et la fin des monnaies de compte médiévales

 Avec la Révolution apparut un système de mesures unifiées: le mètre, le litre... N'oublions pas qu'avant 1789 presque chaque ville et village avait son système de mesures, qui n'était que rarement compatible avec celui du voisin, ce qui entraînait de très nombreux conflits.

 L'ensemble des mesures employées à Montégut depuis le moyen âge disparut ainsi, tant celles de volume (les coupet et autres pugnères) que de surface. Un traité écrit en l'an X11 nous donne les correspondance valables pour l'ensemble du canton:

1 escat= 0,09972 are
1 place= 1,795 ares
1 journal= 0,28725 ha
1 arpent= 1,149 ha

et réciproquement:

1 are = 10, 0281 escats
1 are= 0,5571 place
1 ha= 3,4813 journaux
1 ha= 0,870322 arpent

On avait un escat qui valait 14 pans de côté; une place valait 18 escats; un journal valait 16 places; un arpent valait 4 journaux.

 Dans certaines communes (Aux, Bastanous... ) on parlait de casal au lieu de journal. Le journal était, traditionnellement, la surface de terre qu'un homme pouvait travailler dans une journée, soit environ un quart d'hectare. C'était également à peu près la taille d'un jardin, qu'on nommait en gascon moderne le casal ou casalère, d'où l'équivalence des deux mots en terme de surface dans certains villages12.
 Toutes ces mesures anciennes n'ont pas disparu immédiatement: les cadastres réalisés 30 ans plus tard dans la région ont encore une double échelle en mètres et en pans... De plus, les actuelles parcelles de terre, dont les limites ont peu bougé, peuvent encore être mesurées en journaux et arpents.

 La monnaie a également disparu au début du 19e siècle avec l'apparition du Franc Germinal, dont le dernier avatar a disparu en 2002 avec l'avènement de l'euro.
 La monnaie était subdivisée en livres, sous et deniers. Une livre valait 20 sous et 240 deniers (un sou valait donc 12 deniers). On trouvait également une subdivision, le liard, qui valait trois deniers. Dans la réalité quotidienne, d'autres monnaies circulaient, de valeur différente de cette monnaie de compte. C'est ainsi que les actes sont souvent rédigés en écus petits (valant plus de trois livres au 18e siècle) ou en louis (monnaie d'or au portrait royal valant 12 livres 10 sous au début du 18e siècle en Comminges).
 

1-10-Les terres en 1830

Le cadastre de 1830 permet de faire un premier bilan complet de l'agriculture communale. On peut y relever les chiffres suivants:
terres labourables: 631 hectares
jardins: 17 hectares
prés: 94 ha
vignes: 280 ha
bois: 397 ha
pâtures, landes, friches: 55 ha
 
 L'essentiel des terres sont cultivées pour les bleds ou le « milloc », l'élevage reste assez important comme ressource d'appoint, la polyculture est la règle (blé/vigne/élevage/jardin). L'étude des fortunes foncières, effectuée plus haut, montre une grande diversité des situations et un important morcellement des terres.
 Quarante années plus tard, le recensement de 1872 fait l'inventaire complet des animaux du village: 73 chevaux, 1 mulet, 22 ânes, 247 bovins (dont 196 boeufs), 98 ovins, 274 porcs, pas de caprins, 12 ruches, 126 dindes, 237 oies, 175 canards, 2049 poules et poulets, 9 pigeons et 59 chiens.
 L'élevage est limité (on compte seulement une cinquantaine de vaches laitières ou à viande et un seul troupeau d'ovins), par contre les basses-cours sont importantes et bien fournies: ce sont elles qui apportent l'essentiel de la viande consommée. La plupart des prairies semblent réservées aux chevaux, aux quelques ânes et aux bœufs, qui forment l'essentiel de la force motrice disponible pour labourer et se déplacer.
 

1-11-L'exploitation des terres communales au 19e siècle

 Divers actes conservés dans les registres communaux permettent de connaître en détail la gestion des terres communales au cours de ce siècle.

  En janvier 1835, le conseil décide par exemple de faire couper et vendre les bois communaux, sauf ceux du Hajet et de la Tuilerie, pour aider à la reconstruction des ponts de la commune. En janvier 1836, les bois communaux -de peu de valeur- situés aux marges de la commune ont été pillés: ces bois, essentiellement composés de châtaigniers, sont mis à ferme. Le mois suivant, le maire demande au préfet l'autorisation de poursuivre en justice plusieurs habitants qui ont usurpé des terres et des chemins communaux si ceux-ci ne veulent pas les rendre. En particulier le cas d'un sieur Duffar de Saillères est évoqué, qui a usurpé depuis 28 ans un morceau de chemin dit chemin de saint Martin. En août 1837, l'arpentage des bois à céder a été réalisé et les terres (6 parcelles, soit un peu plus de 7 hectares) sont mises au enchères à la bougie et cédées en mai 1838. Une première enchère, au mois d'avril, avait été annulée car les enchères étaient trop faibles. La somme de 4590 francs est finalement récoltée, pour servir à l'édification d'un presbytère et d'une maison d'école.
 Il ne restait en fin de compte à la mairie que quelques terres voisines de la tuilerie en 1837, qui furent régulièrement affermées au cours du 19e siècle.

 Le passage des troupeaux causait de grands ravages dans les cultures: les bergers souvent issus de villages voisins ne s'embarrassaient guère des interdictions, ils détruisaient les clôtures et faisaient pâturer les bois en défens au mépris de la réglementation. La municipalité tenta d'intervenir à plusieurs reprises, sans grand succès. Le 19 août 1876, l'adjoint au maire demande à ce que les chevriers et bergers des communes voisines ne soient plus autorisés à venir faire pacager sur les terres communales, sous peine d'amende de 50 à 150 francs. Le 13 août 1878, le conseil interdit tout pacage de bête étrangère sur le territoire communal en dehors des mois de septembre et octobre, en raison « des dégâts considérables causés aux récoltes de toute nature ». En 1856, un garde-champêtre assermenté est créé pour faire respecter les règlements, notamment sur la vaine pâture. Jean Delort dit Joseph, un ancien militaire, est le premier nommé à ce poste. Il est rémunéré 50 francs en 1893. En mai 1888, le conseil municipal doit délibérer de nouveau sur ce problème de vaine pâture. L'interdiction est renouvelée, preuve que les bergers ne la respectaient pas. Le problème ne fut résolu qu'avec la disparition des troupeaux au début du 20e siècle.

 On trouve ponctuellement des mentions plus curieuses. Il existait par exemple un fermier des boues, qui ramassait les boues des chemins et les vendait aux propriétaires pour en engraisser les terres (en 1889). 
 

1-12-Le phylloxéra:

 Le premier tournant de l'agriculture à Montégut-Arros se situe à la fin du 19e siècle, vers 1881-1882, avec l'apparition du phylloxéra qui détruisit la quasi-totalité des vignes de la commune: les fermes, déjà mises à mal par le départ de nombreux jeunes, furent pour la plupart ruinées, la production céréalière et l'élevage sur des terres trop étriquées et avec des rendements trop faibles étant insuffisants pour assurer le maintien des revenus. 
Ce bouleversement est rapporté par divers documents communaux:

« L'an mil huit cent quatre-vingt-trois et le sept octobre le Conseil Municipal de la commune de Montégut-Arros s'est réuni extraordinairement dans la salle de ses délibérations en vertu d'une convocation régulière et sous la présidence de M. de Maire.
 Présents: M.M. Bergez Léon, Castay Arnaud, Caussade Germain, Forgues Sylvain, Galin Jean-Marie, Pujos Jean-Marie, Sénac Dominique, Sénac Isidore, Soulès Bertrand et Laporte Maire.

M. le Président expose que le Conseil Général du Gers dans sa séance du 25 août dernier, a décidé, avant de voter de nouveaux sacrifices pour la continuation du traitement par le sulfure de carbone, des vignes phylloxérées dans le département, d'ouvrir une enquête où seraient appelés à donner leur avis, les Conseils municipaux, les sociétés et Comices d'Agriculture, tous les propriétaires et viticulteurs, afin de pouvoir se fixer sur l'opinion générale.
En conséquence il invite le Conseil a vouloir bien délibérer sur les trois questions suivantes:
1° Y-a-t-il lieu de continuer purement et simplement les traitement par le sulfure, des vignes phylloxérées, et en même temps, d'ajourner l'introduction des plants américains.
2° Convient-t-il, au contraire, d'autoriser, dès maintenant, cette introduction et de renoncer au traitement déjà entrepris?
3° Est-il opportun, enfin, tout en introduisant dans le pays des cépages étrangers, de maintenir quand même et  concurremment le traitement par le sulfure?

 Le Conseil,
 après avoir scrupuleusement étudié les trois questions dont il s'agit, estime qu'il y a lieu de continuer le traitement par le sulfure de carbone, des vignes phylloxérées, tout en demandant l'introduction, dans le pays, des cépages étrangers.
Ainsi délibéré à Montégut-Arros, le jour, mois et an susdits. [signatures] ».

 Le 25 octobre 1891, la Société d'encouragement d'Agriculture du Gers propose à la commune la visite d'une professeur de viticulture parisien, M. Viala, de l'Institut national Agronomique « considérant que la commune [...] est une des plus frappées du département du Gers par le [terrible fléau] phyloxéra ». Celui-ci ne peut que constater l'étendue des dégâts et proposer la mise en place rapide de plants américains. Ces plants sont cependant chers et délicats à mettre en oeuvre par greffage. Il faut attendre le 29 novembre 1896 pour qu'une subvention de 30 francs soit votée pour faire donner des cours de greffage aux agriculteurs de la commune. Le mal est déjà fait, la plupart des vignes détruites par la maladie ne seront jamais replantées (sur les coteaux en terrasse, d'accès et d'entretien difficiles) et ces terres seront progressivement gagnées par les bois et taillis, faisant considérablement progresser le couvert forestier au 20e siècle.
 

1-13-Les transformations de l'agriculture au 20e siècle

 Les transformations de l'agriculture, considérables dans la deuxième moitié du 20e siècle, sont liés à deux facteurs essentiels:
des avancées technologiques considérables (mécanisation, emploi d'engrais, de pesticides, de semences sélectionnées, création de coopératives...) qui ont entraîné une transformation profonde et durable du mode de production et des types de cultures.
un déficit démographique qui a entraîné la disparition de la quasi-totalité des petites exploitations et la transformation des autres pour produire en masse

 Le premier aspect à noter est la transformation des modes de production agricole: dans les années 1950 les premiers tracteurs ont très rapidement supplanté les boeufs de labour, suivant de peu les moissonneuses mécanique et précédant l'arrivée des moissonneuses et autres lieuses.. Dans le même temps les rendements ont été multipliés par de nouvelles semences sélectionnées, des engrais puissants et des pesticides de plus en plus efficaces. 
 Les conséquences ont été multiples: on doit noter d'abord l'abandon de toutes les terres qui n'étaient pas mécanisables, en particulier les terres en espalier des coteaux. Les vignes, déjà malmenées depuis le début du siècle par le phylloxéra, ne sont plus entretenues ou sont arrachées (dans les années 1950 et 1960 pour celles qui subsistaient). Actuellement la vigne n'existe que dans quelques très rares parcelles résiduelles cultivées à titre privé et non commercial. Il n'est pas rare aujourd'hui de rencontrer dans les bois d'anciennes terrasses de culture de la vigne, voire des pieds de vignes « sauvage ». 
 De fait, les bois ont pris une importance considérable (560 hectares en 2000) et sont le paradis des chasseurs et des cueilleurs de champignons, avec les abus que l'on sait.

 La deuxième conséquence importante est que les terres mécanisables, essentiellement les terres de la vallée de l'Arros, ont été massivement converties à la culture du maïs, devenue une quasi-monoculture, poussée par de puissantes coopératives et nécessitant des investissements énormes (tracteurs, charrues ou même moissonneuses) qui interdisent une diversification qui serait pourtant utile si les cours venaient à chuter. Les seuls autres types de production se trouvent justement au Lurus, où le manque de terres à maïs a favorisé le maintien de fermes en polyculture (élevage bovin, élevage de palmipèdes « gras »). Dans le même temps le nombre d'exploitation s'est réduit considérablement: il subsiste 7 exploitations pour 800 hectares de Surface Agricole Utilisable.

 Le faible nombre d'agriculteurs, l'obligation du rendement constituent la norme actuelle, ce qui va  à terme poser une série de problèmes épineux:
les fermes, souvent de beaux bâtiments du 18e siècle, sont de plus en plus souvent agrandis -et défigurés- par des bâtiments en tôles, seuls susceptibles d'accueillir des machines de plus en plus imposantes. Il y a là de toute évidence un problème d'adaptation des structures bâties à la production. Et si la ferme est vendue à un non-agriculteur, la ferme perd de sa valeur marchande si elle a été trop transformée et a perdu son « cachet » ancien .
le remembrement visible dans la vallée de l'Arros a entraîné la disparition des haies et favorise le ruissellement. Le paysage est devenu uniforme par endroit, la biodiversité est réduite et la vie animale s'est réfugiée dans les bois. Les cerfs et les sangliers, de fait, prospèrent dans cet environnement: les bois offrent un abri aisé, les champs sont une réserve de nourriture d'accès facile... et les dégradations se multiplient malgré les nombreuses battues.
le paysage prend depuis trente ans un aspect de plus en plus « industriel » ou bien « en friche » (pour la zone boisée), ce qui le rend moins attractif pour celui qui veut vivre à la campagne sans entretenir les terres (ce qui est le cas de la plupart des nouveaux habitants du village). Qui va entretenir ces paysages? A quel prix? Comment concilier respect de l'environnement et productivité?

 Ces quelques questions posées mettent l'accent sur l'évolution du monde agricole contemporain, de plus en plus lié au monde, soumis à des contraintes (économiques, sociales, techniques...) de plus en plus fortes.  Les réponses seront difficiles à trouver et à accorder.
 
 

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Dernière modification : 1/03/02