Andrest



Bibliographie * Documents (textes) * Documents (graphiques)
Cet article a été publié dans la Revue de Comminges fin 2001. Comme cet ouvrage est toujours en vente, je n'ai reproduit que la première partie de ce travail, sans illustration. Si le sujet vous intéresse, n'hésitez pas à vous procurer cette excellente revue!
Les fondations multiples du village d'Andrest

(XIIIe-XVe siècle)
 
 

Par Stéphane ABADIE
 
 
 
 

Introduction




Andrest est actuellement une commune de taille moyenne de la plaine de Bigorre (environ 1300 habitants), à quelques kilomètres au nord de Tarbes. Son habitat moderne et contemporain donne une image trompeuse de cette bourgade. 

En effet, grâce à l'exceptionnel recueil de chartes du cartulaire des vicomtes de Lavedan, le Livre vert de Bénac, et à une série de prospections et de découvertes réalisées depuis 1995, Andrest est sans doute le village dont l'histoire médiévale est la mieux connue pour cette partie de la Bigorre. L'objet de cet article est ainsi de faire un bilan de six années de recherches, en mettant en corrélation l'ensemble des données archéologiques et historiques disponibles, pour réaliser une synthèse de l'évolution de ce territoire entre la fin du XIIIe siècle et le début du XVe siècle.
 
 

Les vicomtes de Lavedan, seigneurs d'Andrest (1272-1429):
 
 

La généalogie des vicomtes de Lavedan est bien connue grâce au remarquable travail réalisé à la fin du XIXe siècle par Jean Bourdette1. Nous avons repris ici l'ensemble des données généalogiques et textuelles disponibles pour les vicomtes et branches collatérales entre la fin du XIIIe siècle et le début du XVe siècle, concernant la région d'Andrest:

-Raymond-Garcie de Lavedan (v.1251-1293). Le 19 octobre 1272, il échange avec le comte de Bigorre Esquivat de Chabannes ses droits sur la vallée de Barèges contre Andrest, Trougnan, Bagès, Vier, Préchac (ces trois derniers se trouvant dans la vallée du Davantaygue), et 2400 sous morlans avec une rente de 60 sous morlans (rente « remplacée » en 1274 par la terre de Horgues). En 1281 il fait creuser un canal depuis l'Echez à Oursbelille, pour irriguer Andrest.

-Arnaud II de Lavedan (1293-1319) est signalé dans l'enquête de 1300. Il vend le premier septembre 1293 un fonds à la communauté d'Andrest; il fonde le village neuf d'Andrest en 1303 et le « rachète » à Centot de Cassanha en 1310. En 1311, Arnaud II et Ramond-Garcie son fils vendent cinq journaux de terres près du fossé de la communauté, le barat beziau.

-Raymond-Garcie II prend le titre de vicomte; le 9 mars 1319, il accorde une charte de padouense aux habitants d'Andrest; il décède en 1338 et son frère Arnaud, seigneur d'Andrest, est exécuteur testamentaire.

-Arnaud (1321-1397), second fils d'Arnaud II, devient seigneur d'Andrest vers 1320 (après le 9 mars 1319, et avant l'acte qui suit): le 19 octobre 1321, il fait don de la terre de Los savas de En Johan d'Ugues, par Bénétris d'Esparros, sa mère et tutrice; cet Arnaud confirme les privilèges de la communauté en 1352, et il confirme encore en 1376 la charte de 1303; prisonnier avec le baron de Bazillac des anglais en 1372, il décède vers 1398, sans alliance et sans postérité. La terre d'Andrest revient donc à la branche principale de la famille, à savoir Arnaud III ou Ramond-Garcie III, respectivement fils et petit-fils de Ramond-Garcie II. On connaît les armoiries de cet Arnaud d'Andrest grâce aux travaux de Gabriel Demay2.

-Arnaud III (cité vers 1339-1370) achète la terre de Siarrouy en 1350. Son oncle Arnaud d'Andrest est témoin de la vente. C'est lui ou son fils qui reprirent Andrest à la mort du précédent.

-Ramond-Garcie III (av.1376-ap.1415), fils du précédent, fit réaliser en 1406 le Livre vert de Bénac, compilation des chartes des vicomtes, ainsi nommé à cause de sa reliure verte.

-Arnaud IV (1416-1422), fils de Ramond-Garcie VI, et sénéchal de Bigorre. Cet Arnaud eut une nombreuse descendance, dont Arnaud et Pélégrin, sire de Siarrouy, décédé en 1463 sans postérité.

-Arnaud V, fils d'Arnaud IV, sénéchal de Bigorre, est cité dans le censier de 1429.
 
 

C'est donc une dizaine de personnages différents qui furent seigneurs d'Andrest et Trougnan pendant ce siècle et demi, le plus important restant le cadet Arnaud de Lavedan, qui fut seigneur du seul Andrest pendant la majeure partie du XIVe siècle et qui fut à l'origine des plus importantes transformations de cette seigneurie.
 
 

I- Le corpus documentaire
 
 

La majeure partie de la documentation est fournie par le cartulaire des vicomtes de Lavedan, encore appelé Livre vert de Bénac, magistralement publié en 1910 par Gaston Balencie. Ce livre fournit les principales chartes de fondation et de « mudament », en 1272, 1303, 1330 et 1340, mais également la majorité des actes seigneuriaux et communautaires: création du canal dit agau en 1281, prise en fief de terres en 1293, 1311, 1321..., reconstruction des ponts en bois entre Andrest et Siarrouy en 1342, confirmation des chartes en 1376 etc.

Cette riche documentation est complétée par les censiers et « montres » de 1285, 1300, 1313 et 1429, la « visite » du prieuré de Saint-Lézer en 1402, les pouillés ecclésiastiques de 1342 et 1379, un acte isolé de 1342 (lettre de rémission citée par Charles Brun, Histoire du canton de Trie, aux AN mais non localisé), et la cote I212 aux ADHP. Les Glanages de Jean-Baptiste Larcher reproduisent un certains nombre de ces actes et d'actes complémentaires, parfois commentés (en particulier dans les tomes XIII et XXI). La Sommaire Description du païs et comté de Bigorre de Guillaume Mauran apporte enfin un détail intéressant sur la disparition de Trougnan.

L'ensemble de ces textes est complété par les différents plans connus (ici principalement la carte de Cassini et les cadastres contemporains) et des photos aériennes.
 
 
 
 

II- Le corpus archéologique
 
 

Grâce à une série de prospections menées en 1995 et 1996 et à la découverte fortuite de l'église de Trougnan en 1999, l'occupation antique et médiévale de ce territoire est assez bien connue3.

Notons immédiatement qu'aucun vestige antérieur à notre ère ou haut-médiéval n'a été à ce jour répertorié, la documentation se résumant à des indices antiques, médiévaux et modernes. Seul le nom du territoire - andrest, avec un suffixe prélatin en –est, indique une occupation sans doute antérieure à la romanisation.
 
 
 
 

1- Les vestiges antiques
 
 

La toponymie n'est applicable qu'à Trougnan, dont la terminaison en –an(um) peut correspondre à un suffixe de propriété antique.

Le principal élément antique est une voie fossilisée, qualifiée de poutge, reliant Vic-en-Bigorre à Tarbes pour cette portion, qui a livré des traces d'habitat antique à proximité et des tessons de panse d'amphore sur un de ses bas-côtés (cf. les prospections de Jean Sabathié). Cette voie semble servir de « séparateur » pour l'habitat antique et médiéval, qui se concentre entièrement à l'ouest de cet accès.

A environ 200 m à l'ouest de la poutge, sous une église médiévale Saint-Vincent, nous avons retrouvé l'emplacement d'une villa antique: lors d'une excavation, le site a livré, sous une inhumation en pleine terre, un sol en mortier de tuileau.

D'autres habitats, plus limités, ont été repérés, et semblent correspondre dans la majeure partie des cas à de petites structures, en général marquées par des tegulae (des casae ?). Un seul habitat, au bord de la poutge, a livré des traces de galets noyés dans le mortier, d'interprétation délicate.
 
 
 
 

2- L'occupation médiévale
 
 

L'habitat médiéval est mieux connu.

Une grande partie de la voirie, très régulière sur ce territoire, semble d'origine médiévale, si ce n'est antique pour certains chemins (voir infra). La principale voie d'accès médiévale semble avoir été un chemin orienté nord-sud traversant le noyau ancien du village, passant près de l'église Saint-Barthélemy et poursuivant vers Trougnan, dont l'église est installée en bordure. Le chemin menant de Siarrouy à Andrest remonte au moins au XIVe siècle, puisque ses ponts de bois furent reconstruits en 1342.
 
 

La zone correspondant au village actuel d'Andrest est la plus riche:

Dans le quartier de la Mothe ou du Tuco subsiste la trace d'une plateforme castrale et d'une motte démantelée, au bord du canal dit l'Agau. Dans un rayon de 100 m autour de ce site, nous avons trouvé des tessons de céramique commune rouge (oreille de « bol », fragments de panses) de la fin du moyen âge. Immédiatement à l'est de cette fortification, dans le champ qui fait face au-delà de l'Agau, de très nombreux tessons de céramique commune rouge et blanche affleurent (XIIIe-XVe siècle), indiquant l'emplacement d'habitats disparus dont le cadastre n'a pas conservé la trace.
 
 
 
 

Dans le quartier de Saint-Vincent de très nombreux tessons affleurants (céramique blanche surtout) indiquent la présence d'habitats pendant tout le moyen âge. L'église Saint-Vincent est attestée dans cette zone par la documentation, entourée d'un cimetière.

A noter, plus à l'est, un toponyme Crestias qui indique l'emplacement d'une cagoterie (non prospectée car un lotissement contemporain y est implanté).
 
 

Le village moderne d'Andrest conserve un plan régulier d'origine médiévale. L'habitat privé ne remonte pas au-delà du XVIIe siècle, mais Francis Guinle a retrouvé en remploi dans un mur un fragment de mortier en pierre à usage culinaire (XVe siècle ?).

L'église Saint-Barthélemy conserve un clocher-mur médiéval noyé dans la maçonnerie du clocher du XVIIIe siècle (vers 1303-av.1330), ainsi que deux bases de colonnes romanes en remploi sous des fonts baptismaux en pierre moderne dans le transept sud (XIe-XIIIe siècle).

Du château des vicomtes il ne subsiste que des fragments de murailles arasées, un emplacement surélevé et les traces de fossés récemment comblés. Le bâtiment, dont on peut restituer le plan, est connu par des mentions médiévales et un inventaire notarial du XVIe siècle. L'église Saint-Barthélemy conserve dans ses murs quelques fragments de blocs provenant de la démolition de cette forteresse.
 
 

L'église de Trougnan a été retrouvée par un décapage au bulldozer en mars 1999. Elle n'était attestée jusque là que par une mention en 1342. Ce petit édifice maçonné en galets et mortier, arasé jusqu'aux fondations, conserve trois contreforts au chevet dont un contrefort axial. Ces contreforts raidisseurs ne peuvent cependant suffire à attester la présence d'une voûte, très improbable étant donné la faible épaisseur des murs.

La céramique trouvée à proximité indique la présence de quelques habitations ayant disparu à la fin du moyen âge (XIVe ou XVe siècle). Le contrefort axial de cette église est caractéristique d'édifices de la deuxième moitié du XIe siècle, comme l'abbatiale de Larreule ou l'église de Puntous dans le Magnoac. On peut donc proposer la fin du XIe siècle comme hypothèse de datation pour cet édifice, s'il ne s'agit pas d'un archaïsme du XIIe siècle.
 
 
 
 
 
 

Document 1: Relevé du plan de l'église de Trougnan. Le bâtiment a été épierré jusqu'aux fondations au niveau de la nef, nous n'en connaissons pas la longueur exacte.
 
 
 
 
 
 
 
 

III- L'interprétation des documents: trame événementielle et essai d'analyse
 
 

1- Avant Andrest: quelques problèmes posés par l'origine et l'évolution des territoires d'Andrest et de Trougnan
 
 

Étudier cette zone avant le XIIIe siècle, c'est s'exposer par manque de sources aux hypothèses les plus hasardeuses. Nous avons cependant essayé de mettre en avant quelques problèmes généraux et quelques indices.

Il faut distinguer ici deux types de territoires qui se recoupent au moyen âge: le territoire paroissial, qui délimite dès le haut moyen âge la «zone d'influence» d'une église et plus concrètement la zone de captation de la dîme; le territoire seigneurial ensuite, souvent apparu très tardivement, qui marque l'emprise d'un seigneur.
 
 

L'origine des paroisses d'Andrest et Trougnan
 
 

Aucune étude n'a abordé jusqu'ici le problème des origines paroissiales de la Bigorre. Si on suit les hypothèses d'autres chercheurs de la région (en particulier les études de Jean-Bernard Marquette et ses étudiants pour la région bordelaise et les Landes4), les premières paroisses du haut-moyen-âge (vers le Ve-VIe siècle) seraient de «grandes paroisses » rayonnant autour des principaux centres d'habitat, et pouvant dépasser dix mille hectares et regrouper plusieurs dizaines de noyaux d'habitats secondaires. Progressivement, jusqu'au XIe siècle, des paroisses secondaires se détachent de cette grande paroisse, qui finit par se fragmenter en de nombreuses petites paroisses de quelques centaines à quelques milliers d'hectares, dont on perçoit l'existence à partir du XIIIe siècle en Bigorre5.
 
 

Notons sans les détailler les difficultés multiples de ces hypothèses et les problèmes d'adaptation au cadre bigourdan, et notamment pour Andrest. Les seules limites connues ici sont les limites communales actuelles, qui sont en règle générale les héritières des limites seigneuriales du XVIIIe siècle, elles mêmes plus ou moins calquées sur les limites paroissiales.

Si on prend le cas d'Andrest, avant 1272 il existe deux églises paroissiales et deux seigneuries dites d'Andrest et de Trougan, mais après 1272 la seigneurie de Trougnan disparaît comme seigneurie indépendante. Par contre la paroisse de Trougnan existe encore au XIVe siècle, et subsiste sous la forme de dîme affermée au XVIIIe siècle, alors même que l'église correspondante a disparu depuis plusieurs siècles. Je ne connais pas par contre les limites exactes, paroissiales ou seigneuriales, entre ces deux parties d'Andrest.
 
 

A défaut de disposer de limites fiables, du moins l'archéologie et la toponymie permettent d'assigner une origine au centre de ces deux paroisses d'Andrest et de Trougnan.

Saint-Vincent est une titulature attestée dès le VIe siècle par Grégoire de Tours, et l'implantation de cette église d'Andrest sur une villa antique plaide en faveur d'une origine haut-médiévale du site.

L'église de Trougnan par contre, peut être datée par l'archéologie du XIe siècle, si on retient la parenté avec des édifices contemporains. Cette église, qui est installée à proximité d'un habitat antique, et à un carrefour de chemins, semble donc correspondre à une phase plus tardive de création massive de paroisses (période de la « réforme grégorienne » ?).
 
 

Au titre de simple hypothèse, nous avons reporté l'ensemble des données archéologiques et hagiotoponymiques disponibles sur le canton de Vic, avec les limites communales actuelles. La datation des hagiotoponymes a été réalisée à partir du travail de Michel Aubrun6. Le résultat de ces datations, donné sans garantie aucune, mérite cependant un commentaire.

On distingue un vaste ovale correspondant très approximativement au canton actuel, dont le centre est Vic, ancien vicus d'origine antique (toponymes Saint-Martin et Saint-Erex). La seule anomalie est une « enclave » formée par Saint-Lézer, castrum autonome pendant le haut moyen âge, et ancienne capitale administrative antique (toponymes Saint-Jean-Baptiste, peut-être Saint-Marie, pour le monastère Saint-Félix puis Saint-Lézer, et églises secondaires disparues Saint-Jacques et Saint-Savin).

Les titulatures des églises existantes et disparues font supposer un essaimage très précoce des église paroissiales au sein de cette hypothétique grande paroisse (entre le VIe et IXe siècle ?), voire plus tôt (par exemple le casal de Saint-Sernin cité au XIIIe siècle près de Camalès, ou l'église Saint-Étienne de Ganos). C'est seulement sur les marges de cette zone que l'on remarque la présence d'églises plus tardives, postérieures à l'an mil, peut-être détachées des paroisses voisines. C'est le cas de la minuscule paroisse de Villenave-près-Marsac, qui dépasse à peine la centaine d'hectares, et dont l'église Sainte-Foy(?) semble remonter au XIe siècle (chevet roman). C'est le cas également de Trougnan, situé à la limite de ce que l'on peut supposer être la « grande paroisse » de Vic et une autre «grande paroisse» de Tarbes. La même remarque vaut pour les habitats et églises disparus de Villenave (au nord de Caixon), de Saint-Pé-de-Bassi (nord de Vic) et des Artigaux (commune de Vic, près de l'Adour).
 
 

Les limites seigneuriales: l'impossible précision
 
 

Les limites des seigneuries (comme des paroisses), en l'absence de documentation fiable, sont également problématiques avant le XIVe siècle, et encore très floues au-delà.

Précisons d'emblée qu'avant le XVIe siècle et les premiers terriers fiables pour cette zone d'étude, il est très délicat de préciser le mode de constitution des limites communales telles qu'elles sont perceptibles sur nos cadastres contemporains.
 
 

Seule la présence d'un cours d'eau ou d'un autre obstacle naturel servant de limite peut être un indice d'ancienneté, mais ce n'est guère le cas pour Andrest. Certaines limites semblent cependant se rapporter à des chemins plus ou moins fossilisés, qui selon Sylvain Doussau pourraient avoir une origine antique. La seule voie antique certaine, la poutge, ne sert cependant pratiquement pas de limite communale moderne. Notons par ailleurs que ponctuellement c'est l'Agau qui sert de limite communale actuelle, ce qui pourrait indiquer qu'à cet endroit la frontière communale (et donc de la seigneurie ayant précédé ?) ne s'est pas fixée avant la fin du XIIIe siècle. Par ailleurs la mise en fief de terres sur les marges du territoire d'Andrest au XIVe siècle montre que ces zones étaient fréquemment des landes, voire des bois, qui ne nécessitaient pas forcément un bornage précis tant que l'usage de pacage était conservé. Les conflits, à la fin du XIIIe siècle, entre la communauté de Tarbes et les communautés voisines à propos des vacants frontaliers indiquent par ailleurs que même si des bornes étaient implantées, leur respect était souvent très relatif. Il n'en est plus de même à Vic au XVe siècle, entre cette seigneurie et celle d'Artagnan: l'inventaire de Plantis, réalisé en 1551, donne une série d'actes qui prouvent que les terres frontalières étaient largement mises en culture, et que les limites entre les deux paroisses et seigneuries (pour des raisons fiscales essentiellement) étaient bien connues et sont restées stables jusqu'à nos jours, même si elles étaient fréquemment l'objet de litiges.
 
 

Il est certain que la formation de ces seigneuries et de ses limites sont avant tout liées à des raisons politiques (donations, mises en fief... dès le XIe siècle sans doute) dont nous ignorons pratiquement tout pour cette partie de la Bigorre, et que la fixation des limites a été une réalisation très progressive: certaines seigneuries ont été assimilées à d'autres jusqu'à l'époque moderne, et les innombrables procès jusqu'au XIXe siècle prouvent à l'évidence que dans le détail ces frontières seigneuriales, puis communales, ne furent fixées avec une précision « cadastrale » que fort tardivement.
 
 

La voirie d'Andrest
 
 
 
 
 
 
 
 

Document 2: La voirie d'Andrest. Relevé et interprétation sommaires.

1- Limites communales actuelles

2-Voirie régulière d'origine antique probable

3-Rectifications postérieures de cette voirie

4-Voirie « en étoile » médiévale
 
 

L'étude de la voirie d'Andrest permet de distinguer trois « époques » probables de création:

-Une première série de chemins orientés nord-sud traversent le territoire communal en le quadrillant. Leur nom, dans toute la région, est « poutge », « poutgette », « poutge herré » etc. D'autres chemins est-ouest semblent avoir existé (chemin de Trougnan menant à Aurensan), mais sont en général moins lisibles. Cette première «strate viaire» pourrait correspondre à la voirie antique régulière mise en évidence par Sylvain Doussau. Elle peut en tout cas être mise en relation avec une part notable de l'habitat antique.

-Postérieurement, certaines de ces voies ont été détournées au profit de nouveaux centres d'habitat, formant plusieurs chemins « doubles » distants au plus d'une centaine de mètres. Le cas le plus évident est le chemin qui traverse dans le sens nord-sud le village actuel et passe devant l'église: à Trougnan ce chemin se partage en deux (chemins de Trougnan et de Peyrelade), probablement dévié au profit du village de Trougnan (au XIe siècle ?). Au nord, sur le territoire de Pujo, cette voie a de même été détournée en direction de la motte et de l'église de Pujo (attestés au XIIIe siècle).

-Une autre structure viaire se superpose aux précédentes, sous la forme d'un faisceau rayonnant partant du village de 1303 et de Saint-Vincent en direction des villages voisins, remodelant et remployant parfois des voies plus anciennes. On peut dater ces voies à partir du village, c'est-à-dire qu'elles sont sans doute postérieures à la fondation de l'église Saint-Vincent, voire du village de 1303.

Notons que les actes de ce siècle, pour cette zone, font grand cas des chemins comme limites de propriétés, qui pourraient dans certains cas trouver une origine plus ancienne (limites de propriétés préféodales?). Le cas de la seigneurie de Pujo, immédiatement au nord d'Andrest, est caractéristique de la persistance de ces limites routières. La terre d'Hugues, détachée vers 1226 de la terre comtale de Pujo par la comtesse de Bigorre, est connue par un plan du XVIIe siècle qui montre nettement que la limite entre les deux seigneuries était la voie antique de la poutge.
 
 

Il est bien évident que ces données doivent être prises avec circonspection, en l'absence d'étude systématique et problématisée pour la vallée de l'Adour.
 
 
 
 

2- Les villages d'Andrest et Trougnan au XIIIe siècle
 
 

Dans le dernier tiers du XIIIe siècle, le territoire actuel d'Andrest (619 hectares) était formé par deux modestes seigneuries distinctes, de taille peut-être équivalente, signalées dans l'acte de vente de 1272: Trougnan et Andrest. Sous le contrôle assez lointain du comte de Bigorre avant cette date, l'habitat ne s'était alors concentré que de manière fort relative autour de deux lieux de culte paroissiaux, l'église Saint-Vincent d'Andrest et l'église de Trougnan.
 
 

L'église Saint-Vincent d'Andrest est remarquable par sa situation: implantée sur une villa antique dont elle a pris peut-être la succession directe, elle était entourée d'un vaste cimetière habité (attesté par prospection) et complétée à une centaine de mètres à l'est, à mi-chemin de la voie d'accès de la poutge, d'un hameau de cagots qui devaient fournir une main-d'œuvre artisanale (toponyme crestias sur le cadastre). Une terre cultivée par un de ces cagots (la terre deu chrestiaa) est signalée dans un acte de 1319. Le noyau d'habitat le plus important semble avoir été celui de Saint-Vincent d'Andrest: c'est près de cette église que toutes les tentatives de regroupement ont eu lieu, certainement parce que la population s'y concentrait en majorité.
 
 

L'église de Trougnan, dont la titulature n'est pas connue avec certitude, est implantée à un croisement de chemins et à proximité également d'un site antique. La répartition des tessons collectés lors de la découverte du site en 1999 fait supposer qu'il n'existait pas un véritable village structuré, seulement quelques maisons implantées à proximité de l'église, principalement au nord, accessibles par le chemin de Trougnan venant d'Andrest, et d'autres habitats plus éloignées au sud. L'absence de tuiles et de mortier, sauf près de l'église, indique la médiocrité de cet habitat: il faut certainement imaginer, au XIIIe siècle comme au siècle suivant, un modeste hameau de maisonnettes en pans de bois et torchis, voire des cabanes en planches recouvertes de chaume ou de bardeaux périssables, y compris l'église, et entourées de quelques structures annexes (granges? greniers?) et peut-être de cours et jardins. La tentative de déplacement d'Andrest en 1340 prouve que la (quasi-) totalité de l'habitat paysan était encore fait de terre et de bois et que le seul spécialiste nécessaire était un charpentier (cité en 1342).
 
 

L'instituteur du village, dans sa monographie de 18877, signale qu'une procession se rendait à Trougnan chaque année dans une prairie, et que «dans plusieurs circonstances des ossements humains ont été soulevés dans cette propriété, ce qui laisse supposer que l'église et le cimetière Saint Barthélemy se trouvaient sur cette prairie ». Cette procession, disparue il y a un demi-siècle, correspond à la localisation de l'église retrouvée en 1999. Notons cependant que le décapage effectué au bulldozer en mars 1999 dans cette zone n'a pas dégagé d'ossements: le cimetière était-il disjoint de l'église, ou bien les inhumations sont-elles trop profondes pour ce décapage de surface ?

La titulature Saint-Barthélemy de Trougnan reste plus problématique, car elle n'est attestée par aucun autre document. Peut-être l'instituteur, qui était au courant de la disparition des églises de Saint-Vincent et de Trougnan à son époque, a-t-il extrapolé en sachant que Barthélemy est le patron de la paroisse et de l'église du XIVe siècle ?
 
 

Cette image de hameaux avec une église comme espace central, seul édifice en dur de la seigneurie et de la paroisse, ne doit pas surprendre. Elle est liée à plusieurs facteurs communs à tout le nord de la Bigorre:
 
 

-La faiblesse des seigneurs locaux, et la puissance très relative des comtes de Bigorre, n'ont pas favorisé à cet endroit le remodelage de l'habitat au profit d'un habitat castral.

-La force de l'habitat rural, structuré principalement en casaux, sortes de seigneuries rurales miniatures. Cette forme d'habitat a « fossilisé » en partie le paysage et l'habitat. Nous reviendrons plus loin sur cet aspect.

-Un premier regroupement de l'habitat semble avoir été effectif dans la deuxième moitié du XIe siècle et au début du XIIe siècle un peu partout dans la région autour d'églises. Ce phénomène a été impulsé par le mouvement de la Paix de Dieu, qui a abouti à la construction de nombreux enclos ecclésiaux (des « villages » s'installent dans le périmètre sacré des églises, souvent le cimetière qui est parfois entouré d'un fossé voire fortifié). On trouve de très nombreux exemples de ces enclos ecclésiaux tout autour d'Andrest: à Baloc, au nord de Vic-Bigorre, on distingue par photo aérienne le fossé interrompu de cet enclos implanté sur une villa antique et pratiquement déserté au XIVe siècle; à Gayan, le cimetière conserve encore les traces de fortifications en galets et mortier tardives, et dans le cimetière des traces d'habitats et d'une tour (une abbadie?); à Camalès, l'enclos ecclésial est entouré d'une muraille et d'un fossé en grande partie comblé, et est encore occupé par des maisons qui s'appuient sur les vestiges de cette muraille.
 
 

L'occupation d'Andrest, jusqu'au XIIIe siècle, est donc assez classique: un habitat groupé autour de l'église à Andrest (enclos ecclésial probable), plus dispersé à Trougnan8. Pour le reste on doit supposer l'existence de propriétés dispersées sur le territoire.

Ce regroupement partiel, si l'on suit la leçon de Benoît Cursente et la datation probable de l'église de Trougnan, semble avoir été effectif à partir de la fin du XIe siècle, rassemblant des propriétés (ou mieux, des casaux) initialement plus dispersés et fortement implantées. En 1303, le vicomte Arnaud de Lavedan demande ainsi aux paysans de quitter les casaux et lieux dans lesquels ils étaient précédemment établis (casaus e logs on prumerament estaven) outre les places du «vieux château», le casted ancia.
 
 
 
 

3- Le premier remodelage de l'habitat (1272-1303) par Raymond-Garcie, vicomte de Lavedan
 
 

En 1272, ces deux seigneuries sont brusquement éclairées par un acte du cartulaire des vicomtes de Lavedan, et ne sortent plus de la lumière jusqu'à la fin du XIVe siècle.

A cette date, le comte de Bigorre « échange » cinq villages au vicomte de Lavedan, dont Andrest et Trougnan, avec une rente de 60 sous morlans, contre une série de droits sur la vallée de Barèges.

Si le motif de cette vente déguisée reste mal élucidé9, le résultat est évident: les deux seigneuries changent de maître, vraisemblablement au profit d'un homme assez jeune et dynamique, Raymond-Garcie de Lavedan (Ramon-Gassie de Labeda), qui veut mettre en valeur et rentabiliser au mieux ces nouvelles acquisitions.
 
 

Sa première action connue, neuf ans plus tard, est très symbolique: il demande en 1281 à son voisin Pierre d'Antin, seigneur d'Ours(belille), l'autorisation de creuser une dérivation de l'Echez, un canal (en gascon: agau) qui traversera l'ouest des deux seigneuries, « au plus dreyt » et permettra d'irriguer les terres et de faire fonctionner d'éventuels moulins.

Le creusement de l'agau fut un succès: plus au nord, le comte de Bigorre se servit de ce canal pour mettre en eau les fossés de sa motte (le puyo, d'où le nom de Pujo), et pour installer un moulin, signalé en 1402. Plus au nord encore, les habitants du castrum de Vic, fondé vers 1152, creusèrent un deuxième fossé autour de celui du castrum, formant ainsi un utile système d'arrosage pour les jardins voisins et sans doute un « réseau d'assainissement ». Sur le cours de ce canal, une série de moulins furent postérieurement installés, moulin à grain et batan, ce qui a fait dire à Gaston Lacarce qu'existait d'une « ceinture industrielle » autour de Vic10.
 
 

A Andrest même, un unique indice archéologique permet de rendre compte des aménagements du vicomte de Lavedan autour de son canal. Une motte castrale dotée d'une modeste plateforme fossoyée, dans le quartier de la Mothe, finit actuellement de s'effondrer dans le canal latéral de l'agau. On peut supposer ici que Raymond-Garcie de Lavedan fit construire cette motte à côté du cours prévu du canal, dans le but de regrouper l'habitat et de former un petit bourg castral. On ne peut cependant préciser la chronologie relative entre la motte et le canal: l'auteur de ce premier village castral pourrait également être le comte de Bigorre, avant 1272.

Il paraît logique de penser que le vicomte de Lavedan est l'auteur de ce petit castrum: si le canal de l'agau avait été creusé jusqu'à l'église Saint-Vincent, il aurait fallu couper plusieurs chemins très pratiqués, dont un chemin nord-sud menant de Pujo à Trougnan puis Bazet et Tarbes. Plutôt qu'entreprendre des travaux de génie civil et de construction de ponts, forcément longs et coûteux, le vicomte aura préféré construire une motte de terre, bâtie par les paysans locaux avec des moyens rudimentaires, pour servir de point de fixation d'un nouvel habitat. On peut également s'interroger sur le problème de la pente générale à conserver à l'ensemble du canal, qui « suit » une pente très régulière sur tout son tracé.
 
 

Document 3: La motte du Casted ancia, plan et coupes. Le site a été en partie détruit par la dérivation de l'Agau qui coupe cette motte de l'emplacement probable de son « barri », immédiatement à l'est.
 
 
 
 
 
 

A l'est du canal, en continuité de cette motte, nous avons retrouvé de nombreux tessons de céramique médiévale qui indiquent qu'un petit bourg fut implanté là, mentionné sous la forme barri eu casted (le « bourg du château ») en 1340 .

La motte de terre portant un donjon de bois, à la fin du XIIIe siècle, est un procédé complètement archaïque: dès 1175, le petit château de Vidalos a été construit en pierre, et les Fors de Bigorre nous font connaître l'existence de tours de pierre dans les années 1100.

En 1303 cette modeste forteresse est d'ailleurs qualifiée de château vieux, casted ancia. Le même texte nous apprend que les habitants d'Andrest avaient dans ce casted des places réservées, pour lesquelles ils payaient une redevance. C'est là l'image classique du castrum, avec un château dominant et protégeant un petit bourg composé de maisons alignées le long d'une rue souvent unique, avec des emplacements de maisons prévues à l'avance et « calibrés ». C'est l'image de petits castelnaux bigourdans comme Castera-Lou ou Montfaucon.

Il ne reste cependant plus aucune trace cadastrale de ces places, et on ne peut que supposer une surface fort médiocre pour l'ensemble du site.
 
 
 
 

Document 4 : l'agau d'Andrest, creusé en 1281, et la rivière Echez entre Oursbelille et Vic-Bigorre. Etat actuel. Les habitats disparus sont inscrits avec une taille inférieure, les noms de cours d'eau en grisé.

1- Prise d'eau de l'agau. Etat contemporain, avec renforcement des berges.

2- Dérivation pour un moulin à Gayan, état XVIIIe siècle.

3- Dérivation inusitée (contrôle du débit d'eau ?) à Andrest. Moulin et scierie du XVIIIe siècle, minoterie du XXe siècle désaffectée, ancienne mise en eau du casted ancia (cité en 1303). Possible mise en eau des fossés du château vicomtal construit entre 1303 et 1330.

4- Motte comtale (avec mise en eau des fossés ?), et moulin de Pujo cité en 1402, dit « molin bladier » en 1783. Alors propriété du prieuré de Saint-Lézer. Lejosne le nomme « moulin Bayzole », peut-être du nom d'un ancien propriétaire.

5- Prise d'eau de l'Echez à l'agau (moulin disparu ?). Doublement du fossé défensif du castrum de Vic (v.1152), plusieurs moulins attestés du XIIIe au XXe siècle (moulins du Roy, du Claquet, de la Tourette...). Dans le quartier de la Herray dérivation pour un moulin, état moderne. Ancienne dérivation du moulin de Baloc (médiéval ?), et possible mise en eau des fossé d'un enclos ecclésial disparu. Rive gauche, quartier de l'Aigulhé, dérivations d'irrigation, peut-être anciennes prises d'eau pour des moulins disparus. Ces prises se poursuivent à Nouilhan (moulin XVIe siècle et ancienne motte propriété des évêques de Bigorre).

6- Ancienne prise d'eau pour un moulin (moulin dit de Peyrelade, cité en 1603, qui relevait du chapitre cathédral de Tarbes; état XVIIIe siècle) implanté sur la route d'Oursbelille à Bazet. A la jonction de l'Echez et de la Souy, motte et site fortifié d'Ours. Moulin probable au pied, dans un état moderne.

7- A Gayan, moulin état XVIIIe siècle, à proximité d'un enclos ecclésial fortifié.

8- Moulin de Lagarde cité en 1465 sur la Souy (molendinum de Gardia supra aquam de Sosa, acte cité par L.A. Lejosne).

9- Dérivations des moulins de Siarrouy, citées lors de la reconstruction de ponts de bois en 1342. Moulin cité en 1603. Autre moulin, le « molin banal », connu par deux actes de 1589 et 1608, dans un état contemporain.

10- Dérivation de moulin de Talazac. Moulin dans un état XVIIIe siècle, avec des traces d'occupation plus ancienne et un gué.

11- Canal du moulin de Saint-Lézer. Moulin cité en 1402, propriété du prieuré, état actuel XVIIIe siècle. Scierie hydraulique ruinée de la même époque. Autre moulin moderne au nord de la commune, quartier de La Barthe. Le sacristain avait annuellement le droit de pêche dans ces canaux (agalibus) en 1402.

12- Fin de l'agau d'Andrest à la sortie du castrum de Vic. Fin du canal du moulin de Saint-Lézer, avec dérivation dite canal de l'Uzerte passant à Vic (moulin, état moderne) et Caixon. Au quartier de Ganos, curtis citée en 1108, rachetée en 1348, actuellement dans un état archéologique, avec emplacement probable d'un moulin et mise en eau de fossé défensif; puis passage vers un autre moulin moderne à Caixon même, et mise en eau pour l'ancien château des évêques de Bigorre près de l'église.
 
 

La majeure partie de ces dérivations, au tracé particulièrement sinueux et complexe, semblent en place au début du XVe siècle pour faire principalement fonctionner des moulins à grains, plus rarement des moulins à foulon ou batans (à Vic). A noter également le rôle possible dans la mise en eau de fossés de diverses structures fortifiées (rôle défensif, et vivier de poissons).

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Dernière modification : 18/11/01,08:29:45

1Jean Bourdette, Notice des vicomtes du Labeda, Toulouse, 1900
    2Gabriel Demay, Les sceaux..., n°5139: sceau rond de 20 mm - Ecu portant trois corbeaux à la bande brochant, dans un trilobe - Légende détruite ( sceau sur une quittance de gages du 13 avril 1358).
3 Ce travail considérable n'aurait pu être mené à bien sans l'aide et le soutien de Jean-Pierre Carrère et de Francis Guinle, dont la connaissance sans faille de cette localité a été d'un secours considérable.
4 Sylvie Favarel, Occupation du sol et peuplement de l'Entre-deux-Mers bazadais de la préhistoire à 1550, Thèse de doctorat, Bordeaux III, 7 vol.
5 Cartulaire de Bigorre, fragment de pouillé du XIIIe siècle relevé par Larcher, puis Pouillés de 1342 et 1379
6La paroisse en France des origines au XVe siècle, Paris 1986
7ADHP T380 N°6
8Il faut signaler ici qu'on ne sait pratiquement rien sur l'eau et les cultures dans cette zone au XIIIe siècle: un unique ruisseau dérivé de l'Echez servait de frontière –assez floue- avec Siarrouy à l'ouest, et seules des sources et des puits étaient utilisables par ailleurs. A titre de comparaison, Jean-Pierre Carrère a recensé une dizaine de sources en service au début du XXe siècle, à côté de très nombreux puits privés.
La terre, peu irriguée, ne pouvait porter que des céréales rustiques et des prairies limitées: en 1303, les redevances réclamées sont en avoine «sarrazine» ( siuazede sirrazansa, probablement une variété très rustique) et en poules, signe que les exploitations devaient posséder pratiquement toutes une basse-cour susceptible d'apporter de la viande fraîche et des oeufs. Le même texte signale la présence de mil (milh, autre cérale rustique), vignes (biis et raisins, razims), arbres fruitiers (pommiers: pomes), de brebis et moutons (ouelhas et motoos), ainsi que de quelques têtes de gros bétail (des boeufs, boeus, pour battre le grain). La mention de pain (paa) indique également la présence probable de céréales panifiables comme le blé froment.

L'image donnée par ces quelques mentions est celle d'une campagne finalement assez riche, exploitée en petites parcelles de polyculture, probablement entourées de haies (pour séparer les enclos cultivés des parcelles et landes de pacages ) avec des arbres fruitiers (les pommiers pouvaient être exploités dans les haies, comme au XIXe siècle, ou en vergers/complants) et des vignes, les marges du terroir étant occupées par des landes de pacage. Il est probable cependant que nombre de parcelles étaient exploitées en complant, pour rentabiliser au mieux l'espace (vignes en hautin avec des arbres ou arbustes, arbres plantés au milieu des champs cultivés etc).

9Voir à ce propos les travaux de Raymond Rivière-Chalan, en particulier son ouvrage sur La vallée de Barèges, ses pâturages, et les méfaits de l'occupation anglaise pendant la guerre de 100 ans, 1969.
10Guy Cassagnet, Vic-Bigorre, bastide ou pas bastide, Reclams, 1984, N°3-4; Emile Lacassin, Annales de Vic, Revue des Hautes-Pyrénées, tiré à part, Tarbes, 1913